L’essor des sciences humaines à partir du XIXe siècle a conduit les philosophes à s’interroger sur les points communs et les différences entre sciences naturelles et sciences humaines. Peut-on connaître l’homme de la même façon que l’on connaît la nature ?
I. Une distinction nécessaire
1) Deux objets différents
Sciences de la nature et sciences de l’homme n’ont pas le même objet. Les phénomènes naturels semblent pouvoir devenir facilement un objet de connaissance. Par l’utilisation d’outils de mesure, on peut éliminer en eux tout ce qui relève d’une appréhension subjective. Par exemple, un segment n’est pas petit pour les uns et grand pour les autres : tous peuvent se mettre d’accord sur sa taille. L’étude de l’homme semble quant à elle problématique. Comment éliminer ce qui en l’homme est subjectif ?
Certains scientifiques, comme Dilthey, ont montré le caractère irréductible des sciences humaines aux sciences de la nature. Les sciences humaines impliquent de toujours prendre en compte un ressenti qui est de l’ordre de la subjectivité. Le vécu formant un tout, il ne peut pas être décomposé et expliqué en termes de causalité.
2) Des enjeux différents
En ce sens, on distingue expliquer et comprendre. Expliquer consiste à dégager les causes d’un phénomène, ce qui est le propre des sciences de la nature. On explique la douleur en la rapportant au fonctionnement des nerfs par exemple. Comprendre implique de saisir le vécu d’un individu, qui n’est pas susceptible d’être décomposé. C’est donc le propre des sciences humaines. Comprendre la douleur de quelqu’un, c’est saisir ce qu’il a d’unique et de proprement humain.
II. Des parallélismes possibles
Pourtant, qu’il s’agisse d’expliquer la nature ou de comprendre l’homme, c’est le même esprit qui est à l’œuvre. Descartes insiste sur ce point en montrant que, par-delà la variété des objets qu’il embrasse, l’esprit s’attache à suivre les mêmes règles pour connaître le réel : l’évidence, l’analyse, l’ordre et le dénombrement. Qu’il s’agisse des sciences de la nature ou des sciences humaines, l’esprit suit les mêmes principes : le principe de non-contradiction et le principe de raison suffisante.
À noter
Le principe de non-contradiction implique qu’un discours, pour être valable, ne doit pas contenir de contradiction. Le principe de raison suffisante suppose que tout phénomène a une cause et qu’aux mêmes causes répondent les mêmes effets.
Des scientifiques ont ainsi défendu l’idée selon laquelle les sciences humaines devaient suivre les mêmes méthodes que les sciences de la nature. Ainsi, pour Durkheim, il faut étudier les comportements de l’homme de la même façon qu’on étudie les phénomènes naturels, en essayant de repérer des régularités et en fixant des lois.
III. Une distinction enrichissante
Ainsi, l’esprit doit faire preuve de créativité devant la variété des objets qu’il cherche à connaître. Dans la douzième des Règles pour la direction de l’esprit, Descartes montre qu’il faut savoir mobiliser « toutes les ressources de l’intelligence, de l’imagination, des sens, de la mémoire » pour pouvoir s’adapter à la spécificité de chaque objet. En ce sens, la science met bien en jeu des formes de créativité et d’inventivité.
Il y a donc une tension entre, d’un côté, la volonté de respecter la spécificité de chaque objet et, de l’autre, le dialogue entre les différentes sciences qui leur permet de progresser. Par exemple, le développement de la chimie ou de l’imagerie médicale a eu un impact sur l’histoire et l’archéologie.