La science joue un grand rôle dans les sociétés contemporaines. Ses résultats ont une efficacité pratique telle qu’il semble légitime d’avoir beaucoup d’attentes à son égard. Elle pourrait améliorer la vie, nous dicter nos codes de conduite. Mais est-ce là véritablement le rôle de la science ?
I. Science et progrès
Dans la mesure où la science repose sur la volonté de penser par soi-même en s’appuyant sur la raison, elle semble être un progrès par rapport à d’autres discours qui veulent s’imposer comme des dogmes qu’on ne peut pas remettre en cause. Ainsi, les philosophes des Lumières voyaient dans le développement de la science le meilleur moyen de lutter contre toute forme d’obscurantisme.
Il paraît donc légitime d’avoir confiance en la science, que ce soit individuellement ou collectivement. Dans le Discours de la méthode, Descartes montre que la science ne doit pas seulement être un discours théorique, mais qu’elle doit avoir aussi des conséquences pratiques susceptibles d’améliorer les conditions de vie de l’homme.
II. Les limites de la science
Cependant, n’est-il pas déraisonnable de tout attendre de la science ? Premièrement, certaines questions qui intéressent l’homme ne paraissent pas pouvoir être résolues grâce aux sciences. En effet, l’homme peut se poser des questions métaphysiques (quant à l’existence de Dieu, de l’âme) qui dépassent les limites de la science. Deuxièmement, le caractère historique de la science montre qu’il faut être vigilant quant à la valeur de ses résultats, car ce qui semble être vrai pour une époque ou une génération ne l’est pas nécessairement et pourra un jour être mis en cause.
À noter
On appelle scientisme l’idée selon laquelle le développement de la science permettra immanquablement un progrès de la société.
Il faudrait donc être méfiant à l’égard des discours qui s’appuient sur l’autorité scientifique, car il est possible d’en instrumentaliser les résultats. Arendt montre ainsi que les régimes totalitaires s’appuient sur des discours d’apparence scientifique pour en faire des instruments de pouvoir : le régime hitlérien sur la notion de race, le régime stalinien sur l’idée d’un sens de l’histoire.
Mais, à l’inverse, une défiance complète à l’égard de la science semble tout aussi déraisonnable dans la mesure où elle conduit l’individu à s’en remettre à des discours qui ne s’appuient sur aucune méthode pour établir la validité des propositions qu’ils défendent.
III. L’autorité de la science
Dès lors, il convient de circonscrire les domaines dans lesquels l’autorité de la science est légitime. Max Weber distingue ainsi le domaine du savant et le domaine du politique. Le savant doit expliquer le réel, ce qui n’implique pas de considération quant à ce qui doit être. « La science contribue à une œuvre de clarté », elle n’est pas un discours prophétique qui indiquerait aux hommes la façon dont ils devraient se comporter.
À l’inverse, le domaine du politique est celui de l’imprévisibilité : dans la mesure où les conséquences de nos actions sont imprévisibles, la science ne peut pas répondre à toutes nos questions.
Bien plus, ce qui fait la valeur de la science, c’est qu’elle énonce elle-même les limites entre lesquelles elle se tient. Elle ne s’impose pas comme un dogme auquel il faudrait croire, mais implique la liberté de penser et la possibilité d’une discussion. Popper montre ainsi que le propre d’une théorie scientifique est de pouvoir être réfutée. Cet argument le conduit par exemple à remettre en cause le caractère scientifique de la psychanalyse.