L'art de la parole : XVIe et XVIIe, des siècles bavards

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Introduction

En Europe, dès le XVIe siècle, la redécouverte de manuscrits anciens et le grand mouvement de traductions qui s'en est suivi a favorisé un retour à l'Antiquité, à l'origine de ce qu'on a appelé « la Renaissance ». Ces échanges de textes et d'idées, l'apport des grands écrivains et philosophes antiques, ont approfondi et perfectionné l'art de la parole. Ils ont aussi permis à de nombreux artistes dans les domaines de la peinture, musique, sculpture ou de l’architecture, de trouver de nouvelles sources d’inspiration.

Objectifs : Dans cette leçon, nous abordons l’art de la parole à l’âge classique, en mettant l'accent sur les « humanités », soit la littérature grecque et latine, ainsi que sur le théâtre et l'opéra, arts majeurs par excellence de la parole.

I. Une République des lettres

1) Les lettres pour la paix

Au XVIe siècle, les savants, érudits et lettrés de toute l'Europe correspondent et s'échangent les textes antiques, les commentent et les traduisent. Dans un contexte politique de guerre de religions, ces « lettres » apparaissent comme un horizon de paix, et un idéal d’universalité : les humanistes dépassent souvent leurs propres clivages afin de partager un même idéal de paix. Les « lettres » désignent alors à la fois les textes antiques discutés et les lettres que ces humanistes s’échangent. L’un des corpus les plus commentés est, d’ailleurs, la correspondance de Cicéron. Les humanistes ont eux-mêmes nommé leur réseau informel la « République des lettres » et se sont inspirés de Cicéron pour se conformer à un modèle d'orateur qui soit tourné vers le bien commun, et non la division, notamment religieuse.

2) Montaigne (1533-1592) : l’art contradictoire de la parole

Dans le livre I de ses Essais, le philosophe Michel de Montaigne exprime son scepticisme quant à l'art oratoire et, plus largement, concernant les arts et les sciences : « [...] l’étude des sciences amollit et effémine les courages, plus qu’il ne les fermit et aguerrit. Le plus fort état, qui paraisse pour le présent au monde, est celui des Turcs, peuples également duits à l’estimation des armes, et mépris des lettres. Je trouve Rome plus vaillante avant qu’elle fût savante. » Pourtant, il est lui-même philosophe et a écrit de nombreux ouvrages : il est passé maître dans l'art rhétorique et a pour objectif d'exprimer sa pensée de la manière la plus simple et la plus claire possible.

Montaigne avait par ailleurs le projet de devenir ambassadeur en Italie. Il fut, également, un négociateur pendant les guerres de religion entre Henri III et Henri de Navarre. Ainsi, dans le même livre des Essais, il écrit sur les différents usages de la parole et l'exercice de la diplomatie.

II. La « mise en scène » de la parole

La « mise en scène » est un terme anachronique puisqu’il n’est apparu qu’au début du XIXe siècle avec le sens que nous lui connaissons aujourd’hui : l’ensemble des moyens nécessaires mis en œuvre pour la représentation d’une pièce de théâtre. Aux XVIe et XVIIe siècles, la parole a été littéralement « mise en scène » au service notamment de la prédication religieuse, et au moyen du théâtre et de l'opéra.

1) Le Théâtre : la tragédie classique

Selon le CNRTL (Centre national des ressources textuelles et lexicales), une tragédie est une « pièce de théâtre qui offre une action importante et des personnages illustres, qui est propre à exciter la terreur ou la pitié, et qui se termine ordinairement par un événement funeste ». Phèdre (1677) de Racine ou Roméo et Juliette (1597) de Shakespeare en sont de bons exemples.

S’appuyant sur les principes de la Poétique d’Aristote, la tragédie classique respecte la règle des trois unités. Ces règles visent à maintenir éveillés l'attention et l'esprit du spectateur afin que le texte le pénètre et le touche davantage. Les voici :

  • Unité d’action : la pièce ne met en scène qu’une seule action principale. Il peut y avoir des intrigues secondaires mais ces dernières doivent trouver leur résolution au plus tard en même temps que l’action principale.
  • Unité de temps : toute l’action représentée est censée avoir lieu au cours d’une seule journée.
  • Unité de lieu : toute l’action représentée se déroule dans un seul et même lieu.

La pièce tragique est écrite en alexandrins, c’est-à-dire en vers de douze syllabes. Pour le dramaturge Pierre Corneille (1606-1684), les alexandrins, vers au rythme équilibré et harmonieux, conviennent particulièrement à l’action de la tragédie.

À savoir 
C’est au XVIIe siècle, en 1680, qu’est fondée la Comédie Française par Louis XIV, sept ans après la mort de Molière. C’est encore aujourd’hui l’une des principales troupes de comédiens permanente en France.

2) L’opéra

Selon le CNRTL, un opéra est une « composition dramatique, mise en musique pour être chantée avec accompagnement d'orchestre et souvent de danses et une importante mise en scène ».

La première représentation de l'Orfeo de Claudio Monteverdi (1567-1643) est donnée au théâtre de la cour de Mantoue, en Italie, en 1607. Cette œuvre est considérée par les musicologues comme étant le premier opéra occidental, celui dont nous avons gardé la trace, en tout cas.

Le librettiste est le premier collaborateur du compositeur : il écrit le texte qui sera chanté. Parfois, le compositeur endosse les deux rôles. Ainsi, composition musicale et écriture du livret se rejoignent : la parole est aussi un objet dont le sens est inséparable du son qui l'exprime.