Quel est le but de l'éducation ?

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L'éducation est associée à la discipline et à l’effort. Mais loin d’être une fin en soi, cette contrainte est surtout un moyen pour l’individu d’accéder à l’autonomie.

I. Culture et discipline

1) Le perfectionnement de soi

Du latin ducere (« conduire »), l’éducation est un ​processus par lequel l’individu développe ce qu’il a de proprement humain. Comme le dit l’humaniste Érasme, il faut « affiner l’esprit par la discipline » (De l’Éducation des enfants, 1529).

Citation

« Les hommes ne naissent point hommes, ils le deviennent par un effort d’invention. » (Érasme)

Pour les Anciens déjà, l’éducateur devait avoir en ​vue la socialisation et la moralisation de l’individu car c’est un « animal politique », destiné à vivre en bon accord avec ses semblables. Aristote estime que la bonne conduite est affaire de bonnes habitudes, elles-mêmes contractées sous l’effet de l’éducation (Éthique à Nicomaque, IVe siècle av. J.-C.).

Citation

« L’homme appelé à être bon doit recevoir une éducation et des habitudes d’homme de bien. » (Aristote)

2) Une dimension répressive

L’entrée dans la culture représente un arrachement parfois douloureux à notre​ nature première. Selon le sociologue Durkheim, la contrainte est intériorisée grâce à « l’action […] que les adultes exercent sur les plus jeunes ». L’enfant naît égoïste et asocial, mais l’éducation en fait un être moral et un citoyen : « elle crée dans l’homme un homme nouveau et cet homme est fait de tout ce qu’il y a de meilleur en nous » (Éducation et sociologie, 1922). 

Freud parle d’un processus de « répression des pulsions », par lequel le petit sauvage devient en quelques années un être civilisé. Selon le psychanalyste, l’individu doit dépasser son état naturel et dominer ses instincts pour entrer dans la culture et la société : « l’éducation doit donc inhiber, interdire, réprimer et c’est à quoi elle s’est de tout temps amplement appliquée » (Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, 1932). 

Comme le résume André Comte-Sponville, « on naît homme, ou femme ; on devient humain » (Dictionnaire philosophique, 2013). L’éducation ne flatte pas les tendances naturelles et le plaisir, mais promeut la culture et le travail. En ce sens, elle n’est pas au service des enfants mais des adultes qu’ils doivent devenir.

II. La conquête de la liberté

1) Vers l’émancipation

Si l’homme est bien, comme le dit Kant, « la seule créature qui doive être éduquée », la discipline imposée à l’enfant ne doit pas être vue comme un dressage, mais consiste à « cultiver la liberté par la contrainte ». Autrement dit, elle favorise son émancipation en l’exerçant à dominer ses tendances capricieuses ou sauvages (Réflexions sur l’éducation, 1803). 

Les peuples doivent s’éclairer eux-mêmes pour conquérir leur liberté. Opposé à la censure, Kant souhaite que les opinions scientifiques, politiques, religieuses, soient publiées et débattues (Qu’est-ce que les Lumières ?, 1784). Il rêve aussi d’une « éducation publique », fondée sur le mérite et offrant « la meilleure image du citoyen à venir ». Se dessine alors l’espérance d’un progrès de l’humanité vers le règne du droit.

Définition

L’émancipation est l’acte consistant à sortir de la soumission pour devenir autonome.

2) L’instruction publique

Député à la Convention, Condorcet estime que « l’instruction publique est un devoir de la société à l’égard des citoyens ». Il prône la création d’une école publique, laïque et gratuite dans chaque village, accueillant garçons et filles : « l’instruction doit être la même pour les femmes et pour les hommes » (Mémoires sur l’instruction publique, 1791).

Condorcet distingue éducation et instruction : l’école ne doit pas se substituer aux familles dans la transmission des croyances et valeurs, mais apporter aux futurs citoyens le savoir nécessaire au libre exercice de leur jugement et les préserver de toute soumission (aux préjugés, aux tyrans).

L’école républicaine selon Jules Ferry

Il faut attendre la IIIe République et les lois de 1881-1882 pour que les propositions de Condorcet se concrétisent. Dans sa Lettre aux instituteurs de 1883, le ministre Jules Ferry indique que l’école doit dispenser aux enfants les savoirs qui feront d’eux « des honnêtes gens » et de « bons citoyens ». Cependant, filles et garçons sont encore accueillis séparément et ne suivent pas exactement les mêmes programmes.