Parce que certains passages des textes dits sacrés vont à l’encontre du discours scientifique, foi et raison semblent s’opposer. Tout au moins, elles seraient deux moyens différents de connaître la réalité.
I. Le conflit entre la foi et la raison
1) Croire ou démontrer ?
La raison implique de rechercher des preuves de ce qu’on admet comme vrai. Elle exige un effort de justification permanent, soit par l’expérience, soit par l’argumentation. Au contraire, la foi se définit comme une confiance aveugle envers une personne, un texte, indépendamment de toute preuve. Dès lors, foi et raison semblent inconciliables.
À noter
Il ne faut pas confondre foi et fanatisme. La foi peut impliquer des doutes et des inquiétudes. Au contraire, le fanatique ne remet jamais en cause ses croyances et tente de les imposer aux autres.
2) Peut-on prouver l’existence de Dieu ?
De nombreux philosophes et théologiens ont cherché à prouver l’existence de Dieu. Ils se sont appuyés tantôt sur la beauté et la régularité du monde pour en déduire l’existence d’une intelligence supérieure et créatrice, tantôt sur l’idée de la perfection divine qui implique l’existence de Dieu.
Selon Kant, il est impossible de prouver l’existence de même que l’inexistence de Dieu. Cette question ne relève pas de l’entendement, puisque l’existence d’une chose ne se démontre pas. Dans la Critique de la raison pratique, Kant déplace la question de l’existence de Dieu sur le plan pratique et moral : elle est une hypothèse moralement nécessaire. Agir moralement suppose de postuler l’existence de Dieu comme ce qui impose de rechercher le bien.
3) Comment justifier sa foi ?
Si le croyant ne peut prouver l’existence de Dieu, il peut justifier sa foi en s’appuyant sur différentes expériences, lesquelles n’ont pas en elles-mêmes de valeur scientifique. Il fonde ses propos en particulier sur les témoignages de proches ou de grandes figures spirituelles, ainsi que sur son expérience intime.
4) La foi : un dépassement de la rationalité ?
La foi n’est pas disqualifiée du simple fait qu’elle ne se justifie pas aux yeux de la raison. Elle renvoie à une confiance qui, par-delà la raison, admet la vérité de certaines propositions.
Elle engage aussi des actes. Kierkegaard parle d’un « saut » qui permet de donner du sens à l’existence.
II. Réconcilier foi et raison ?
1 ) Une association possible
On pourrait dire que le conflit entre foi et raison n’est qu’apparent et qu’en réalité ces deux facultés cohabitent, chacune ayant son propre domaine de validité. Pascal, par exemple, distingue les vérités accessibles par la raison et les vérités accessibles par le cœur. La raison renvoie à une connaissance discursive, par démonstration, tandis que la foi renvoie à une intuition immédiate.
Pourtant, cette tentative de réconcilier foi et raison renvoie toujours à une hiérarchie implicite entre les deux facultés. La raison devrait s’humilier et reconnaître ses limites devant une foi triomphante, qui nous donnerait accès à une vérité plus importante. La raison serait réduite à deux rôles : s’intéresser aux questions secondaires, qui n’influencent guère le sens de notre vie, ou bien préparer le cœur humain à accepter la foi. On pourrait inverser cette hiérarchie : la foi devrait alors s’humilier devant les exigences démonstratives de la raison.
2) Une tension enrichissante
Plutôt que de tenter à tout prix de réconcilier les deux termes, ne vaudrait-il pas mieux maintenir la tension entre foi et raison ? En ce sens, Ricœur distingue « problème » et « appel ». La raison répond à des problèmes que nous formulons, qu’il s’agisse des sciences ou de la philosophie. La foi répond à un appel qui est reçu à partir d’un texte ou d’une tradition. Un écart entre raison et foi est maintenu, mais on reconnaît son caractère fécond : il permet aussi bien le progrès de la raison qu’une foi plus intelligente.