Se demander si l’on peut se passer de religion implique de chercher quelles sont les fonctions de la religion et si d’autres institutions peuvent les remplir. On estime actuellement que 84 % de la population mondiale est croyante. Peut-on imaginer un monde sans religion ?
I. La fonction psychologique de la religion
La religion a d’abord une fonction psychologique : elle permet de rassurer l’individu devant l’étrangeté du monde et de donner du sens à sa vie. Par exemple, la mort paraît moins effrayante quand elle est rapportée à un projet divin pour l’homme. En effet, les idées de vie éternelle ou de réincarnation peuvent rendre l’événement de la mort moins douloureux.
Selon Freud, la croyance en Dieu n’est pas une erreur, mais plutôt une illusion. Elle provient d’un besoin infantile de sécurité, qui consiste à projeter vers une entité supérieure tous les attributs de la puissance. L’individu peut ainsi se sentir protégé. Si la religion était une erreur, il serait facile de s’en passer : il suffirait de connaître la vérité. Comme la religion est une illusion, il est plus difficile de s’en défaire, dans la mesure où elle comble un besoin humain fondamental.
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Pour Freud, une erreur consiste à manquer la vérité par manque de connaissance ou d’attention. Au contraire, l’illusion renvoie à un désir inconscient qui empêche l’individu d’atteindre la vérité.
II. La fonction sociale de la religion
La religion revêt aussi une dimension collective : elle permet de souder une communauté qui partage les mêmes valeurs (l’entraide, la charité, le refus de la violence…), les mêmes croyances et les mêmes pratiques. Dans cette perspective, elle serait une forme de ciment indispensable à la société.
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Le mot religion vient du latin ligare, religare (« lier », « relier »). Non seulement la religion relie l’homme à un ou plusieurs dieux, mais elle relie aussi les hommes entre eux.
Marx voit dans cette dimension collective de la religion un danger pour l’émancipation des hommes : « La religion est l’opium du peuple. » Certes, la religion crée des formes de solidarité et permet aux hommes de supporter leurs conditions d’existence. Elle apporte une forme de réconfort. Mais en même temps, elle empêche l’homme de modifier concrètement sa vie : l’homme continue d’attendre d’un dieu un secours, au lieu d’agir dans l’espace public pour créer un monde meilleur. Il faut donc apprendre à se passer de religion pour ne pas être condamné à une forme d’impuissance.
III. De la religion au sacré
1) Les substituts de la religion
Il semble possible de se passer des fonctions psychologique et sociale de la religion en remettant en cause certaines traditions et en inventant de nouvelles institutions. Par exemple, si la religion n’assure plus le lien social, la vie associative ou l’engagement citoyen peut prendre le relais. Ainsi, la vie en société peut se construire autour d’institutions non religieuses qui se substituent aux anciennes structures religieuses.
2) La permanence du sacré
Mais, si l’homme peut se passer de religion, peut-il pour autant cesser de donner une valeur particulière à certaines choses ? N’éprouve-t-il pas toujours un besoin de sacré ? En effet, si les religions semblent en perte de vitesse dans certains pays, les hommes ne continuent pas moins d’accorder un caractère sacré à des choses (comme un drapeau), à des personnes (comme un chef politique), à des souvenirs de voyage, etc. Pour Mircea Eliade, même les sociétés les plus désacralisées conservent des croyances et des rites similaires à ceux des religions.
Barthes prend l’exemple de la Citroën DS pour montrer que les hommes ont tendance à attribuer un caractère sacré à des objets du quotidien. Par son apparence, ses performances et par l’imaginaire qu’elle met en jeu, une automobile peut devenir un objet sacré pour un groupe social.