En quoi consiste le bonheur ?

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Le bonheur est aussi divers et insaisissable que nos désirs qui varient et changent tout au long de notre vie. Difficile donc d’en trouver une définition objective et universelle. Les philosophes s’y essaient pourtant, s’appuyant tantôt sur l’expérience, tantôt sur la raison.

I. « Au petit bonheur la chance »

1 ) Croyances et superstitions

Selon l’étymologie, le mot « heur » désigne le hasard, le sort ou la fortune, et le mot « bonheur » la bonne fortune, par opposition au « malheur », littéralement « mauvais sort ». Le bonheur dépend donc du hasard aveugle ou de la providence divine.

Dans cette perspective, le bonheur relève de croyances (avoir « une bonne étoile » ou un « porte-bonheur »), se manifeste de façon imprévisible et justifie le recours à des pratiques superstitieuses (devins, voyantes, horoscopes, etc.). L’homme heureux est celui qui sait « saisir sa chance ».

À noter

Le terme grec qu’on traduit par « bonheur » suggère la même idée de chance : eudaimonia signifie littéralement « avoir un bon génie ».

2 ) Une question philosophique

Ces superstitions très anciennes témoignent d’une aspiration universelle au bonheur. Mais les hommes se séparent sur sa définition, ainsi que sur les moyens d’y parvenir. C’est en cela que le bonheur devient une question philosophique : s’interroger sur la « vie bonne » (eu dzeîn, disaient les Grecs), c’est d’abord se demander ce qui est bon, ce qu’est le bien.

II. Le bonheur réside dans le plaisir

Le sens commun représente le bonheur comme la satisfaction complète des désirs : être heureux, c’est être comblé. Le bonheur serait un état de plaisir total.

Ainsi, l’hédonisme d’Épicure définit le bonheur par le plaisir. Mais le plaisir épicurien est dans la cessation de la douleur physique et l’ataraxie (ou absence de troubles de l’âme).

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L’hédonisme désigne une doctrine qui fait du plaisir le souverain bien que nous devons rechercher.

Schopenhauer reprend cette définition négative du plaisir comme absence de douleur : « L’homme le plus heureux est donc celui qui parcourt sa vie sans douleurs trop grandes, soit au moral soit au physique, et non pas celui qui a eu pour sa part les joies les plus vives ou les jouissances les plus fortes. »

III. Le bonheur est un état permanent de l’âme

1)  Distinguer le bonheur de la joie et du plaisir

Il faut distinguer le bonheur de la joie et du plaisir. Joies et plaisirs sont multiples, occasionnels, éphémères ; le bonheur est permanent et continu. Les premiers sont des événements qui résultent de causes extérieures, tandis que le second est un état qui provient d’une façon de vivre constante et qui dépend de nous.

Éprouver un plaisir ou une joie ne suffit pas à être heureux. D’abord parce que joies et plaisirs sont fugaces et qu’ils cèdent souvent la place à la tristesse ou à la souffrance. Ensuite parce qu’ils peuvent en eux-mêmes être mauvais et nuisibles, comme dans le cas des passions.

2)  Vouloir ce qui dépend de nous

Pour les stoïciens, les passions sont mauvaises, car elles troublent l’esprit et nous rendent esclaves de choses extérieures. Désirer ce qui « ne dépend pas de nous » nous rend forcément malheureux, car aliénés à des causes extérieures à notre volonté. Pour être heureux, le sage ne doit vouloir que ce qui dépend de lui. Il peut atteindre ainsi l’apathie (ou absence de passions).

3 ) Le bonheur, une fin en soi ?

Pour Aristote, la vie heureuse est une vie contemplative consacrée au savoir rationnel. En effet, la raison est la qualité spécifique de l’homme, et le bonheur est dans la réalisation parfaite de sa fin propre : « Le bonheur est quelque chose de parfait et qui se suffit à soi-même, et il est la fin de nos actions » (Éthique à Nicomaque).