Comment la littérature rend-elle compte du rôle fondateur de l'école ?

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Tandis que l’école se démocratise sous la Troisième République, la littérature s’empare de ce lieu devenu commun et souligne son importance nouvelle, pour l’individu comme pour la société.

I. L’école, une expérience fondatrice

1) Des souvenirs forts

Positive ou négative, l’expérience d’écolier laisse des traces certaines. L’écrivain​ peut dénoncer la rigidité d’un système éducatif qui multiplie les sévices et écrase les singularités individuelles. Jules Vallès, dans son roman aux accents autobiographiques L’Enfant (1881), règle ses comptes avec « le collège [qui] moisit, sue l’ennui et pue l’encre. »

L’école est aussi associée à des moments de grâce. Dans La Gloire de mon père (1957), Marcel Pagnol sublime l’instant où l’enfant accède à la lecture : encore bien jeune, ce fils d’instituteur crée la surprise et la fierté de son père en déchiffrant une phrase inscrite au tableau.

2) Le maître, figure marquante 

L’écrivain met en évidence le rôle décisif du maître,​ à la fois bienveillant et exigeant. Porte d’accès à un autre monde, l’école peut infléchir un destin. Camus, fils d’une mère analphabète et orphelin de père, et pourtant lauréat du prix Nobel de Littérature en 1957, écrit sa gratitude envers son instituteur, monsieur Germain, précieux guide qui l’accompagna sur le chemin du savoir.

Au-delà du savoir, le maître ouvre des perspectives de vie. Dans Lambeaux (1995), Charles Juliet raconte combien sa mère, jeune paysanne très bonne élève mais contrainte de quitter l’école après l’obtention de son certificat d’études, voit dans l’instituteur un « second père » protecteur, dispensateur d’un savoir nourrissant.

À noter

En latin, educare, qui signifie « élever, instruire, tirer à soi » est issu du terme dux, le chef, le guide.

II. L’école, terreau de la construction de soi

1) Un lieu d’émancipation

Les savoirs transmis par l’école peuvent entrer en conflit avec le milieu familial ​de l’élève. Annie Ernaux explique dans La Place (1983) la méfiance de ses parents, petits commerçants, envers l’école. Le savoir et l’autonomie se transmettent parfois au prix d’un arrachement au milieu familial.

Dans L’Art de perdre (2017), Alice Zeniter s’intéresse au destin d’une famille algérienne émigrée en France : elle y décrit le lent apprentissage de la langue française, douloureux et magique, d’Hamid, qui acquiert un savoir auquel ses parents n’auront jamais eu accès.

2) L’école au cœur des enjeux de société

L’éducation, gage d’élévation humaine, est la pierre de touche d’une société saine : Victor Hugo se bat contre le travail des enfants dans son poème « Melancholia » (1856), en soulignant l’importance décisive de l’instruction.

Péguy magnifie les « beaux hussards noirs » (L’Argent, 1913) que sont les instituteurs, aux avant-postes de la défense des valeurs républicaines.

Citation

« Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. » (V. Hugo, « Écrit après la visite d’un bagne », 1881)

3) L’élève, une préoccupation majeure

L’école accorde une importance croissante à l’élève et à son bien-être. Dans​ Chagrin d’école (2007), Daniel Pennac donne à voir l’école du point de vue du cancre qu’il était ; il interroge l’échec scolaire et montre la douleur de celles et ceux qui se sentent exclus du savoir.

Que peut l’école ? Jeanne Benameur, dans son récit Les Demeurées (2000), réfléchit aux limites du pouvoir de l’instituteur, à travers l’impuissance de Mme Solange à ouvrir véritablement les portes du savoir à Luce, qui vit l’école comme une menace.

La figure du professeur charismatique

La figure de l’enseignant charismatique qui transforme la vie de ses élèves est fréquente en littérature comme au cinéma. Dans Le Cercle des poètes disparus, un professeur de lettres bouscule les pratiques archaïques d’une école conservatrice. Son enseignement invite les élèves à trouver leur propre voie, en devenant des esprits libres.