La pédagogie préconise d’éveiller la curiosité de l’enfant. Mais l’éducation ne vise-t-elle pas d’abord à transmettre un savoir et des valeurs ?
I. Éveiller le désir d’apprendre
1) Le modèle rousseauiste
La pédagogie est la discipline qui vise à améliorer les méthodes et les pratiques d’enseignement pour transmettre des connaissances ou des valeurs. Chaque époque contient des débats sur ce qu’il faut enseigner et comment l’enseigner.
Rousseau se méfie de l’éducation car elle peut pervertir l’homme en l’éloignant de la nature. Dans Émile, ou De l’éducation (1762), il prône une « éducation négative » préservant son élève des préjugés de la société. Rejetant l’apprentissage et les livres, il prône la découverte active au contact des choses.
Ce ne sont pas des « préceptes » mais des « exercices » qui feront d’Émile un homme complet. On lui montrera en toute occasion l’utilité du savoir, en tenant compte des manières de penser et de sentir propres à son âge.
Citation
« Songez bien que c’est rarement à vous de lui proposer ce qu’il doit apprendre ; c’est à lui de le désirer, de le chercher, de le trouver ; à vous de le mettre à sa portée, de faire naître adroitement ce désir et de fournir les moyens de le satisfaire. » (Rousseau)
2) La naissance de la pédagogie moderne
Nietzsche dénonce la « pauvreté d’esprit pédagogique » des établissements scolaires : selon lui, l’éducation ne doit pas transmettre des informations, mais favoriser d’abord le développement de l’intelligence et de la personnalité (Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement, 1872).
À la fin du XIXe siècle, Dewey élabore une pédagogie novatrice où l’enfant, en interaction constante avec son entourage, apprend de la vie elle-même. L’éducateur doit faire de tout sujet d’étude « une expérience vivante et personnelle » où le jeu a sa part (L’École et l’enfant, 1896) : c’est le principe du « learning by doing » (« apprendre en faisant »).
Dénonçant l’uniformisation voire le dressage des enfants à l’école, les pédagogies alternatives fleurissent au XXe siècle avec les méthodes Steiner, Decroly, Montessori, etc. : l’enfant devient « le centre de l’activité qui apprend tout seul, libre dans le choix de ses occupations et de ses mouvements » (Montessori, L’Enfant, 1935).
Définition
La transmission désigne l’acte de communiquer des connaissances ou des valeurs.
II. Transmettre un monde
1) Le sérieux du savoir
Méfiant à l’égard des pédagogues qui prônent une éducation ludique et concrète, Alain réhabilite la discipline et l’abstraction. Lui-même professeur, il assume un enseignement « retardataire » mais pas pour autant « rétrograde », car toute éducation s’appuie sur la transmission du passé, même si c’est pour le dépasser (Propos sur l’éducation, 1932).
Hegel estimait déjà qu’une pédagogie centrée sur le jeu revenait à confondre la dignité du monde des adultes avec une activité puérile. Il refuse en outre de rabattre la valeur spirituelle du savoir sur l’intérêt matériel (ou utilité) dont la connaissance peut être porteuse (Textes pédagogiques).
2) L’ancien et le nouveau
Dans « La Crise de l’éducation » (1961), Arendt constate l’échec des pédagogies modernes et s’en saisit pour réhabiliter la notion de transmission. Selon elle, le déclin de l’autorité et de la tradition dans le monde moderne a brouillé la frontière entre le statut de l’enfant et celui de l’adulte.
« C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice » : pour Arendt, l’éducation lègue aux générations nouvelles un monde ancien qu’il leur reviendra de transformer. L’éducateur doit donc assumer la « responsabilité » du monde qu’il transmet.
Socrate, le premier pédagogue ?
Toute sa vie, Socrate s’est défendu de vouloir enseigner quoi que ce soit, et s’adonnait à la maïeutique, ou art « d’accoucher les esprits » en posant les bonnes questions : il supposait en effet que toute âme peut reconnaître d’elle-même la vérité, à condition qu’on lui en donne l’opportunité.