Selon le philosophe René Descartes, les hommes doivent se rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature ». Mais cette place singulière de l’espèce humaine fait débat, particulièrement à l’heure de la crise écologique contemporaine.
I. L’être humain, un animal singulier
1) Maîtriser son environnement
Dans l’Antiquité, les mythes reflètent les rêves anciens de dépassement des limites de la condition humaine. Le mythe de Prométhée montre par exemple combien la technique arrache l’être humain à sa condition animale ; elle lui permet de dompter une nature menaçante. L’imaginaire collectif est marqué par le désir de suppléer à nos failles originelles.
L’exploration et la maîtrise croissante de la nature grâce à diverses technologies nourrissent l’imaginaire de romanciers comme Jules Verne : ses récits d’aventure (Voyages extraordinaires) mettent en exergue les grandes espérances placées dans la science.
Au fil des siècles, le rêve prend corps. Dans son récit Terre des hommes (1939), centré sur les exploits de l’aviation civile, le pilote et écrivain Saint-Exupéry met en valeur les progrès constants de l’homme pour arpenter une nature hostile.
2) Maîtriser son corps
L’espèce humaine semble être particulièrement prompte à repousser ses propres limites, en exploitant son formidable potentiel.
À noter
Au XVe siècle, l’humaniste Pic de la Mirandole souligne la spécificité de l’espèce humaine, qui réside dans l’ouverture à une infinité de possibles.
Michel Serres (Variations sur le corps humain, 1999) fait l’éloge du corps humain, l’opposant à celui des animaux, par sa malléabilité extrême et ses facultés d’adaptation qui donne le sentiment d’un perfectionnement toujours possible : « Que peuvent nos corps ? Presque tout. »
Les progrès médicaux engendrent de nouvelles possibilités d’interventions sur le corps humain lui-même. Le roman Réparer les vivants (2015) de Maylis de Kerangal glorifie le « transfert de vie » opéré par une équipe médicale, véritable exploit des temps modernes : dans l’urgence, l’équipe parvient à transplanter le cœur d’un jeune homme mort dans un accident.
II . Un rapport à la nature problématique
1) Les ambivalences du progrès humain
Peu à peu, l’exaltation charriée par les prouesses techniques du génie humain laisse place à l’inquiétude – jusqu’à la technophobie : l’humanité se retrouve face aux menaces qu’elle a elle-même créées.
Svetlana Alexievitch déplore les terribles retombées sanitaires, environnementales et psychologiques de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. L’homme, dépassé par ses inventions, semble victime de son hybris, de sa démesure.
Citation
« Les catastrophes ne sont plus des fruits du hasard, elles sont le produit principal de notre civilisation. » (Inspirations du mal, 2002)
La littérature reflète les angoisses liées à la dégradation des écosystèmes. Dans Sécheresse (1964), J. G. Ballard imagine un monde dévasté par une pénurie d’eau qui reconfigure dramatiquement les rapports humains.
2) Trouver sa juste place
Il s’agit désormais de limiter l’impact des sociétés humaines sur la nature, mais aussi de redéfinir les valeurs et les principes sur lesquels se fonde le développement de l’humanité. En 1847 déjà, H. D. Thoreau, dans Walden ou La Vie dans les bois, rompait avec la civilisation industrielle et prônait un rapport au monde plus authentique, en communion avec la nature.
À l’heure où l’impact néfaste de l’humanité sur l’environnement ne fait plus de doute, des voix s’élèvent pour défendre une vision biocentrée du monde, respectueuse du vivant.
Romain Gary signe avec Les Racines du ciel le « premier roman écologique » (1956), récit d’un combat acharné pour sauver les éléphants. Préserver la nature pour elle-même, en dehors de toute considération utilitaire, devient un impératif ; il en va de notre dignité humaine.
La reconquête d’un équilibre
Dans ce film d’animation, la nature reprend ses droits : les créatures de la forêt se révoltent contre les humains. Amené à rencontrer San, princesse des esprits qui vit avec les loups, le héros Ashitaka prend la mesure de la nécessité d’une relation harmonieuse avec l’environnement naturel. (Princesse Mononoké, film d’animation de Hayao Miyazaki (1997))