Toutes les inégalités sont-elles des injustices ?

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On peut penser que la loi implique la stricte égalité de traitement entre les citoyens : c’est ce qui garantirait le fonctionnement de la justice. Mais n’est-il pas juste de traiter aussi chacun selon son mérite ou ses besoins ?

I. Les inégalités naturelles ne semblent pas être des injustices

Le constat selon lequel certains semblent bien lotis par la naissance peut nous scandaliser : certains sont plus vifs, d’autres plus forts, certains pourvus de talents et d’autres non. Mais ne faut-il pas plutôt reconnaître qu’il existe nécessairement des inégalités ? Que les hommes ne sont pas égaux par nature ?

Dans le Gorgias de Platon, le sophiste Calliclès soutient que l’injustice est ce qui fait violence à l’ordre de la nature. En empêchant les plus forts d’exprimer leur force, la loi défend l’intérêt des plus faibles et contrevient à la domination des forts sur les faibles.

Si l’on considère comme Calliclès que la justice est « une institution de la nature », il n’y a plus de différence entre le droit et le fait : tout ce que la nature permet devient juste et légitime. Si je peux voler, tuer, commander, c’est que la nature m’y autorise parce qu’elle m’a pourvu des attributs nécessaires et qu’elle en a privé les autres. Ce ne sont pas les inégalités qui constitueraient ainsi une injustice mais l’égalité imposée par le droit : la loi ne doit pas se substituer à la nature. Le droit du plus fort doit l’emporter.

Citation

« [Calliclès] À consulter la nature, […] les bœufs et tous les autres biens des faibles et des petits appartiennent de droit au plus fort et au meilleur » (Platon, Gorgias).

II. Il est toutefois juste de lutter contre les inégalités

1)  L’insuffisance du droit du plus fort

Comment être certain que c’est bien la nature qui s’exprime, et non pas les structures de notre communauté politique et sociale ? Si certains sont plus riches, est-ce seulement parce qu’ils le méritent ? Ou bien parce qu’ils ont disposé, par la naissance ou par la chance, des moyens de s’enrichir plus que les autres ?

L’homme a en propre sa capacité à penser et à critiquer les valeurs sur lesquelles est fondée la société. Celle-ci est dynamique et non pas statique : elle n’est pas commandée par l’instinct naturel. Il nous revient donc d’établir par nous-mêmes ce qui paraît bon et juste. Nous ne pouvons nous satisfaire des inégalités qui ne seraient justifiées que par la nature.

2)  Il faut travailler à réduire les inégalités

Marx explique que les inégalités sociales n’ont pas pour origine des différences de mérite mais simplement des différences sociales. Les hommes qui naissent en possédant le capital, c’est-à-dire qui ont la propriété des moyens de production, s’enrichissent au détriment des autres. Or ces inégalités ne sont pas légitimes. Il faut dès lors réclamer l’égalité réelle entre les individus.

III. L’équité peut constituer une juste inégalité

Il faut distinguer la stricte égalité de l’équité : l’égalité consiste à donner la même chose à chacun, l’équité implique de traiter les citoyens différemment, justement en vue de leur égalité. Cela implique de reconnaître que tous n’occupent pas la même position sociale. C’est le but des mécanismes de redistribution des richesses par exemple.

John Rawls explique que les inégalités de traitement économiques et sociales doivent bénéficier aux plus désavantagés pour être justes. Il ne s’agit pas de modifier ou de compenser les différences naturelles, mais plutôt de donner à chacun la chance de ne pas subir sa situation sociale, c’est-à-dire de pouvoir exprimer ses mérites.