Comment fonder la légitimité de la justice ? Faut-il toujours obéir à la loi même lorsque celle-ci nous semble injuste ?
I. Les deux fondements de la justice : droit positif et droit naturel
Il faut distinguer le droit positif, qui désigne l’ensemble des lois d’une communauté politique, du droit naturel. Ce dernier repose sur les normes et les valeurs idéales propres à la nature de l’homme, indépendamment de toute détermination temporelle ou spatiale. En ce sens, le droit naturel est universel (il est le même pour tous les hommes), tandis que le droit positif est particulier (il ne vaut que pour une communauté déterminée).
À noter
Le terme positif n’a pas ici de valeur morale : le droit positif n’est pas le bon droit par opposition à un droit nuisible. Cela signifie seulement qu’il a été posé, c’est-à-dire institué, et donc qu’il ne vaut que pour les membres d’une communauté donnée.
L’enjeu est alors de savoir si le droit positif est toujours conforme aux règles du droit naturel. Si la coïncidence est parfaite, alors il n’est pas possible que l’institution judiciaire soit injuste : en faisant appliquer le droit positif, elle ne contreviendrait jamais au droit naturel. Mais si au contraire certaines lois ne respectent pas le bien commun, comment la justice pourrait-elle encore être juste ?
Il ne faut donc pas confondre la légalité et la légitimité. Ce qui est injuste du point de vue du droit positif ne l’est pas toujours du point de vue de la morale.
II. L’institution judiciaire doit aider à bien agir
1 ) La loi nous guide dans la connaissance du juste
Les règles du droit définissent ce qui est permis et défendu, en sorte de permettre à chaque citoyen d’exercer sa liberté sans entraver les autres. En ce sens, la loi doit instituer les règles permettant à la société de vivre en harmonie.
Étymologiquement, le terme « droit » vient du latin rectus, nous renvoyant à la rectitude, c’est-à-dire à l’honnêteté et au bien. Alors que nous serions enclins à agir égoïstement en négligeant autrui, la loi nous aide à savoir ce qui est juste.
2) Punir rend justice à la liberté du citoyen
Lorsque le citoyen transgresse la loi, il est puni par la justice qui le condamne au nom de la société. Hegel explique que « le châtiment fait honneur au criminel ». La punition n’a donc rien d’une injustice ! Elle invite l’homme à réfléchir au sens et aux conséquences de son action.
Si l’on considérait que l’homme ne pouvait ni changer ni penser par lui-même, les punitions ou les récompenses seraient privées de signification et de légitimité. L’exercice de la justice repose sur la reconnaissance du citoyen comme conscience libre capable de se représenter le bien et le mal.
III. Mais elle ne peut être juste si la loi est injuste
Nous l’avons vu, ce qui est légal n’est pas toujours légitime. Certaines lois sont injustes parce qu’elles instituent des différences de traitement fondées non pas sur le mérite des citoyens, mais, par exemple, sur des distinctions de genre, de couleur de peau, etc. Autrement dit, elles supposent que certains auraient par nature plus de droits et de libertés que d’autres.
L’institution judiciaire qui ferait appliquer de telles lois ne pourrait alors qu’être injuste. L’homme juste est au contraire celui qui se soustrait à la loi pour refuser de se faire complice de l’injustice. Thoreau invite ainsi le citoyen à ce qu’il appelle la « désobéissance civile » : il refusa par exemple de payer ses impôts pour ne pas financer les guerres.