Sommes-nous condamnés à être libres ?

Signaler

La liberté est la possibilité de choisir l’orientation de notre existence dans certaines situations données. Mais la liberté elle-même est-elle objet de choix ? Peut-on choisir de ne pas être libre ? Choisir de ne pas être libre, n’est-ce pas encore choisir ?

I. Sartre : « L’homme est condamné à être libre »

1)  La liberté est une donnée native

Heidegger et l’existentialisme de Sartre soutiennent que la liberté précède la nature : « L’existence précède l’essence. » Par sa conscience de la mort, l’homme fait exception à la nature et échappe à tout déterminisme. L’homme n’est pas une nature, mais une liberté radicale. Il choisit totalement son existence et en est pleinement responsable.

Citation

482b3bd6-84a3-4795-9a2f-579b6db74e29

« L’homme […] n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il se sera fait. Ainsi il n’y a pas de nature humaine, puisqu’il n’y a pas de Dieu pour la concevoir » (Sartre, L’existentialisme est un humanisme).

Pour Sartre, nous sommes « condamnés à être libres ». Invoquer un déterminisme physique, psychologique ou social est l’effet d’une mauvaise foi qui se cherche des excuses pour ne pas assumer sa liberté.

L’athéisme radicalise la liberté en livrant l’homme à sa solitude et en le privant de recourir à Dieu pour nier ou atténuer sa liberté.

2)  Une liberté « en situation »

Néanmoins, cette liberté n’est pas abstraite, mais toujours « en situation ». La situation désigne les circonstances qui ne dépendent pas de nous, dans lesquelles s’exerce cette liberté. Nous ne choisissons pas notre famille, notre époque, notre situation de guerre ou de paix, de santé ou de maladie.

La situation nous est donnée sans nous déterminer : par exemple, vivre en temps de guerre conduit à des choix différents (être résistants ou collaborateurs) que ceux que nous aurions à faire en temps de paix. Sartre avance même que plus la situation est contraignante, plus nous sommes libres.

II. Rousseau : nous ne pouvons renoncer à la liberté

1 ) Nous sommes libres par nature

Pour Rousseau, à l’état de nature, l’homme n’obéit qu’à ses besoins naturels et bénéficie d’une liberté qui n’a d’obstacle que ses capacités naturelles. Ainsi, la liberté est une chose innée et sa perte ne peut être que l’effet d’une aliénation, qui rend l’homme dépendant d’une force supérieure et injuste.

2)  La liberté est inaliénable

Dans Du contrat social, Rousseau condamne toute légitimation de l’esclavage. Il n’y a pas d’esclavage selon la nature, contrairement à ce que soutient Aristote ; il ne peut y en avoir non plus par contrat, comme cela se faisait dans la Rome antique.

Au-delà de l’esclavage, Rousseau réfute toute idée de soumission volontaire, qui serait contre-nature. Il dénonce le « faux contrat social » défendu par Hobbes, en lequel il voit un contrat de soumission entre le loup et l’agneau. La soumission civile ou politique ne peut être qu’un rapport de force déguisé.

La liberté est donc un droit naturel inaliénable, même pour soi-même. L’esclavage ne peut être un droit. Le seul droit naturel est celui de naître et de demeurer libre.

Cependant, contrairement à l’animal, l’homme est un être perfectible. Par l’éducation et l’histoire, la liberté n’est pas un statu quo mais un devenir historique. La liberté est une libération indéfinie, intellectuelle, morale et politique, contre toutes les formes de dépendance.