La liberté est-elle une illusion ?

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Nous avons, dit Descartes, une expérience de liberté comme spontanéité de la volonté. Mais la connaissance de la nature montre que rien n’existe sans cause et que notre volonté elle-même est soumise à des causes qui l’orientent ou la déterminent. Notre croyance en le libre arbitre est donc contestée par le déterminisme naturel.

I. L’homme possède un libre arbitre

1)  Liberté et culpabilité

Le christianisme fonde la liberté morale sur le libre arbitre : pouvoir choisir une chose ou son contraire, le bien ou le mal. À cette condition, je peux être jugé innocent ou coupable de péchés.

Sans libre arbitre, mes choix seraient déterminés : je ne serais donc pas responsable et Dieu serait coupable de mes péchés.

À noter

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Leibniz montre qu’en créant le meilleur des mondes possibles, Dieu a créé l’homme libre pour le rendre responsable de ses actes. Avec la liberté humaine, le monde est plus parfait et Dieu est innocent.

2 ) Liberté d’évidence et liberté d’indifférence

Au sein du libre arbitre, Descartes distingue deux libertés. La première, la « liberté d’évidence », fait que je suis spontanément porté à me soumettre à l’évidence. Le libre arbitre choisit la vérité et la volonté suit l’entendement. L’évidence guide, sans la déterminer strictement, la volonté, qui conserve sa liberté de choix.

La seconde, à savoir la « liberté d’indifférence », laisse quant à elle toute liberté à la volonté en l’absence de vérité évidente. Elle est le plus bas degré de l’action, car elle nous laisse dans un doute et une hésitation sans issue. C’est pourquoi Descartes préfère la « liberté d’évidence », grâce à laquelle je vois clairement le meilleur parti et le suis sans hésiter.

À noter

Pour illustrer les polémiques sur le libre arbitre, Jean Buridan imagine un âne qui, ayant également faim et soif, hésite entre un seau d’eau et un sac d’avoine. Incapable de choisir, l’animal se laisse mourir.

3)  Une volonté diabolique ?

Liberté absolue de la volonté, la liberté diabolique choisit le mal et le faux volontairement, en connaissance de cause. Ce qui conduit à l’acte gratuit : faire le mal gratuitement, simplement pour prouver sa liberté.

II. Spinoza : le libre arbitre est une illusion

Pour Spinoza, le libre arbitre n’est qu’une illusion : « Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés. »

L’ignorance des causes est la source de cette illusion : l’ivrogne croit boire parce que le vin est bon, alors qu’il est déterminé inconsciemment par une addiction ou une tristesse qui le pousse à boire.

Spinoza définit la vraie liberté comme la connaissance de la nécessité, donc des causes qui me déterminent. Mes actions sont causées par des forces extérieures, des désirs et des passions. Leur connaissance doit aider la raison à me libérer de leur emprise pour agir plus rationnellement et me conserver dans mon être.

III. Kant : le libre arbitre est un postulat

Kant rétablit la nécessité du libre arbitre pour fonder la morale. La liberté de choisir le bien ou le mal doit être une autonomie de la volonté : obéir à la loi qu’on se donne rationnellement, donc universellement. Non pas « faire ce que je veux, mais agir conformément à ce que la raison exige universellement de tout homme ».

L’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et la liberté sont les trois postulats de la raison pratique. Sans ces trois principes, la morale est impossible. Ce sont des postulats, dans la mesure où il est impossible de les prouver ou de les démontrer.