Pourquoi dire la vérité ?

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Dès l’enfance, on nous apprend à dire la vérité et on exige que nous n’y contrevenions pas. Mais d’où vient cette nécessité de dire la vérité ? En quoi la vérité serait-elle supérieure au mensonge ?

I. Un commandement sacré ?

1)  Un impératif religieux

La nécessité de dire la vérité se présente souvent comme un impératif sacré, qu’il ne faut pas remettre en question. En atteste le neuvième commandement de l’Ancien Testament : « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. » Dans les monothéismes, Dieu est identifié à la vérité, et le mensonge à ce qui détourne l’homme de Dieu.

La Renaissance a connu un vif débat autour de la question suivante : une société d’athées est-elle possible ? La plupart considérait que le respect d’un certain nombre de règles venait essentiellement de la religion et de la crainte de Dieu. Dès lors, une société d’athées semblait difficile à imaginer. De nombreux théologiens étaient persuadés que les hommes mentiraient sans honte en l’absence de toute religion.

2 ) Une obligation existentielle

Simone Weil montre qu’être un homme implique des obligations qui ne dépendent pas de faits ou de conventions, mais qui renvoient à « la destinée éternelle de l’homme ». Parmi ces obligations, « le besoin de vérité est plus sacré qu’aucun autre [besoin de l’âme]. »

Cette nécessité d’échapper à l’erreur et à la suggestion passe par des institutions qui permettraient de garantir la vérité de ce qui est écrit, dans la presse notamment. On passe ainsi d’une exigence existentielle à un problème social.

II. Une obligation sociale ?

Dire la vérité renvoie à une exigence sociale. C’est la condition de la confiance mutuelle entre les membres et, par suite, de la vie en société.

Dans Le Gai Savoir, Nietzsche interroge la volonté de vérité. Habituellement nous considérons qu’il est rationnel de préférer la vérité à l’erreur ou au mensonge. Mais qu’en est-il du désir de vérité ?

À noter

Le conte « Le garçon qui criait au loup » illustre cette thèse : un enfant, qui s’amuse à crier au loup alors qu’il n’y a aucun danger, finit par perdre la confiance des villageois, qui ne viennent pas le secourir le jour où le danger se présente vraiment.

Pour Nietzsche, la recherche de la vérité renvoie à la volonté de ne pas tromper les autres, ce qui fait de la vérité une obligation sociale et un principe moral. Ainsi, ce désir de vérité est problématique, car les hommes le considèrent comme rationnel sans nécessairement voir les exigences sociales sur lesquelles il repose.

III. Un principe moral ?

C’est en tant que nous avons des devoirs à l’égard des autres hommes que nous devons dire la vérité. Pour Kant, la moralité d’une action dépend de la qualité de son intention. Ai-je agi dans le seul but de faire mon devoir, de telle sorte que la maxime de mon action puisse être universelle ? Dire la vérité est donc un principe moral, car le mensonge ne peut pas être universalisé.

Benjamin Constant s’oppose à la thèse de Kant, non pas pour nier le fait que dire la vérité soit un devoir moral, mais pour nuancer son caractère absolu. D’une part, dire la vérité est un principe moral qui peut entrer en conflit avec d’autres principes moraux, comme la protection de la vie d’autrui. Dès lors, le sujet doit hiérarchiser ces différents principes en fonction de la situation dans laquelle il se trouve. D’autre part, tout devoir implique un droit. Autrement dit, nous ne devons pas la vérité à tous, mais seulement à ceux qui y ont droit.