La vérité n’est-elle qu’un idéal ?

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La difficulté à atteindre la vérité peut conduire l’homme à douter de sa réalité. Faut-il vraiment rechercher la vérité ou au contraire trouver une forme de sagesse en y renonçant ?

I. La vérité : un idéal inaccessible ?

1)  Le scepticisme

Si l’on définit la vérité comme l’adéquation entre le discours et la réalité, alors atteindre la vérité suppose un moyen de vérifier si ce que l’on dit correspond bien à la réalité en soi. Les sceptiques comme Sextus Empiricus considèrent que l’homme ne peut pas atteindre la vérité, dans la mesure où ni sa raison, ni ses sens ne lui permettent de saisir la réalité telle qu’elle est.

Cette thèse a des implications morales. Ce qui rendrait l’homme malheureux, ce n’est pas le doute mais le fait de croire posséder la vérité. Suspendre son jugement permettrait donc à l’homme d’être heureux.

2)  Les limites du scepticisme

Pour Aristote, un scepticisme intégral conduit à l’inaction, car toute action implique une croyance qui la motive, et au silence, car dire quelque chose implique toujours une affirmation. Ainsi, le scepticisme se nie lui-même. Il semble donc nécessaire de ne pas abandonner l’idéal de vérité.

II. La vérité : une valeur parmi d’autres ?

Le terme d’idéal est ambigu, car il désigne tantôt ce que l’on ne peut pas atteindre, tantôt ce que l’on doit poursuivre. La vérité est un idéal en ce qu’il paraît légitime de la rechercher. Atteindre la vérité est donc un objectif porteur de sens.

La vérité est ainsi une valeur importante, d’un point de vue individuel et collectif. Mais n’entre-t-elle pas en conflit avec d’autres valeurs importantes ?

1)  Vérité et politique

Certes, la vérité est une valeur importante en politique : on attend des hommes politiques qu’ils disent la vérité, des citoyens qu’ils se tiennent informés de l’actualité. Mais dans la mesure où l’activité politique engage des décisions quant à l’avenir, la politique ne saurait se réduire à une science.

C’est pourquoi l’efficacité d’un discours importe plus que sa vérité pour les sophistes. La politique n’est pas la simple mise en œuvre d’une vérité préalablement dégagée. Elle implique des convictions qui ne sont pas de l’ordre de la connaissance.

Pourtant, la constitution d’un espace public implique des débats dont l’horizon est toujours la vérité. Ainsi, pour Arendt, si la vérité n’est pas la seule valeur qui compte en politique, elle revêt néanmoins une importance considérable pour distinguer les différentes opinions. « Respecter la vérité factuelle » est une condition du débat.

À noter

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Alain insiste sur la nécessité, pour les citoyens, de s’interroger sur la vérité des discours des différents acteurs publics. Si le citoyen doit obéir aux pouvoirs, il doit cependant aussi s’en méfier.

2)  Vérité et bonheur

Dans la mesure où la recherche de la vérité implique un effort, elle semble s’opposer au bonheur individuel. Pourquoi chercher la vérité si celle-ci vient déranger mon confort ? En ce sens, l’illusion paraît plus douce que l’effort à fournir pour atteindre la vérité.

Kant montre que la recherche de la vérité est aussi un effort d’émancipation de toutes les tutelles illégitimes qui prétendent dicter à l’individu sa conduite ou sa pensée. Il s’agit de sortir d’un état de minorité dont nous sommes nous-mêmes responsables, par paresse ou par lâcheté. Ainsi, la vérité est un idéal au sens où les hommes doivent sans cesse la chercher pour être véritablement libres.