Peut-on opposer, en l’homme, la nature et la culture ?

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L’un des sens du terme « nature » est de désigner l’essence d’une chose. Dans cette acception, la culture, entendue comme l’ensemble des artifices produits par l’homme, semble bien arracher l’homme à sa nature…

I. La culture : une dénaturation ?

1)  La sortie de l’état de nature

Rousseau soutient qu’à l’état de nature les individus humains mènent une vie solitaire et indépendante, si bien que règnent l’harmonie et la paix. L’entrée dans le processus de culture est accidentelle et source de dénaturation : les individus deviennent des rivaux et les passions naissantes les opposent.

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Par opposition à l’état civil, l’état de nature désigne la situation dans laquelle l’humanité se serait trouvée avant l’émergence de la société, et notamment avant l’institution de l’État et du droit positif. Rousseau y voit une fiction méthodologique.

Selon Rousseau, l’essence de l’homme se compose de deux sentiments primitifs : l’amour de soi, qui porte les hommes à l’autoconservation, et la pitié, qui « nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir. » La culture vient recouvrir ces deux sentiments et engendre rivalités et mésententes entre les hommes.

2)  La perfectibilité comme essence de l’homme

La perfectibilité est pourtant le propre de l’homme. Celui-ci est, en effet, doté d’une plasticité qui le programme à sortir de l’état de nature à l’occasion d’un événement accidentel contraignant les hommes à se réunir (un tremblement de terre, par exemple).

C’est ainsi que l’homme peut progresser (devenir plus savant, plus intelligent), mais également régresser : perdre notamment son aptitude à la compassion.

II. La culture réalise la nature humaine

1 ) L’homme doit se faire lui-même

Comparés à l’animal et au végétal, les hommes sont fort démunis en termes d’instincts : comme l’écrit Kant, « il faut [que l’homme] se fasse à lui-même son plan de conduite ».

Ainsi, les hommes sont le produit de leurs interactions et de leurs apprentissages. Les qualités naturelles dont l’homme dispose en puissance ne germeraient pas sans la culture. Celle-ci apparaît donc comme un achèvement de la nature humaine.

2)  L’importance de l’éducation

L’éducation, qu’il faut distinguer du dressage, a un rôle fondamental dans le développement de l’humanité. Kant explique ainsi qu’au fil de l’histoire les hommes apprennent les uns des autres à concrétiser, c’est-à-dire à faire passer de la puissance à l’acte, leurs qualités naturelles : « une génération fait l’éducation de l’autre. »

III. Le dépassement de l’opposition nature/culture

1)  L’impossible distinction nature/culture

Il est, en fait, impossible de séparer chez l’homme l’inné et l’acquis. Selon ­Merleau-Ponty, « tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme. » Tous les comportements et toutes les paroles s’enracinent dans la biologie humaine sans jamais s’y réduire, car ils portent le signe de la culture. Tiraillé par la faim, l’homme ne se contente pas de manger, il prépare ses mets et fait des repas.

2)  La nature humaine n’existe pas

L’existence même d’une nature humaine est contestable. Ainsi, explique Sartre, « l’existence précède l’essence », ce qui signifie que chaque homme a à définir sa propre nature à travers ses actes et ses choix. C’est ainsi qu’un homme lâche n’est rien d’autre qu’un homme qui a choisi une existence de lâcheté.