Alors que les derniers témoins du génocide des Juifs et des Tsiganes s’éteignent, les lieux de mémoire ont un rôle éducatif crucial et sont des supports au « devoir de mémoire ».
I. Des lieux de mémoire rares dans l’immédiat après-guerre
En France, dès 1945, les rares survivants du génocide inscrivent les noms des victimes sur des plaques mais sans indiquer leur confession. Pour l’opinion publique, la déportation est alors uniquement liée à l’action résistante.
Le génocide n’est pas clairement évoqué et ses lieux de mémoire restent confinés à la communauté juive : monuments dans les carrés juifs des cimetières et les synagogues, commémorations dans les camps par des associations de déportés.
Mot-clé
Un « lieu de mémoire » est un concept défini par l’historien Pierre Nora en 1984. Il désigne des symboles et des lieux liés à des événements historiques dont la collectivité veut se souvenir.
Les camps, premiers lieux de mémoire, sont instrumentalisés pour servir une mémoire officielle : Auschwitz-Birkenau est présenté par les Soviétiques comme un lieu du martyre des communistes et des Polonais.
II. La multiplication des lieux de mémoire
1 ) La création des premiers mémoriaux (1950-1960)
Le premier mémorial du martyr juif inconnu est inauguré à Paris en 1956. Cette initiative est mal perçue par l’État d’Israël qui vote une loi fondant Yad Vashem. Cet organisme, fondé en 1957, obtient le droit exclusif de recenser les victimes de la Shoah et de distribuer les autorisations de construire des mémoriaux.
Isaac Schneersohn, à l’initiative du mémorial parisien, met au point une norme pour les mémoriaux : dans un même lieu, coexistent espaces de recueillement, archives, bibliothèque, salle de conférences et expositions.
2 ) La déferlante mémorielle (1990-2010)
Dans les années 1990-2000, les sociétés prennent conscience de l’imminence de la disparition des survivants et les « musées de la Shoah » se multiplient.
Les musées narratifs retracent le processus génocidaire : Mémorial du martyr juif inconnu à Paris, devenu Mémorial de la Shoah en 2005 ; Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe à Berlin (2005) ; Mémorial de l’Holocauste à Washington (1993) qui témoigne d’une certaine « américanisation » de la Shoah.
Les musées in situ décrivent le génocide dans certains des lieux où il s’est déroulé : camps d’internement français (Pithiviers, Drancy, etc.), camps de concentration ou centres de mise à mort polonais.
Info
Les centres de mise à mort polonais sont Auschwitz, Chelmno, Treblinka, Belzec, Sobibor et Majdanek.
Enfin, des musées plus largement consacrés à la Seconde Guerre mondiale (Mémorial de Caen, Imperial War Museum à Londres) abritent un espace dédié à la Shoah, de même que des musées consacrés à l’histoire et à la culture juives (musées juifs de Berlin, Vienne ou Londres).
III. Entre histoire et devoir de mémoire
Les lieux de mémoire in situ complètent la connaissance historique et permettent de saisir une atmosphère et l’ampleur de la destruction. Les anciens ghettos illustrent le dynamisme de la culture juive polonaise avant son anéantissement.
Ces lieux de mémoire ne sont pas indispensables pour faire l’histoire. Ils répondent plutôt au devoir de mémoire que les États et les sociétés entretiennent pour rendre hommage aux victimes et ne pas oublier ce qu’elles ont vécu.
Pourtant, certains mémoriaux restent à créer : le génocide des Tsiganes, oublié pendant 40 ans, manque aujourd’hui de lieux de mémoire et de mémoriaux officiels. Angela Merkel à Berlin en 2012 et François Hollande à Saint-Sixte en 2016 ont inauguré des monuments rendant hommage aux victimes de cette communauté.