Le modèle de Clausewitz et à l'épreuve des « guerres irrégulières »

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Avec l’essor du terrorisme islamiste, une partie des conflits du XXIe siècle prennent la forme de guerres irrégulières et asymétriques : ils opposent des États à des groupes moins puissants mais qui les frappent sur leurs points faibles. La théorie militaire de Clausewitz est alors remise en cause.

I. L’affirmation d’acteurs non étatiques

1)  L’émergence d’Al-Qaida

À partir des années 1990, les États, États-Unis en tête, se trouvent confrontés à une organisation terroriste agissant en réseau à l’échelle mondiale : Al-Qaida. Le monde entre alors dans l’ère du terrorisme global. La guerre change de nature : elle devient à la fois irrégulière et asymétrique.

Mots-clés

Une guerre irrégulière est un conflit armé sans distinction entre combattants et non-combattants ni terrain d’affrontement circonscrit. Une guerre asymétrique se caractérise par un déséquilibre notable des forces militaires antagonistes.

Al-Qaida (« la base » en arabe) est fondée en 1988 par le Saoudien Oussama Ben Laden, ancien allié des États-Unis dans la lutte antisoviétique en Afghanistan. Les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington lui donnent une visibilité mondiale.

Si le président américain George W. Bush déclare alors « la guerre au terrorisme », son adversaire n’a ni direction centralisée, ni territoire défini. Al-Qaida est une nébuleuse qui se ramifie dans le monde entier.

2)  L’essor de Daech

À partir de 2014, l’organisation État islamique en Irak et au Levant, ou Daech, prend le nom d’État islamique (EI). Celui-ci se dote d’un territoire qui fait fi des frontières étatiques puisqu’il s’étend sur 200 000 km2, à cheval sur la Syrie et l’Irak.

Grâce au recrutement de djihadistes venus du monde entier et à l’affiliation de groupes terroristes locaux (Boko Haram au Nigeria), l’EI multiplie les attentats à l’échelle planétaire. Il s’agit d’un terrorisme hybride, à la fois global et territorial.

II. Des conflits d’un genre nouveau

1 ) Des enjeux transnationaux

L’enjeu des guerres menées par ces organisations terroristes est avant tout idéologique : il s’agit, au nom d’une interprétation littérale et stricte du Coran, de lutter contre les valeurs occidentales. D’où l’importance de la propagande développée via Internet et les réseaux sociaux.

Pour les États ciblés par les attentats, l’enjeu est avant tout sécuritaire et politique : protéger les citoyens et leur prouver la capacité à le faire (Patriot Act).

2)  L’abolition des limites humaines, spatiales et temporelles

Al-Qaida et l’EI ne font aucune distinction entre les combattants et les non-combattants. Les civils sont les principales victimes de leurs attentats ­(attentats de janvier 2015 en France).

Leur champ de bataille est planétaire. Si les pays occidentaux sont des cibles privilégiées, l’Irak, l’Inde, la Somalie, le Pakistan ou le Nigeria sont particulièrement touchés.

Enfin, il n’y a pas de bataille décisive. Ainsi, la disparition du territoire de l’EI en mars 2019 ne met pas fin aux attentats perpétrés par des djihadistes qui s’en réclament (Sri Lanka, avril 2019).

3)  L’impuissance des États

Face à un adversaire protéiforme qui peut frapper à tout endroit, à tout moment, les États semblent impuissants. Même coalisés, comme en Syrie, ils ne viennent pas à bout de leur ennemi. La « guerre contre le terrorisme » montre là ses limites.

C’est sans doute qu’ils en sous-estiment les raisons profondes : les retards de ­développement et les fortes inégalités sociales qui alimentent le vivier des djihadistes.