La nature n’est pas chaotique, les phénomènes naturels s’enchaînent selon un ordre rigoureux, prévisible et calculable. C’est ainsi, par exemple, que les hommes peuvent anticiper les marées ou les éclipses. Faut-il en conclure que la nature est entièrement déterminée ?
I. La nature au-delà des lois
1) La nature divinisée
La nature apparaît, en premier lieu, comme une totalité irréductible à une explication mécaniste aveugle. C’est ainsi que, pour les Anciens, la nature est enchantée et dotée d’intentions.
Dans la culture latine, la nature est considérée comme une mère nourricière : « La terre, sans être violée par la houe, ni blessée par la charrue, donnait tout d’elle-même » explique Ovide quand il décrit la nature vierge. Par conséquent, l’homme doit respecter la nature et se soumettre à elle. La vénération prend la forme de rites, de cultes et d’incantations visant à préserver l’ordre du monde.
2 ) La nature comme objet de croyance
Une nature ainsi conçue requiert, pour être comprise, une interprétation des signes qu’elle envoie aux hommes, d’où la grande importance accordée à l’astrologie.
Mot-clé
L’astrologie est un ensemble de croyances et de pratiques visant à déterminer le destin et le caractère des hommes par l’étude de la supposée influence des astres.
Il faut noter que, dans un tel contexte, la nature ne saurait constituer un objet de connaissance scientifique, mais est bien plutôt l’occasion de croyances qui nous en apprennent davantage sur l’homme que sur la nature elle-même.
II. La nature : un ensemble de lois
1) Un nouvel objet pour les sciences de la nature
Au XVIIe siècle, l’ambition de la science physique est redéfinie : il ne s’agit plus de comprendre le pourquoi des phénomènes, mais le comment.
Tournant le dos à Aristote, les scientifiques ne se donnent plus comme objectif une connaissance des premiers principes et des premières causes, qu’ils jugent vouée à l’échec ou à l’obscurantisme, mais, plus modestement, la saisie des régularités qui lient les phénomènes, c’est-à-dire les lois de la nature.
À noter
Dans Le Malade imaginaire, Molière se moquera des savants anciens qui expliquaient que l’opium fait dormir en raison de sa « vertu dormitive ».
2) La conception moderne de la nature
Descartes explique ainsi que la nature n’apparaît plus comme une « déesse ». Dépourvue d’intentions et ne visant aucun but, elle est assimilable, comme l’écrit Galilée, à un livre « écrit en langage mathématique, et [dont] les caractères sont des triangles, des cercles, et d’autres figures géométriques. » En droit, la nature est totalement explicable par des principes rationnels.
Une telle conception purement scientifique de la nature ne risque-t-elle pas de réduire cette dernière à une abstraction simplificatrice ?
3) Les limites de la conception moderne de la nature
Comme le signale Kant, cette conception moderne de la nature est peut-être tributaire de l’entendement humain qui, en tant que faculté de créer des concepts, détermine la manière dont nous apparaissent les phénomènes naturels.
Le fait est que la connaissance de la nature n’est pas épuisée par la science. Beaucoup de phénomènes demeurent encore énigmatiques et l’on comprend dans cette perspective que puissent perdurer des croyances qui dépassent les limites de la raison.
Conçue comme nécessairement conforme aux lois de la raison, la nature est réduite à un ensemble de lois mesurables. Forcée d’entrer dans un cadre aussi étroit, la dimension de puissance et de jaillissement de la nature est oubliée. Comme le dit Heidegger, la nature est limitée à une somme d’ustensiles dont les hommes sont voués à se rendre maîtres et possesseurs.