La justice est à la fois une institution politique et un idéal, selon lequel chacun obtient ce qu’il mérite. Mais la justice peut-elle encore être juste si elle défend des intérêts ?
I. La nécessité de l’impartialité et de l’indépendance
Lorsque nous souhaitons que justice soit faite, nous exigeons que l’affaire soit tranchée par une instance extérieure qui n’a intérêt à favoriser personne. On dit d’ailleurs qu’il ne faut pas être « à la fois juge et partie », c’est-à-dire être engagé dans un procès dans lequel on endosse pour soi-même la position de juge.
Nous supposons que les sentiments et les intérêts particuliers sont susceptibles de nuire à la justice : ils affecteraient notre clairvoyance et nous inclineraient tantôt à la clémence tantôt à la sévérité, sans que cela soit nécessairement fondé en raison.
Dans De l’esprit des lois, Montesquieu montre que c’est la séparation des pouvoirs qui constitue le fondement de la démocratie. Cette séparation garantit l’indépendance de la justice.
Si le pouvoir exécutif pouvait interférer dans les décisions de justice, alors il ne serait plus possible de contrôler l’action publique, qui serait toujours au-dessus des lois. Les hommes politiques pourraient faire de la justice l’instrument de préservation de leur propre intérêt et non le principe du bien commun.
À noter
Le pouvoir législatif est détenu par le peuple qui vote la loi par l’intermédiaire de ses représentants.
Le pouvoir exécutif est détenu par le gouvernement qui met en œuvre l’exécution des lois.
Le pouvoir judiciaire est détenu par les juges qui sanctionnent le non-respect de la loi.
II. La justice défend l’intérêt de la communauté politique
La justice n’est pas indifférente à la notion d’intérêt : elle a une utilité et une fonction. Elle défend l’intérêt de la communauté et non pas celui de quelques-uns de ses membres.
1 ) Il faut dépasser le point de vue particulier
Nietzsche, dans la Généalogie de la morale, étudie le développement des systèmes de justice. Il explique que la justice a dû s’élever au-dessus des passions qui aliènent l’homme, à l’image du ressentiment. Il s’agit d’une passion réactive : elle ne se détermine que contre quelque chose qui a déjà été commis. Au contraire, Nietzsche invite l’homme à déployer des forces actives : elles s’affirment sans nier ce qui est.
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Le ressentiment est une forme de rancune, qui se rapporte à un acte commis par un autre et sur lequel le sujet n’a plus de prise : on se contente de déplorer et de souffrir de ce que l’on ne peut plus changer.
L’institution de la loi permet de se détourner du simple sentiment d’injustice et transforme toute offense en crime contre la justice elle-même, et non plus contre un particulier. Comme l’écrit Nietzsche : « Après l’établissement de la loi, [la justice] considère toute infraction et tout acte arbitraire, individuel ou collectif, comme crime contre la loi, comme rébellion contre elle-même, et détourne ainsi l’attention des sujets du dommage immédiat causé par ces crimes. »
C’est donc la loi qui nous permet de considérer les méfaits de manière « plus impersonnelle » et de nous départir du ressentiment. La justice ne repose sur aucune détermination passionnelle : elle est simplement ce que la loi énonce.
2) La justice n’a en vue que l’intérêt général
Il faut distinguer strictement la justice de la vengeance. Lorsque le juge rend son verdict, il ne venge pas la victime : il se contente de protéger la société tout entière des agissements du délinquant ou du criminel. C’est au nom de la communauté qu’il peut exiger la réparation d’un dommage ou la condamnation d’un citoyen.
C’est pour cette raison que les peines attribuées à ceux qui ne respectent pas la loi dépendent de la gravité du tort commis, mais aussi de leur propension à récidiver, c’est-à-dire de la menace future qu’ils représentent pour la société.