Parcours : Imagination et pensée au XVIIe siècle
Les Fables de La Fontaine sont des récits animés délivrant des leçons de sagesse, qui prennent la forme de moralités. Pourtant, dans les livres VII à XI, le conteur semble l’emporter sur le moraliste ; l’imagination se voit célébrée ; loin des certitudes, la pensée se fait prudence.
I. Connaître l’œuvre
1) L’auteur et le contexte
À noter
En 1661, Fouquet est arrêté sur ordre du roi. Mécène de La Fontaine, il l’emporte dans sa disgrâce malgré les efforts du fabuliste pour revenir en faveur.
Jean de La Fontaine (1621-1695) hérite de son père une charge de maître des eaux et des forêts. En 1658, il est introduit chez Nicolas Fouquet, surintendant des Finances sous Louis XIV. Il fréquente les cercles du classicisme et s’essaie à la poésie. Vers 1664, il inaugure une carrière de fabuliste qu’il poursuivra jusqu’à sa mort.
2) Structure de l’œuvre
Les livres VII à XI composent le deuxième des trois recueils des Fables. Parus en 1678-1679, ils reflètent l’esprit des salons fréquentés par l’écrivain.
Si les fables du premier recueil étaient adressées au jeune Dauphin, les suivantes sont dédiées à la maîtresse du roi : les récits y sont davantage élaborés, les messages plus politiques, les moralités plus philosophiques.
Les sources exploitées par La Fontaine sont plus diverses : on retrouve les fondateurs antiques – Ésope et Phèdre – mais aussi l’Indien Pilpay, l’humaniste Rabelais.
II. Comprendre le parcours
1) Morales du Grand Siècle
L’esthétique classique assigne à l’écriture une mission d’édification. Une littérature morale voit le jour dans la seconde moitié du XVIIe siècle :
• La Rochefoucauld observe avec lucidité les ressorts de l’action humaine pour en tirer ses Maximes et Réflexions diverses ;
• La Bruyère s’intéresse aux défauts de l’âme afin de peindre ses Caractères ;
• de même, La Fontaine prétend par « les raisonnements et conséquences que l’on peut tirer de [s]es fables […] forme[r] et le jugement et les mœurs ».
Le classicisme travaille à la correction des vices en proposant des systèmes de pensée morale. La Fontaine, lui, préfère diffuser des conseils pragmatiques et prudents. Il s’agit non de condamner mais d’enseigner le principe du moindre mal.
Chez les écrivains classiques, l’imagination se met au service de la morale. Intrigues dramatiques, récits divertissants, ressources poétiques permettent de plaire au lecteur tout en l’instruisant.
2) Le pouvoir des fables
La tradition antique faisait de l’apologue un outil rhétorique où l’imagination le cédait à la pensée. Les classiques reprennent à leur compte cette partition contre les effusions du baroque.
À l’inverse, La Fontaine réhabilite celle que le philosophe Malebranche considérait comme « la folle du logis ». La fantaisie s’invite dans les fables, « comédie à cent actes divers » cédant la parole aux animaux en vertu d’un bestiaire entre symbolisme et naturalisme.
Le XVIIe siècle voit s’affronter Descartes et Gassendi : le premier se défie des sens et considère la matière comme inerte quand le second soutient l’existence de l’âme, y compris chez les animaux. Contre la toute puissante raison cartésienne, La Fontaine réhabilite les sens et les célèbre aux dépens de la pensée sérieuse.
Dans un siècle qui considère avec Pascal que « le moi est haïssable », la pensée s’oppose à la rêverie, l’esprit contient les élans du cœur indignes de « l’honnête homme ». La sagesse des Fables se teinte pourtant de lyrisme : la pensée prend parfois la forme d’une confidence pour célébrer la puissance de la fiction.