Montaigne, Essais (ancien programme)

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Parcours : « Notre monde vient d’en trouver un autre »

Lorsque Montaigne commence la rédaction des Essais en 1571, la découverte du Nouveau Monde date de moins d’un siècle. L’intérêt de l’essayiste pour les peuples dits « sauvages » rejoint son projet d’écriture qui consiste à « réciter l’homme », c’est-à-dire à décrire la nature humaine dans sa diversité.

I. Connaître l’œuvre

1) L’auteur et le contexte

Michel de Montaigne (1533-1592) reçoit une éducation libérale et humaniste. Après des études de droit, il exerce de hautes fonctions administratives.

À noter

Le terme d’essai – « tentative » et « apprentissage » – rend compte d’une démarche qui ne vise ni l’exhaustivité ni l’objectivité ; la réflexion se corrige au fil des années et des éditions.

En 1563, la disparition de son ami Étienne de La Boétie bouleverse Montaigne : il se retire des affaires, se consacre à l’édition de l’œuvre du disparu puis s’essaie lui-même à l’écriture. Il publie deux premiers livres en 1580 et un troisième en 1588 sous le titre Essais.

2) Structure de l’œuvre et résumé

Les Essais rassemblent une centaine de chapitres sur divers sujets, répartis en trois livres : le premier mêle considérations d’histoire et de philosophie ; le deuxième revêt une dimension autobiographique ; le troisième met la conscience à l’épreuve de l’expérience et de la sagesse.

« Des Cannibales » (I, 31) aborde la thématique de la barbarie supposée des Amérindiens. S’il s’en éloigne au début par des références à l’Antiquité, c’est pour relativiser la suprématie des Anciens qui ignoraient l’Amérique.

« Des Coches » (III, 6) obéit à une composition « à sauts et à gambades » : à un historique des voitures à cheval succède un développement sur l’intérêt du lustre, lequel conduit à une réflexion sur le Nouveau Monde.

II. Comprendre le parcours

1) La découverte du Nouveau Monde

Mot clé

La controverse de Valladolid est un débat organisé à l’initiative de l’empereur Charles Quint : il trancha en faveur de l’illégitimité de l’esclavage des Amérindiens.

Les chapitres « Des Cannibales » et « Des Coches » témoignent de l’intérêt de Montaigne pour des évènements historiques proches : la découverte et la colonisation du Nouveau Monde, la question indienne posée par certains missionnaires et débattue à la conférence de Valladolid en 1550.

À l’intérêt évènementiel se joint, chez Montaigne, une curiosité intellectuelle qu’il nourrit des récits de voyages de l’époque : il lit notamment Histoire d’un voyage fait en terre du Brésil de Jean de Léry (1578).

Si « Des Cannibales » concerne le Brésil – et donc l’occupation portugaise – « Des Coches » fait référence aux empires précolombiens du Mexique, du Pérou et de l’Équateur, tombés sous la colonisation espagnole. Le tableau que Montaigne dresse des Indiens se trouve conforme aux témoignages des voyageurs et comporte une valeur ethnographique.

2) La question de l’altérité

À l’opposé de la barbarie prétendue des peuples du Nouveau Monde, Montaigne fait l’éloge de ces nations vivant en conformité avec la nature. À ­l’absence de culture, il oppose l’existence d’une morale simple, faite d’équité et de loyauté. Aussi la sauvagerie vaut-elle comme qualité.

L’éloge de l’innocence amérindienne va de pair avec la dénonciation du Vieux Continent, rongé par la cupidité des hommes « civilisés ». L’essayiste entend ainsi retourner les préjugés ethnocentriques, préfigurant les idées des philosophes des Lumières, de Rousseau à Voltaire en passant par Diderot.

La réflexion sur l’altérité conduit aussi Montaigne à jeter un regard neuf sur lui-même se trouvant alors des points communs avec les peuples d’Amérique :

Que si j’eusse été entre ces nations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t’assure que je m’y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu.

« Au lecteur »