La conscience fonde-t-elle la morale ?

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Rabelais disait que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » C’est dire que la connaissance seule n’a aucune valeur et peut servir au bien comme au mal. La conscience s’adjoint à la science pour la juger et la guider, comme elle le fait pour nos actes et ceux d’autrui. La conscience est-elle notre juge intérieur ?

I. La conscience comme juge moral

1)  La conscience, un instinct divin

« Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rend l’homme semblable à Dieu », Rousseau célèbre en ces termes la conscience morale dans Émile ou de l’éducation.

Dans la Bible, Caïn, après avoir tué son frère Abel, est poursuivi par la conscience de la faute commise. Elle prend la figure vengeresse de l’œil de Dieu, qui ne le quitte jamais : « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn », écrit Hugo. Ce récit rappelle que la conscience est un juge intérieur auquel nous n’échappons pas et qui nous dit coupables ou innocents par-delà les lois humaines.

2)  La conscience morale selon Kant

Pour Kant, la conscience morale repose sur la raison et sur une bonne volonté.

La raison nous dicte la loi, qui veut que toute action morale obéisse à une forme universelle. C’est l’impératif catégorique : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ».

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La maxime est un principe subjectif de l’action. Elle traduit la loi morale, trop abstraite en elle-même, en l’appliquant à une situation particulière. Par exemple, je ne dois pas mentir à mon ami.

La bonne volonté choisit le bien. Elle consiste dans la pureté des intentions désintéressées qui dictent mon action.

II. La conscience morale affaiblit la vie

Pour Nietzsche, la conscience morale consiste en des sentiments de culpabilité et de ressentiment qui affaiblissent les forts, en les convainquant que leur puissance est un mal.

Nietzsche critique la mauvaise conscience liée au sentiment de culpabilité, qui conduit à retourner sa force contre soi-même. Elle produit l’idéal ascétique : une « morale d’esclaves » d’origine judéo-chrétienne, visant à inverser les valeurs et à voir comme un bien tout ce qui est faible et malade.

III. La conscience comme produit d’un conditionnement

Pour Durkheim, la conscience morale est le fruit de l’éducation, qui permet d’intégrer l’enfant à une société. La conscience est l’intériorisation des règles de fonctionnement social, elle peut donc être variable d’une société à l’autre.

Pour Freud, la conscience morale est aussi le ­résultat d’une éducation qui inhibe et refoule les pulsions condamnées par la société, et qui intériorise les ­interdits, comme le tabou de l’inceste. Cette conscience est incarnée par ce que Freud appelle le moi, qui fait en quelque sorte tampon entre, d’une part, l’inconscient et, d’autre part, le surmoi.

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Le surmoi est l’une des trois instances de la vie psychique, avec le ça et le moi. Il est l’autorité morale intériorisée, qui pose des normes et des règles, qui guide et juge l’action du moi.

Si la conscience morale est le fruit d’un conditionnement, elle devient contingente et relative. Elle perd alors l’exigence d’universalité que Kant exige d’elle.