Quel est l’objet de la conscience ? La conscience est-elle un rapport immédiat de soi à soi, ou suppose-t-elle un détour par des personnes ou des objets extérieurs, une médiation ?
I. La conscience comme « visée de » ou « relation à »
1) Les limites de la conscience comme forme vide
Le sujet peut‑il se saisir comme conscience, comme sujet pensant, par simple retour sur soi, par simple introspection, indépendamment de tout rapport aux choses ou à autrui ?
Ces questionnements soulignent la faiblesse d’une conscience fondée sur une simple introspection coupée du monde, d’une conscience isolée comme substance autosuffisante et comme forme vide.
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L’introspection est une vue intérieure, le fait, pour un sujet, d’observer et d’analyser ses états de conscience en vue de se connaître lui-même.
Descartes sortira du doute grâce à la découverte de la véracité divine. Il pourra dès lors compléter sa conception première du cogito par la connaissance du monde.
2) La conscience comme intentionnalité
La conception chosifiante de la conscience est critiquée par la phénoménologie de Husserl. Si Descartes a eu raison de vouloir mettre le monde entre parenthèses pour redécouvrir le caractère fondateur de la conscience, son tort a été de considérer la conscience comme une chose pensante pouvant exister par elle-même, indépendamment des choses matérielles.
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La pensée de Husserl (1859-1938) s’appelle une phénoménologie parce que, selon lui, la tâche de la philosophie est de décrire les phénomènes, c’est‑à‑dire ce qui apparaît à la conscience.
Pour Husserl, la conscience ne peut être une chose refermée sur elle-même : elle est une visée ou une relation ouverte. Elle n’est pas une substance, mais un acte, défini par son « intentionnalité ». Dans ses Méditations cartésiennes, Husserl écrit que « toute conscience […] est conscience de quelque chose. »
II. Les manifestations de la conscience
1 ) La conscience du monde par l’action
La conscience présuppose le monde, parce que nous nous reconnaissons d’abord dans nos actions sur les choses, à travers le langage et le travail. Loin d’être un présupposé, la conscience est un résultat, le produit d’une expérience de confrontation et de transformation du monde.
Hegel insiste sur cette condition essentielle d’une conscience de soi véritable : le monde est une médiation nécessaire entre nous et nous-mêmes. En effet, il ne s’agit pas d’un monde brut et naturel, mais d’un monde transformé, que nous avons façonné et qui porte la marque de l’esprit.
C’est une véritable « lutte pour la reconnaissance », un combat à mort que, d’après Hegel, l’homme mène pour s’imposer à l’autre comme conscience. La conscience de soi passe par le fait qu’autrui me reconnaît comme un être libre.
2) La conscience comme liberté
Sartre s’oppose lui aussi à la chosification de la conscience. Les objets sont entièrement déterminés par leurs propriétés et ne peuvent rien être d’autre que ce qu’ils sont. Ils sont, comme dit Sartre, « en-soi ». Leur essence précède leur existence.
Le sujet conscient, quant à lui, est un « pour-soi » : il peut toujours être différent, il n’est pas enfermé dans une définition. Parce qu’il est conscient, l’homme est projet, dit Sartre, et non objet. Il n’est pas produit passivement par sa naissance, sa famille ou la société, comme un animal ou un robot ; il est avant tout dans le choix conscient de sa vie. L’existence de l’homme précède son essence.
Par la conscience, l’homme, seul, existe : car « ex-sister » c’est sortir de soi, être à distance de soi-même. Et par la conscience l’homme est libre dans sa possibilité de dépasser ce qu’il est.