L’art représente un domaine de l’activité humaine lié à la fabrication, qui prend des formes historiques diverses. Au sens large, c’est tout ce que l’homme ajoute à la nature. Faut-il opposer art et nature ou les voir comme complémentaires ?
I. L’art imite ou suit la nature
L’art doit imiter la nature. C’est ce qu’affirme Aristote : « Nous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes d’animaux les plus méprisés et des cadavres » (Poétique).
L’imitation (mimêsis en grec) d’une réalité, même repoussante ou effrayante, apporte un plaisir à l’esprit humain. C’est la fonction de l’art figuratif, qui s’efforce de donner l’illusion du réel. Dans l’Antiquité, le peintre Zeuxis imitait si parfaitement les raisins peints sur les murs que les oiseaux, dit-on, venaient se casser le bec sur sa peinture.
Platon condamne cet art de l’illusion : si l’art produit de belles apparences trompeuses, il est moralement condamnable et les artistes doivent être chassés de la cité, « car ces poètes ne créent que des fantômes et non des choses réelles. »
Dans la Critique de la faculté de juger, Kant voit la nature comme la source de l’art : « La nature donne ses règles à l’art. » Pour lui, l’artiste est un interprète ou un porte-parole de la nature.
II. L’art est une création de l’esprit
Voir en la nature sa seule source, n’est-ce pas réduire l’art à un jeu stérile et à une pure virtuosité technique ? L’art, par l’intermédiaire de la main et des outils, est une création de l’esprit qui transforme notre perception du réel et nous élève à une réalité proprement spirituelle.
1 ) L’art est dans la forme
À noter
Le grec dispose de deux termes que nous traduisons par « art » : la technè, qui a donné « technique », désigne la production ou la fabrication à partir de matériaux ; la poïesis, qui a donné « poésie », désigne la création de quelque chose de nouveau.
Pour Platon, l’art ne doit pas représenter la réalité telle qu’elle est, mais l’idéaliser pour élever l’âme vers la contemplation des Idées. Il a un rôle d’éducation de l’âme, qui doit s’élever des apparences sensibles aux Idées intellectuelles.
Le beau préfigure le vrai. Plotin, disciple de Platon, insiste sur la forme qui idéalise la matière sensible : « Il est clair que la pierre, en qui l’art a fait entrer la beauté d’une forme, est belle non parce qu’elle est pierre […], mais grâce à la forme que l’art y a introduite. »
La valeur de l’art est dans la belle forme, quel que soit l’objet représenté. Ainsi, Rembrandt peint une carcasse de bœuf écorché et Goya des « grotesques » hideux. Ce qui fait dire à Kant que « la beauté artistique est une belle représentation d’une chose. » Le beau est donc dans la forme de la représentation, et non dans la chose elle-même.
2) L’art est une production libre de l’esprit
Cette importance de la forme libre, indépendamment de l’objet, fait voir dans l’art une production libre, par opposition à la production nécessaire et mécanique de la nature et de la technique : « En droit, on ne devrait appeler art que la production par la liberté » (Kant, Critique de la faculté de juger).
Hegel insiste sur l’histoire de l’art comme progrès de l’esprit vers des formes d’expression de plus en plus immatérielle, des pyramides à la musique et la poésie. Toute œuvre de l’esprit, soutient cet auteur, même l’invention du clou, est infiniment supérieure à la plus habile imitation de la nature.
Notre regard sur la nature est imprégné par l’art, au point que Hegel ou Oscar Wilde affirment que c’est la nature qui imite l’art : quand on admire le chant du rossignol, c’est qu’il nous semble exprimer des sentiments humains.