Introduction
Selon le CNRTL (Centre national des ressources textuelles et lexicales), la rhétorique se définit comme « technique du discours ; ensemble de règles, de procédés constituant l'art de bien parler, de l'éloquence. » Un rhétoricien, ou une rhétoricienne, désigne une personne qui manie cet art de bien parler. Il est intéressant de remarquer que la rhétorique se développe dans un contexte judiciaire, au Ve siècle avant J.-C. Dès cette époque, il y a des traités qui détaillent les techniques de l’art oratoire.
Objectifs : Cette leçon te permettra de découvrir les grands noms de la rhétorique dans l’Antiquité, ainsi que les techniques qui leur sont associées.
I. Origines de la rhétorique
1) Premiers rhéteurs
Le premier ouvrage de rhétorique date du Ve siècle av. J.-C. : il s’agit d’un manuel rédigé par un certain Corax en – 460, à destination des personnes plaidant devant les tribunaux. En effet, les avocats n’existaient pas encore et les personnes devaient trouver des arguments pour se défendre. Corax était Sicilien. C’est donc en Sicile que l’on a retrouvé les premières sources avérées d’un art dénommé « rhétorique », et ce n’est qu’ensuite que cet ensemble de pratiques oratoires a été transmis en Grèce.
Tisias fut un des disciples connus de Corax. Il aurait déclaré à son maître (mais cela relève davantage de l’anecdote créée dans un but rhétorique justement que de l’histoire) : « Soit je suis un bon rhéteur et je peux donc te persuader que je ne te dois rien ; soit je ne le puis, c’est que je suis un mauvais rhéteur et cela implique que tu m’as mal formé, donc je ne te dois rien non plus ! »
2) Les sophistes
L’art oratoire peut faire une impression immédiate sur un auditoire. Il est parfois difficile pour une personne de distinguer si elle a été séduite par le contenu d’un propos ou par son apparence (gestuelle et talent du rhéteur ou de la rhéteur, procédés et techniques oratoires...).
Peut-être as-tu déjà entendu parler du terme « sophiste. » Corax était l’un des premiers sophistes, soit un « maître de rhétorique et de philosophie enseignant la sagesse, l'art de parler en public, la science du raisonnement orientée vers des fins utilitaires », selon le CNRTL. Le sophiste étant prêt à défendre toutes les thèses sans discernement moral, il peut lui être reproché de répandre de faux arguments pour tromper son auditoire. Un « sophisme » désigne d’ailleurs par extension un raisonnement fallacieux, c'est-à-dire destiné à tromper sciemment.
Il existe différents types de sophismes, c’est-à-dire de raisonnement fallacieux :
- l'attaque ad hominem, c'est-à-dire contre la personne, pour discréditer l'argumentation adverse : « Mon frère est un menteur, donc ce qu’il dit est faux. » Ce procédé sophistique ne s'attache pas à réfuter l'argumentation de l'interlocuteur mais à le discréditer sur ce qu'il est.
- la généralisation : « Tous les êtres humains sont les mêmes. » Ce genre d'argument produit toujours un effet sur l'auditoire mais il est bien souvent infondé.
II. Quelques grandes figures de la rhétorique
1) Démosthène et la démocratie athénienne
À Athènes au Ve siècle av. J.-C., l’Ecclésia, l’assemblée générale de tous les citoyens, réunit plus de 6 000 personnes qui débattent dans un même lieu des lois et des décisions relatives à l'organisation de la cité. Seuls les orateurs les plus habiles parviennent à se faire entendre d’une telle foule. Ainsi, l'art rhétorique est inséparable de la pratique et du pouvoir politiques : qui réussit à convaincre la foule s'empare symboliquement et concrètement du pouvoir. La rhétorique est au cœur de la puissance politique, comme on peut le constater aujourd'hui où la communication joue le rôle de l'ancienne rhétorique.
Démosthène (384-322 av. J.-C.) est un Athénien, considéré comme un des plus grands rhéteurs de la Grèce antique. Adolescent, il décide de devenir logographe, c’est-à-dire quelqu'un qui écrit des discours à destination des personnes accusées de crimes et délits, afin que ces dernières puissent se défendre efficacement devant leur juge.
Démosthène travaille d'autant plus dur pour perfectionner son art car il est bègue et soumis à de nombreuses maladies qui fragilisent son corps. Pour s’entraîner à la rhétorique, il recopie des centaines de textes argumentatifs, et s'entraîne à la diction en répétant à voix haute les longues tirades des auteurs de tragédies.
Plutarque (46-125 ap. J.-C.), l'un de ses plus célèbres biographes lui prête de s’être même entraîné à la diction avec des cailloux dans la bouche.
2) La rhétorique à Rome
L’éloquence, soit l’art de bien parler, est l’une des qualités essentielles attendues chez un citoyen romain.
Cicéron, homme d'État romain et grand orateur (106-43 av. J.-C.), estime qu'un bon discours doit reposer sur trois règles importantes : celui-ci doit plaire, instruire et émouvoir. Dans son traité « L’orateur » (De oratore) écrit à la demande de Brutus, sénateur et fils de César, il loue les grands hommes de la Grèce, principalement Platon et Aristote mais aussi Démosthène, et revient sur l'histoire de la rhétorique qui les a accompagnés.
Pour Cicéron, l'art oratoire repose sur cinq grands principes :
- L’invention : l’orateur cherche toutes les idées possibles d’arguments et de techniques.
- La disposition : l’art d’organiser le discours dans un ordre convaincant.
- L’élocution : la rédaction du discours, avec des choix de styles et de rythmes précis.
- L’action : l’énonciation du discours et et sa dimension gestuelle.
- La mémoire : pour Cicéron le discours doit être appris par cœur pour donner l’impression d’être improvisé.
Ses idées continuent d’influencer la manière dont sont construits les discours publics aujourd’hui : ces grands principes de l'art oratoire sont toujours utilisés, notamment dans la formation des avocats et des hommes politiques.