I. Du conflit au litige
1) Le conflit
Le conflit entre des parties est à l’origine du litige. Le conflit est l’expression d’une opposition entre des intérêts ou des positions inconciliables dans tous ses aspects qu’ils soient émotionnels, psychologiques, juridiques ou autres. Si les parties trouvent une solution à l’amiable ou qu’une des parties abandonne ses revendications, alors le conflit s’éteint. Tous les conflits ne conduisent donc pas à un procès dont l’issue est une décision de justice.
En justice, un conflit peut se résoudre par : la médiation, la conciliation ou l’arbitrage :
- le juge, avec l’accord des parties, peut désigner un médiateur. Le médiateur n’a pas de pouvoir de décision. La médiation ne permet pas de trancher le conflit. Elle consiste à mettre fin au conflit en recherchant une solution à l’amiable ;
- le juge peut désigner un conciliateur pour trouver une solution à l’amiable au conflit. La conciliation est un préalable obligatoire pour certains litiges comme ceux qui opposent un employeur et un salarié ;
- le juge peut désigner, avec l’accord des parties, un arbitre dont la fonction est de rendre une décision à laquelle ils devront se soumettre.
2) Le litige
Le litige est la traduction juridique du conflit. Les parties s’adressent à la justice, preuve à l’appui de leur demande, pour revendiquer un droit que la partie adverse leur dénie. Le litige est alors explicitement formulé sous la forme d’une question de droit que le juge doit trancher.
Le litige qui résulte d’un conflit peut avoir pour origine un acte volontaire ou un fait volontaire ou involontaire qui cause un préjudice à une victime. Il est important en matière de preuve de distinguer faits et actes juridiques :
- un fait juridique est un événement volontaire ou non qui produit des effets en droit non recherchés par les sujets titulaires de droit. C’est, par exemple, la chute d’un pot de fleurs d’un rebord de fenêtre qui blesse un passant ;
- un acte juridique est l’expression de la volonté des sujets de droit. Il produit des effets en droit recherchés par son auteur. Ainsi, la signature d’un contrat de vente de marchandise oblige l’acheteur à en payer le prix et le vendeur à la livrer à l’acheteur.
II. La preuve
1) Recevabilité et force probante
La preuve est un moyen utilisé pour établir l’existence d’un fait ou d’un droit. Par principe, c’est à celui qui est demandeur en justice d’apporter la preuve que ce qu’il prétend est vrai.
La preuve des faits juridiques peut se faire par tout moyen (la preuve est dite « libre ») : témoignages ou documents écrits par exemple. C’est le juge qui examine la recevabilité et la force probante d’une preuve :
- le témoignage est une déclaration sous serment de dire la vérité. C’est une preuve imparfaite dont la force probante est plus faible que celle d’une preuve écrite ;
- l’aveu devant un juge est appelé « l’aveu judiciaire ». Il est considéré comme une preuve parfaite alors qu’un aveu devant une autre personne est une preuve imparfaite qui a la même force qu’un témoignage.
Certaines preuves ne sont pas recevables quand elles ont été obtenues par un procédé déloyal ou qui porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne. Si une personne est par exemple enregistrée, filmée ou photographiée à son insu ou si la réglementation n’a pas été respectée, alors ces documents ne peuvent pas être admis comme preuve par un tribunal.
La preuve électronique est reconnue au même titre qu’une preuve écrite si elle a été loyalement établie que son auteur est identifiable et que son mode de conservation garantit son intégrité (c’est-à-dire qu’elle ne peut pas être modifiée et qu’elle est durablement conservée). En matière de contrat, elle est acceptée comme preuve parfaite si les deux personnes peuvent avoir un accès direct au document en ligne qui forme l’engagement. Le SMS est également considéré par la jurisprudence comme une preuve parfaite car l’expéditeur ne peut pas ignorer que le message s’enregistre sur l’appareil du destinataire.
La preuve des actes juridiques s’établit à partir de documents écrits qui peuvent être des actes authentiques établis par un officier public compétent (notaire, huissier, officier d’état civil) ou des actes sous seing privé (documents signés par les parties comme une convention, un contrat ou un testament olographe, c’est-à-dire rédigé à la main, daté et signé). Il existe des exceptions quand les documents ont par exemple été détruits au cours d’un sinistre dans ce cas la preuve exceptionnellement se fait par tout moyen.
2) La présomption
Dans certaines situations juridiques, la loi dispense le demandeur d’apporter la preuve de ce qu’il prétend. Il est présumé titulaire des droits qu’il revendique. On parle de présomption légale. C’est alors au défendeur de prouver que les prétentions du demandeur ne sont pas fondées.
Il y a les présomptions légales réfragables et les présomptions légales irréfragables :
- lorsque la présomption légale est réfragable (ou simple), il y a un renversement de la charge de la preuve. C’est alors au défendeur de prouver qu’il n’a pas commis de faute ou que les faits sont sans fondement. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un enfant mineur cause un préjudice. Les parents sont présumés responsables de leur enfant mineur. C’est à eux de prouver qu’ils n’ont pas commis de défaut de surveillance. De la même façon, à la naissance d’un enfant, il y a une présomption légale de filiation car jusqu’à la preuve du contraire, le mari de la mère est présumé être le père de l’enfant ;
- lorsque la présomption est irréfragable (ou absolue), le responsable désigné par la loi ne peut pas se soustraire à sa responsabilité. C’est le cas, par exemple, des dommages causés par un salarié dans l’exercice de ses fonctions. L’employeur est présumé responsable des dommages éventuels causés par ses salariés.
III. Le recours au juge
1) Le rôle du juge
a) Ses obligations
Le juge a l’obligation de juger, donc de trouver une solution au litige quelles que soient les circonstances. Il doit prononcer sa décision dans un délai raisonnable. S’il refuse de juger ou le fait dans des délais injustifiables, il peut être coupable de « déni de justice » et être sanctionné. Il répond à une question de droit qui peut être : « Est-ce que le moyen de droit du demandeur justifie sa demande ? »
Le juge qualifie les faits et les actes avec précision car, sans qualification précise, il n’est pas possible d’identifier la règle de droit applicable qui fonde la décision de justice nécessaire pour trancher un litige.
Le juge doit respecter les principes d’impartialité, d’égalité et d’équité. Au cours du procès, il doit être neutre, examiner les demandes de tous les citoyens et appliquer les règles de droit selon ce qui est juste et raisonnable. Ainsi, il entend, sans prendre parti, les prétentions de toutes les parties et leurs moyens. Les moyens sont, dans le vocabulaire juridique, les faits ou les règles de droit qui justifient les prétentions des parties.
b) L’intime conviction
Le juge en matière civile est neutre. Il ne peut donc pas apporter ou choisir les preuves à la place des parties au litige. En matière pénale, le juge peut écarter un élément de preuve au nom de son intime conviction s’il estime par exemple que cet élément n’est pas cohérent avec l’ensemble de ceux dont il dispose. Cette différence s’explique car la procédure civile est dite accusatoire. Celui qui demande justice apporte la preuve de ce qu’il prétend. La procédure pénale est dite inquisitoire. C’est le juge qui se charge de réunir les preuves après une enquête.
L’intime conviction du juge est donc sa capacité subjective à apprécier les preuves qui se présentent à lui pour établir ou non une culpabilité. Le doute bénéficie à l’accusé présumé innocent.
c) Le principe du contradictoire
La décision de justice est construite sur un syllogisme. L’argumentation juridique se base sur un mode de raisonnement de type « si… alors ». On pose la règle générale identifiée après avoir correctement qualifié la situation juridique. C’est ce qu’on appelle « la majeure ». Puis on recherche dans la situation particulière ce qui se rapporte à la règle de droit. C’est « la mineure ». Du rapport de la mineure à la majeure on déduit une conclusion logique qui forme la décision de justice. Sur le même principe on peut justifier une demande en justice. Cette rigueur n’empêche pas le débat et l’application du principe du contradictoire.
Le débat est la conséquence de l’application du principe du contradictoire. On peut toujours argumenter pour discuter du bien-fondé du choix de la majeure, des moyens de droit mis en œuvre, de la force probante des éléments présentés ou de la bonne interprétation d’une règle de droit.
2) La juridiction
Pour recourir au juge, il faut choisir la juridiction à laquelle s’adresser en fonction de ses compétences d’attribution et des compétences territoriales :
- la compétence d’attribution dépend de la nature du litige :
- litige entre citoyens : il faut s’adresser à une juridiction civile comme le tribunal d’instance (TI) si le litige est d’une valeur inférieure à 10 000 euros ou de grande instance pour les autres (TGI),
- litige entre commerçants, entre sociétés ou au sujet d’un acte de commerce : il faut s’adresser à une juridiction civile d’exception comme le tribunal de commerce,
- litige entre un employeur et un salarié : il faut également s’adresser à une juridiction civile d’exception, le conseil de prud’hommes,
- litige entre un citoyen et une administration ou entre elles : il faut s’adresser à un tribunal administratif,
- transgression d’une règle de droit : la juridiction compétente est une juridiction de l’ordre pénal, qui, en fonction de la gravité, est le tribunal de police, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises ;
- la compétence territoriale dépend du lieu d’habitation des parties ou de l’endroit où a eu lieu le dommage. Par principe, le tribunal compétent est celui le plus proche du lieu de résidence du défendeur. Dans certaines situations particulières, le tribunal compétent est celui où se situe l’objet du litige comme l’endroit où se situe un fait dommageable, un acte, un bien immobilier, le domicile familial.
3) Le déroulement du procès
La procédure doit respecter 2 principes : celui du contradictoire et la publicité des audiences. Le premier implique que tous les éléments à charge contre la partie adverse doivent lui être communiqués pour qu’elle puisse en débattre et contre-argumenter. Le second implique que les audiences par principe sont publiques sauf dans les affaires qui impliquent des mineurs, quand la protection de la vie privée des parties est nécessaire ou dans les affaires relatives au terrorisme et à la sûreté de l’État.
Le demandeur assigne son adversaire pour lui notifier qu’une procédure est engagée contre lui. L’assignation, qui est un acte rédigé par l’avocat du demandeur, précise le tribunal compétent, les prétentions et les moyens qui les justifient, ainsi que la liste des éléments à charge (actes, faits, éléments matériels, pièces) qui les fondent. Au pénal, le juge d’instruction met « en examen », le terme inculpation n’est plus approprié. Mais au préalable, celui qui est présumé avoir commis une infraction doit comparaître. Il est convoqué avec son avocat à une comparution pour s’expliquer une première fois sur les infractions qui lui sont reprochées. S’il est mis en examen, il devient un témoin assisté.
« La mise en état » du dossier, pour être jugé, consiste à communiquer les prétentions des parties au juge, les moyens et les différentes pièces dont elles disposent. Ces éléments sont transmis au greffe du tribunal compétent saisi par le demandeur avant le procès. Au pénal, le juge d’instruction en liaison avec les services de police et de gendarmerie coordonne l’enquête et instruit le dossier pour réunir les éléments à charges ou à décharges qui seront transmis au procureur.
Le procès, l’instance (ou l’audience au pénal) est le moment où les parties et leurs avocats sont entendus au cours d’un débat contradictoire. L’exposé par les avocats des prétentions (ou demandes) et de leurs moyens, des faits et des éléments de preuve est appelé une plaidoirie.
La décision de justice (ou la clôture des débats) est le jugement qui met fin au litige. Il peut être prononcé immédiatement ou en délibéré. Dans ce cas, il est reporté à une date qui est précisée.
À savoir
On distingue la procédure civile de la procédure pénale.
Dans une procédure au pénal, c’est le procureur qui poursuit le défendeur au nom de l’intérêt général. Les sanctions sont des amendes versées à l’État et des peines de prison.
Dans une procédure au civil, les sanctions prononcées sont des dommages et intérêts versés à la victime ou des obligations à exécuter pour défendre des intérêts particuliers.
La procédure pénale prime sur la procédure civile. Cela signifie que le tribunal pénal doit rendre sa décision avant de pouvoir engager une procédure devant une juridiction civile. Pour accélérer la procédure, il est possible de se porter partie civile dans un procès au pénal. Dans ce cas, le juge du tribunal pénal rend une décision au pénal et au civil. Les avantages d’être partie civile sont nombreux : le demandeur a accès à toutes les pièces du dossier, le procureur réunit les preuves et l’indemnisation éventuelle est plus rapide.
4) L’appel et le pourvoi en cassation
Lorsque les parties ne sont pas satisfaites des décisions prises en première instance par les tribunaux, 2 voies de recours sont possibles :
- faire appel (ou interjeter appel) devant la cour d’appel, qui est une juridiction du deuxième degré. La cour d’appel examine à nouveau le fond (c’est-à-dire les demandes et les justifications des parties) pour prononcer un arrêt. L’affaire est donc jugée une deuxième fois. L’arrêt de la cour d’appel en deuxième instance peut confirmer ou infirmer le jugement en première instance d’une juridiction du premier degré. Si la décision de la cour d’appel infirme le jugement en première instance, c’est l’arrêt de la cour d’appel qui s’applique et qui devient exécutoire ;
- se pourvoir en cassation devant la Cour de cassation. La Cour de cassation ne juge pas le fond mais la forme. Son rôle est de vérifier la bonne application des règles de droit. La Cour de cassation prononce un arrêt qui peut confirmer ou infirmer l’arrêt de la cour d’appel. Dans le premier cas, le pourvoi est rejeté, l’arrêt de la cour d’appel s’applique. Dans le second cas, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. Les parties sont renvoyées devant une autre cour d’appel pour que l’affaire soit rejugée.