L’alphabétisation des populations est le fondement de leur accès à la connaissance. Longtemps écartées, les femmes sont progressivement prises en considération par les États, ce qui marque l’avènement d’une société de la connaissance mais aussi ses limites.
I. L’alphabétisation des filles, une nécessité tardive
1 ) Éduquer les filles ? (XVIe-XVIIIe siècles)
Jusqu’au XIXe siècle, la population mondiale est très majoritairement analphabète. C’est encore plus vrai pour les femmes, réduites à leur rôle d’épouse et de mère.
Mais dès le XVIe siècle, la nécessité d’éduquer les filles à la lecture est soulevée : au Japon, afin d’assurer la défense du pays en cas du décès du mari ; en Europe, afin d’en faire de meilleures mères et épouses. Néanmoins, l’Église, alors principal vecteur de l’alphabétisation, se méfie de la lecture qui pourrait détourner les femmes de leurs devoirs et les inciter à s’émanciper.
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L’alphabétisation, c’est apprendre à lire et écrire, et acquérir des outils pour accéder au savoir et à l’autonomie. Le but est la littératie, c’est-à-dire l’aptitude à comprendre et utiliser cette capacité dans la vie courante.
Au XVIIe siècle, les pays protestants ouvrent la voie en autorisant les femmes à lire la Bible. De fait, l’alphabétisation féminine est plus élevée au Nord (Danemark, Prusse) qu’au Sud et à l’Est de l’Europe.
Au XVIIIe siècle, les femmes sont encore considérées comme inférieures intellectuellement. En 1789, seules 27 % des Françaises savent signer le registre des mariages ; en 1861, moins de 12 % des Italiennes savent lire.
2 ) Les politiques d’alphabétisation de masse (XIXe-XXe siècles)
À la fin du XIXe siècle, les États se substituent à l’Église et généralisent l’effort d’alphabétisation pour mieux répondre aux nouveaux besoins de l’économie et de l’administration, avec toujours un temps de retard pour les femmes. En France, la loi Pelet de 1836 impose l’ouverture d’une école communale pour filles dans chaque commune et les lois Ferry de 1881-1882 scolarisent obligatoirement filles et garçons.
Certaines politiques volontaristes d’État donnent des résultats rapides, comme en URSS dans les années 1920 ou au Brésil dans les années 1960. En Inde, le taux d’alphabétisation des femmes passe de 39,3 % en 1991 à 50,3 % en 1997, avec une augmentation plus rapide que celui des hommes.
II. Un objectif encore imparfaitement atteint
1 ) Les femmes, dernières analphabètes du monde
En 2016, selon l’Unesco, 90 % des hommes contre 83 % des femmes savent lire et écrire (51 % en Afrique subsaharienne). Les deux tiers des 750 millions de personnes analphabètes sont aujourd’hui des femmes.
Les écarts restent importants : les filles des familles pauvres des pays en développement (PED) vont moins à l’école que les garçons, se marient très jeunes. L’alphabétisation de toutes les femmes ne devrait être atteinte qu’en 2070.
Dans les pays développés, l’analphabétisme a disparu mais l’illettrisme est encore un facteur important d’exclusion.
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L’illettrisme est une forme particulière de l’analphabétisme : la personne a appris à lire mais ne maîtrise pas le sens des écrits qu’elle déchiffre.
2) La littératie des femmes, enjeu essentiel de la société de la connaissance
L’ONU et l’Unesco ciblent aujourd’hui prioritairement les femmes, dont l’alphabétisation est un levier fondamental du développement : un enfant dont la mère sait lire a 50 % de chances en plus de survivre après l’âge de cinq ans.
Les institutions internationales et les ONG pallient le retard pris par les États les moins développés, conscientes que les femmes sont un pilier de l’économie du savoir : l’alphabétisation leur permet de s’insérer dans le marché du travail, améliore le niveau de santé du pays, accélère la transition démographique, réduit la pauvreté et contribue donc fortement au développement général.