I. Peut-on vivre sans les autres ?
1) Le mythe de l’enfant sauvage
L’enfant abandonné en pleine nature et recueilli par le monde est ancien, comme l’est le mythe de Rémus et Romulus, deux enfants abandonnés recueillis par une louve. À l’âge adulte, ils fondent la ville de Rome, témoignage de leur capacité à réintégrer la société.
Le mythe de l’enfant sauvage relate l’histoire de Victor, enfant non sociabilisé, retrouvé dans les bois et recueilli par un médecin, le docteur Itard. Selon lui, l’éducation peut faire reculer cet état de nature et il préconise des règles strictes, afin que l’enfant réintègre la société : offrir à l’enfant un cadre de vie agréable, solliciter tous ses sens, provoquer des émotions en lui et le placer dans des situations inédites.
Pendant les cinq années où dure l’expérience, Victor fait des progrès ; dans la vie quotidienne, il réalise des tâches simples et manifeste du plaisir à les faire. Il réussit à exprimer quelques sentiments. En revanche, il ne maîtrisera jamais la parole. L’éducation que cherchait à donner Itard est en quelque sorte une éducation standard, destinée à faire de Victor un enfant comme les autres et lui permettant de vivre parmi les autres.
2) Le mythe de Robinson
Le cas de Victor permettait d’étudier la réintégration dans la société ; le cas de Robinson Crusoé est tout le contraire. Defoe, l’auteur du livre, décrit un personnage ayant vécu en société jusqu’au naufrage de son bateau. Il en connaît les règles et le fonctionnement mais s’en trouve brutalement exclu. Toute personne est née dans un groupe ; cette appartenance justifie son éducation, ses traditions, ses croyances… Si Robinson parvient à survivre malgré la solitude, c’est qu’il est en lien permanent avec son passé. Il parvient à survivre sur son île grâce aux vestiges de son passé retrouvés sur le bateau échoué. Il maintient ainsi le lien avec la société. Sa culture lui permet de garder le contact avec la civilisation. L’arrivée d’un indigène, Vendredi, modifie à terme son regard sur l’autre.
3) L’isolement
Ainsi, l’être humain ne peut vivre en dehors de la société. Certes, il peut de temps en temps décider de se retirer du monde, mais il s’agit d’une solitude voulue, qui ne dure qu’un temps. Certains ont besoin de ces moments pour réfléchir, se retrouver en eux-mêmes. Les romantiques du XIXe siècle, se sentant rejetés par l’incompréhension des autres, ont cultivé cette posture (le mal du siècle). Cet isolement provisoire est parfois mal vécu quand il est contraint soit parce que les circonstances y obligent, soit pour des raisons extérieures : rejet du groupe social (de son fait ou de celui des autres), la vieillesse qui ne permet plus de sortir de chez soi, la pauvreté… L’isolement peut aussi être un moyen de survie : le fugitif qui fuit la police, le résistant traqué…
II. Affirmer sa différence
Pour affirmer sa différence, on peut partir à la découverte d’autres cultures ou civilisations par les voyages ou les rencontres par exemple. L’idée est d’apprécier, sans jugement, ce que porte l’individu, ses valeurs.
Partir à la rencontre de l’autre, c’est aussi s’intéresser aux récits de voyage, qui prennent des formes diverses : journaux de bord sur les bateaux, lettres, ouvrages, carnets de voyage… Aujourd’hui, les récits de voyages prennent d’autres formes (dessins, caricatures, reportages audiovisuels…). Il s’agit d’une tradition ancienne ; les voyageurs essaient d’être objectifs, mais ils voient les choses à travers le prisme de leur propre culture.
Exemples
Hérodote, historien et grand voyageur de l’Antiquité, racontait déjà ses voyages. Les pèlerins du Moyen Âge donnaient eux aussi de précieuses informations sur les différents chemins à emprunter sur la route de Jérusalem. Les XVIIIe et XIXe siècle sont dédiés à la découverte des terres nouvelles et lointaines, notamment avec la colonisation.
L’ensemble de ces expériences doit conduire à comprendre et accepter la différence.
III. Vivre avec les autres
Vivre avec les autres, c’est avant tout vivre parmi les autres. C’est aussi vivre pour les autres en préservant son groupe qui est le lieu d’appartenance auquel chacun s’identifie, qui protège et qui rassure. Il propose un cadre familial, social, politique ou économique auquel chacun aime se rattacher. Il existe donc plusieurs groupes auxquels l’individu se rattache soit successivement soit simultanément. Chacun de ces espaces permet de se réaliser parmi les autres.
Remarque
Les Grecs désignaient sous le terme de « barbare » non pas celui qui se comportait de manière cruelle comme nous l’entendons aujourd’hui mais plus simplement l’étranger, celui qui n’appartient pas à notre groupe de référence. Les choix politiques acceptés par le groupe (il faut ici entendre dans les démocraties) permettent de construire une société et offrent à travers les partis politiques la possibilité de se réaliser et de travailler dans le principe pour le bien commun.
Parfois il est utile de résister à l’autre pour protéger le groupe. L’autre est différent mais il me ressemble : physiquement, il a le même aspect, moralement il a les mêmes émotions, des connaissances… Mais il est l’autre, à la fois un autre moi-même et pourtant quelqu’un d’autre. Il est en quelque sorte un miroir qui renvoie à l’individu à ce qu’il est, et qui met parfois en évidence ses défauts et ses qualités. À ce titre, il est enrichissant et nourrissant. Mais il ne partage pas toujours les mêmes idéaux et cherche parfois à les imposer. C’est par exemple ce qui est arrivé pendant la Seconde Guerre mondiale et l’invasion allemande ; certains Français ont alors résisté (mouvements de la Résistance) au nom de leur idéal : la France telle qu’elle devait être.
Toute société est formée de groupes sociaux fondés sur les appartenances, le mode de vie… Les inégalités sont sources de conflits, c’est pourquoi les choix sociaux sont essentiels. Le groupe doit porter assistance aux plus faibles soit par l’initiative individuelle ou collective, soit en déléguant à l’État (allocations chômage…).