Quelles objections à l’inconscient ?

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L’inconscient est une hypothèse qui explique bien des effets, mais ne peut être directement prouvée, d’où sa faiblesse épistémologique. De plus, la psychanalyse comme interprétation permet de guérir, mais crée aussi un rapport de pouvoir et de dépossession du sens. Enfin, l’inconscient aliène le sujet humain, en faisant de lui le jouet de forces souterraines.

I. Alain : l’inconscient est faux et inutile

La contestation la plus frontale de la pensée freudienne vient du philosophe qui, au XXe siècle, se présente comme un disciple de Descartes : Alain. « L’inconscient est une méprise sur le Moi, c’est une idolâtrie du corps », écrit-il dans les Éléments de philosophie.

Selon lui, l’inconscient est un « fantôme mythologique », incompatible avec la liberté de l’esprit. Admettre son existence est à la fois une erreur théorique et une faute morale. Une erreur théorique car il est absurde de dire qu’il existe des pensées auxquelles on ne pense pas : toute pensée requiert un sujet qui les pense. Une faute morale car, comme pour Sartre, le recours à l’inconscient revient à nous déresponsabiliser, à excuser toutes nos inconduites (« C’est plus fort que moi »).

Le seul inconscient qui existe, pour Alain, c’est le corps, qu’il considère avec Descartes comme une machine : les mécanismes corporels sont certes inconscients, mais c’est parce qu’en eux il n’y a aucune pensée. Il est absurde et dangereux d’affirmer l’existence de pensées inconscientes.

II. Levinas : l’inconscient dépossède le sujet

Levinas soutient que l’existence humaine est liberté et responsabilité morale envers l’autre. Il reproche aux sciences humaines, en particulier à la psychanalyse et à la sociologie, de confisquer le sens du discours en prétendant interpréter le « vrai » sens caché à la conscience du locuteur.

Ceux qu’on a appelés les philosophes du soupçon (Marx, Nietzsche et Freud) soutiennent en effet que la conscience est aliénée par des illusions et que seuls des interprètes peuvent révéler le sens caché de ses croyances. Ces interprètes acquièrent de ce fait un pouvoir de vérité.

Pour Levinas, l’inconscient freudien réduit l’homme à être le produit de son passé. L’homme devient dès lors un objet de connaissance scientifique, et donc une chose aliénée, fermée sur elle-même. Au contraire, l’homme se libère dans le souci de l’autre, non dans le repli sur soi et ses besoins égoïstes.

III. Popper : la psychanalyse est une fausse science

Popper adresse une critique épistémologique à la théorie freudienne : c’est une fausse science, car tous les cas, même contradictoires, sont toujours vérifiés par la même hypothèse de l’inconscient. Qu’un patient guérisse ou non à la fin d’une cure, on peut toujours expliquer ces deux issues contraires par des mécanismes inconscients. La psychanalyse n’est donc pas « falsifiable » ou réfutable.

Popper distingue les vraies et les fausses sciences au moyen du critère de « ­falsifiabilité». Les vraies sciences doivent pouvoir être réfutées. Les fausses sciences, comme l’astrologie, le marxisme ou la psychanalyse, sont quant à elles toujours vérifiées : que la révolution ait ou non lieu, que le patient soit ou non guéri. Ce sont plus des « visions du monde » que des sciences.

Mot-clé

La falsifiabilité, ou réfutabilité, est la possibilité dans une théorie scientifique d’imaginer une expérience cruciale où la théorie serait réfutée. Ce critère s’oppose à la conception inductive qui veut qu’une science ne soit qu’une accumulation d’expériences vérifiées.