Dans quelle mesure la comédie du Malade imaginaire obéit-elle avant tout à une volonté de plaisirs et de réjouissances ?
Cette leçon t'offre une approche méthodologique pour la rédaction de la dissertation en français : pour ce faire, voici la réalisation d'un sujet de dissertation issu des annales de l'épreuve anticipée de français du bac 2021 aux Antilles et disponible sur Eduscol.
La réalisation de ce sujet se fait par étapes, celles-ci appuyées par des explications et des conseils.
Légende de la leçon
Bleu : contextualisation
Vert : problématique
Violet : 1re partie
Rouge : 2e partie
Jaune : ouverture
I. Analyser le sujet au brouillon
1) Analyser les termes du sujet
Chaque mot-clé du sujet doit être analysé, paraphrasé, détaillé en synonymes au brouillon :
a. « La comédie » fait référence à la comédie classique, genre dramatique du XVIIe qui se définit par rapport aux règles de la Poétique d’Aristote à savoir :
- elle comporte quatre types de comique ;
- le but est de plaire et instruire (placere et docere) ;
- il faut instruire en critiquant les vices des Hommes et les travers de la société de l’époque ;
- elle est inspirée de la commedia dell’arte : genre théâtral venu d’Italie, représenté à Paris par la troupe des comédiens italiens avec lesquels Molière a partagé un théâtre, et qui se caractérise par des personnages stéréotypés et récurrents (Colombine, Arlequin, Polichinelle), et par un type de comique fondé sur les situations, les gestes et les pitreries des acteurs : l’improvisation des acteurs se réalisait à partir d’un canevas, c’est-à-dire sans texte écrit.
b. « Avant tout » suggère qu’il s’agit du but premier mais cela sous-entend que la comédie obéit également à d’autres règles (annonce de la 2e partie qui permettra de nuancer).
c. « Plaisirs et réjouissances » sont des termes qui font écho au verbe « plaire », but 1er assigné à la comédie qui devait divertir le roi et sa cour au XVIIe siècle. Il faut aussitôt se poser la question « comment ? » en prenant en compte : la mise en scène (et le travail du metteur en scène) ; la dimension visuelle (les effets spectaculaires qui vont charmer les sens des spectateurs grâce aux choix sonores, visuels : musiques, danses, gestes).
Le Malade imaginaire est un spectacle complet, une comédie-ballet, mêlant tous les arts pour le plus grand plaisir du spectateur. Les différents types de comique (caractère, gestes, situation, mots) participent à ces « réjouissances » en provoquant le rire.
Ces différents procédés deviendront les sous-parties illustrant la thèse suggérée par le sujet (PARTIE I).
Il faut, à présent, nuancer et discuter ce 1er constat : la pièce de Molière n’est pas un pur divertissement comme invite à le dire l’expression « avant tout » du sujet.
Comme le veut la devise de la comédie classique héritée d’Aristote : elle doit corriger les mœurs par le rire (castigat ridendo mores). Le Malade imaginaire, avant d’être un spectacle et une mise en scène, est un texte écrit dans lequel Molière critique la société de son temps.
À partir de cette analyse du sujet, il faut proposer une problématique, c’est-à-dire un questionnement qui dépasse le sujet posé. D’où la problématique : si la comédie du Malade imaginaire cherche avant tout à divertir le spectateur, elle n’en a pas moins un but satirique et sérieux qui cherche à faire réfléchir le public.
2) Élaborer un plan
Pour élaborer le plan il faut, tout d’abord, se demander le type de plan attendu : s’il doit être thématique (où l’on va lister différentes idées) ou dialectique (thèse/antithèse/synthèse). Pour trouver le type de plan, il faut observer le mot introducteur du sujet, il t’aidera à choisir :
- s’il s’agit d’une question ouverte : il te faudra, alors, choisir un plan thématique ;
- s’il s’agit d’une question fermée : il te faudra, alors, choisir un plan dialectique.
Notre sujet s’ouvre par « Dans quelle mesure » : cette formule pourrait appeler aux deux types de plan. En revanche, il y a ensuite « avant tout » qui laisse sous-entendre qu’il faut chercher autre chose que le plaisir. → Nous n’avons donc, ici, pas d’autre choix que le plan dialectique !
Il convient, ensuite, de lister tous les arguments et les exemples qui te viennent en tête lorsque tu penses à ce sujet. Aie en tête : 1 argument = 1 sous-partie ! Au bac, on attend au minimum six sous-parties, que l’on peut organiser en deux grandes parties comprenant chacune trois sous-parties ; ou, trois grandes parties comprenant chacune deux sous-parties.
Une fois les arguments choisis, il faut les organiser de façon cohérente et progressive : tu dois montrer que la réflexion avance.
I. Un spectacle total
1) Une mise en abyme d’un spectacle
2) Les types de comique
3) Un spectacle total, au-delà de la comédie
II. Une pièce qui instruit
1) Des personnages représentant la bonne morale
2) Une pièce satirique
3) Le théâtre comme outil de clairvoyance
II. Composer et rédiger l’introduction
1) Composition d’une introduction
Une introduction doit comprendre cinq temps :
- Une phrase d’accroche, qui permet d’attirer l’attention du lecteur et d’amener le sujet,
- La présentation de l’auteur et de l’œuvre,
- Le sujet,
- L’analyse et la problématique,
- L’annonce du plan
2) Exemple de rédaction d’une introduction
La seconde moitié du XVIIe siècle voit l’émergence du mouvement classique, qui s’oppose au foisonnement de l’époque baroque qui l’a précédé. Si le classicisme, par sa recherche de dépouillement et d’une langue pure, est une époque où se développent les moralistes et les tragédies, c’est aussi un temps de plaisir et de rire grâce à des auteurs comme Molière. Ce dernier écrit Le Malade imaginaire en 1673 et en interprète le rôle principal, celui d’Argan, un hypocondriaque qui veut faire épouser un médecin à sa fille, contre sa volonté. Dans quelle mesure la comédie du Malade imaginaire obéit-elle avant tout à une volonté de plaisirs et de réjouissances ? Le terme « comédie » renvoie au genre même de la pièce, c’est-à-dire une œuvre qui se définit par rapport aux règles de la Poétique d’Aristote, à savoir une pièce présentant différents types de comique ayant pour but d’instruire en critiquant les vices des Hommes et les travers de la société de l’époque. « Plaisirs et réjouissances » font écho au verbe « plaire », but 1er assigné à la comédie qui devait divertir le roi et sa cour au XVIIe siècle. L’utilisation « d’avant tout » suggère que le plaisir est le but premier mais cela sous-entend que la comédie obéit également à d’autres règles telles que le célèbre principe « castigat ridendo mores » : corriger les mœurs par le rire. Ainsi, il convient de se demander en quoi la comédie du Malade imaginaire, si elle cherche avant tout à divertir le spectateur, n’en a pas moins un but satirique et sérieux qui cherche à faire réfléchir le public. Dans un premier temps, nous verrons que Le Malade imaginaire est un spectacle total permettant « plaisirs » et « réjouissances » puis, nous aborderons la dimension critique de l’œuvre visant à l’instruction du lecteur et du spectateur.
III. Rédiger le développement
1) Comment bien rédiger le développement de la dissertation en français ?
Après avoir rédigé l’introduction tu dois, ensuite, rédiger la dissertation.
À savoir
Le plan ne doit pas être apparent !
Chaque partie débute par une petite introduction pour présenter les différentes sous-parties et s’achève par un bilan et une transition permettant de récapituler la partie et, ainsi, annoncer la suivante.
Chaque sous-partie doit avoir la structure suivante : annonce de l’argument ; explication de l’argument ; présentation des exemples ; retour à l’argument.
2) Exemple de rédaction du développement
Le Malade imaginaire est un véritable spectacle total par la mise en abyme qu’il propose : la dimension comique provoque le rire, mais également la connivence entre les personnages et le lecteur, qui s’installe et qui invite ce dernier à s’engager pleinement dans la pièce. (Phrase de petite introduction présentant les différentes sous-parties.)
Tout d’abord, cette pièce se lit comme une mise en abyme (annonce de l’argument), c’est-à-dire qu’au sein même de la pièce, se trouvent d’autres comédies : il y a, ainsi, du théâtre dans le théâtre (explication de l’argument). Cela commence dès le 1er prologue : le dieu Pan demande à une troupe de bergers de songer à faire plaisir au roi qui revient de la guerre. C’est bien la comédie elle-même qui servira de divertissement au roi et de délassement après ses campagnes militaires. Les bergers vont ainsi assister au spectacle en tant que spectateurs ou acteurs : les personnages du premier spectacle vont rentrer dans le 2e spectacle où de nouveaux personnages vont divertir ceux du premier spectacle. La mise en abyme renforce d’emblée la dimension spectaculaire de la pièce pour divertir et plaire au public de la cour de Versailles. Par ailleurs, un second niveau de mise en abyme est proposé par Louison, dans la scène 8 de l’acte II, quand elle fait croire à son père qu’elle meurt devant lui. Le verbe « contrefaire », présent dans une didascalie, renvoie explicitement au travail du comédien qui joue à faire semblant. Enfin, dans la scène 10 de l’acte III, c’est Toinette qui propose à son tour une mise en abyme du théâtre en se faisant passer pour un médecin venu soigner Argan. Ce dernier ne se rend pas compte de la supercherie, illustrant ainsi le pouvoir du théâtre (développement des exemples). Il y a ainsi plusieurs niveaux de comédie au sein même du Malade imaginaire, permettant de jouer sur la mise en abyme et donc de créer le plaisir du spectateur (retour à l’argument).
Le plaisir du spectateur va également naître de la dimension comique de la pièce (annonce de l’argument). En effet, on retrouve dans Le Malade imaginaire les quatre types de comique traditionnels des comédies de l’époque classique, à savoir : le comique de mots, le comique de gestes, le comique de caractère et le comique de situation (explication de l’argument). Le comique de situation est récurrent dans la pièce et est le plus souvent lié à la dimension scatologique : à plusieurs reprises, Argan est obligé d’interrompre sa conversation pour se précipiter aux toilettes car les lavements font effet. C’est le cas dans la scène 3 de l’acte I et dans la scène 1 de l’acte III marquant ainsi, par la fuite d’Argan, la fin des scènes et laissant le sujet abordé en suspens. Ce comique de situation est lui-même au service du comique de caractère puisque c’est l’ensemble du personnage d’Argan qui est ridicule : sa croyance aveugle dans les bons mots des médecins (II, 5), tout l’argent qu’il dépense en lavements et purges (I, 1), sa volonté de marier sa fille à un médecin… Mais Argan n’est pas le seul personnage ridicule : le comique de caractère s’applique également à Thomas Diafoirus qui apparaît comme un benêt, prenant Angélique pour la belle-mère de cette dernière et récitant un texte écrit par son père. À cela s’ajoute un comique de mots dans son discours de séduction pour Angélique mais aussi dans le vocabulaire technique pseudo-latin, employé dans la scène 6 de l’acte II, tel que : « parenchyme splénique » ou « méats cholidoques ». Enfin, le comique de gestes est, lui aussi, bien présent puisque l’on retrouve les traditionnelles scènes de bastonnades propres à Molière lorsque Argan poursuit Toinette avec son bâton à la scène 5 de l’acte I ou au contraire, lorsque Toinette étouffe Argan dans les coussins, dès que Béline a le dos tourné (I, 6) (développement des exemples). Ainsi, la dimension comique de la pièce est riche grâce à des procédés variés qui se combinent pour le plus grand plaisir du lecteur et du spectateur (retour à l’argument).
Enfin, au-delà de la dimension comique, l’émerveillement du lecteur tient au fait que Le Malade imaginaire est avant tout un spectacle total puisqu’il s’agit d’une comédie-ballet (annonce de l’argument). Ce genre se définit comme un spectacle dramatique, lyrique et chorégraphique, c’est-à-dire qu’il mêle à la fois le théâtre, la musique, le chant et la danse, ce qui permet de multiplier les réjouissances exposées au lecteur/spectateur (explication de l’argument). En effet, les actes sont séparés par des intermèdes musicaux et dansés : le premier prologue joue une scène pastorale qui évoque le cours de chant d’Angélique et Cléante en présence d’Argan et des Diafoirus (II, 5), le premier intermède nous place dans l’univers de la commedia dell’arte puisque l’on retrouve les personnages habituels de ce genre italien ; le second intermède crée une ambiance orientale tandis que le troisième prologue bascule dans le carnavalesque avec la grande cérémonie de réception d’Argan devenu bachelier en médecine (développement des exemples). Les intermèdes qui émaillent la pièce avec les chorégraphies de Pierre Beauchamp et la sublime musique de Marc-Antoine Charpentier renforcent donc bien le plaisir en éblouissant le spectateur par différents arts (retour à l’argument).
Néanmoins (connecteur logique d'opposition qui nuance la thèse), la comédie du XVIIe dont les règles sont héritées de l’Antiquité n’est pas qu’une farce destinée à divertir et à faire rire. Elle est aussi un texte qui donne à réfléchir notamment en faisant la satire des vices humains.
Molière instruit, en effet, le spectateur en critiquant les mœurs de son temps comme les abus et dérives de la médecine à son époque ; mais aussi les mariages arrangés, sous la forme d’une grande satire au sein de laquelle certains personnages représentent une bonne morale.
Tout d’abord, Molière recourt à des personnages sensés, qui illustreraient la voix de la raison : Béralde et Toinette. Par la voix de Béralde, son porte-parole, mais aussi de Toinette, la servante plus clairvoyante et intelligente que son maître (comme souvent chez Molière), le dramaturge dénonce les médecins incompétents et avides d’argent, qui profitent de la naïveté et des angoisses de leurs patients pour les maintenir sous leur dépendance. Toinette tente de démystifier, tout au long de la pièce, l’influence que les médecins exercent sur Argan en soulignant le ridicule par des commentaires ironiques (acte II, scène 5 : « Vivent les collèges d’où l’on sort si habile homme ! »). Au-delà du regard critique vis-à-vis de la médecine, Béralde est également celui qui tente de faire ouvrir les yeux de son frère sur son mariage comme dans la scène 3 de l’acte III, lorsqu’il lui demande, à propos d’Angélique : « [...] d’où vient, dis-je, que vous parlez de la mettre dans un couvent ? » Tout au long de la scène, Béralde tente de faire réfléchir son frère par un jeu de questions devant conduire à une prise de conscience de ce dernier. Ces deux personnages sont donc des représentants d’une morale raisonnable que les lecteurs devraient suivre.
Cependant, l’instruction chez Molière ne passe pas que par des exemples de raison, mais avant tout par le ridicule de la satire. En mettant en scène les caractères qu’il dénonce tout en grossissant le trait pour les rendre grotesques, le dramaturge offre un véritable modèle à ne pas suivre. Si la médecine en fait particulièrement les frais tout au long de la pièce, les mariages arrangés font également l’objet d’une sévère critique comme dans toutes les comédies de Molière. Argan veut que sa fille épouse un médecin pour le soigner sans prendre en considération les sentiments de cette dernière : la scène 5 de l’acte II décrit la situation des jeunes filles soumises aux choix arbitraires de leur père, sans aucune considération pour leur liberté de choix. La scène où Thomas Diafoirus récite son compliment est un spectacle grotesque qui témoigne de sa bêtise et de son incapacité à parler avec naturel. La cupidité exacerbée de Béline tourne également le personnage en ridicule dans la scène 7 du premier acte, mettant ainsi en lumière son hypocrisie et son vrai dessein auprès d’Argan. « Ne me parlez point de biens, je vous prie. Ah ! de combien sont les deux billets ? » illustre la duplicité du personnage, jouant la femme éplorée pour récupérer un héritage conséquent. C’est ainsi, pour le spectateur, un exemple concret de mariage d’intérêt et donc un appel à la méfiance.
Enfin, c’est la présence même du théâtre dans le théâtre qui se révèle être le meilleur moyen d’instruction, éclairant le lecteur/spectateur par le biais de l’illusion. En effet, les médecins sont avant tout des acteurs, ils se déguisent (robe, bonnet, barbe) pour mettre en scène un savoir illusoire ; ce sont de bons acteurs, de beaux parleurs, qui jouent de leur apparence et de leur maîtrise de la langue latine pour impressionner leurs patients. Le dernier intermède met en scène une fausse cérémonie de remise de diplôme à un médecin : le bachelier obtient son diplôme en donnant toujours la même réponse mécanique quelle que soit la question et quelle que soit la maladie. La certification qu’il obtient à la fin correspond au droit de tuer en toute impunité. L’incompétence et la vénalité des médecins ressortent ici de manière particulièrement évidente : la médecine est montrée comme une science exercée par des pédants qui ne savent pas grand chose et guérissent peu à cette époque. Enfin, le spectacle pastoral que donnent Cléante et Angélique, sous prétexte de jouer un petit opéra de bienvenue aux Diafoirus, permet aux deux amants de se déclarer leur amour librement et avec sincérité. Le spectacle est donc au service de la satire et de la dénonciation : c’est grâce à la force comique de ce spectacle que la comédie peut conduire efficacement le spectateur à une attitude critique sur le monde qui l’entoure.
IV. Élaborer et rédiger une conclusion
1) Élaborer une conclusion
La conclusion se compose de deux temps :
- une récapitulation des deux parties, en les reformulant ;
- une ouverture : il s’agit de faire un parallèle avec d’autres œuvres ou de réfléchir à un autre aspect de l’œuvre, proposant ainsi un nouveau sujet.
2) Rédiger un exemple de conclusion
Dans cette pièce riche en divertissements variés, les médecins sont montrés comme des comédiens et les comédiens se déguisent en médecins pour dénoncer l’illusion trompeuse qu’ils dispensent à leurs patients. Le Malade imaginaire est donc bien un spectacle total afin de satisfaire la soif de divertissement de l’aristocratie oisive du XVIIe siècle mais c’est surtout un spectacle qui va montrer que la médecine n’est précisément qu’un spectacle, une illusion, un mensonge. (Récapitulation)
Une des grandes idées de l’époque classique était que l’art a une double fonction. Ce principe, illustré par la formule du poète latin Horace « placere et docere », que l’on pourrait traduire par « plaire et instruire », se retrouve dans toutes les pièces de Molière telles que Le Misanthrope ou encore L’Avare. (Ouverture)