L’État exerce une autorité qui contraint notre liberté d’action dans le but d’organiser la vie des hommes en société. Pourrait-on se passer d’une telle autorité ? Est-ce la nature violente et belliqueuse des hommes qui rendrait nécessaire l’instauration de l’État ?
I. Penser une société sans État
1) Des lois imparfaites
L’opinion commune déplore en de nombreuses occasions l’exercice du pouvoir de l’État. Les lois, au moyen desquelles l’État impose les règles de fonctionnement de la société, seraient toujours imparfaites voire injustes ; surtout lorsqu’elles exigeraient de nous ce que nous n’avons pas nécessairement envie de faire. Pensons au respect strict du Code de la route, à l’acquittement des impôts et des taxes, etc.
Mais cette critique naïve de l’autorité étatique ne peut suffire à fonder une remise en cause profonde de l’État, car elle est d’abord guidée par un intérêt particulier et non par le bien commun.
2) La critique anarchiste
Ce sont les penseurs anarchistes qui ont formulé la critique la plus radicale de l’État. Pour Proudhon par exemple, l’autorité de l’État est par nature illégitime, dans la mesure où les hommes sont spontanément capables de vivre en paix et en harmonie. Autrement dit, si nous sommes foncièrement bons et sociables, capables de bienveillance à l’égard de nos semblables, rien ne peut justifier qu’une autorité supérieure nous impose des règles de vie en société. Il ne nous resterait donc qu’à nous débarrasser de l’État. La société anarchiste n’a ainsi rien d’un chaos social : elle serait « le plus haut degré d’ordre et de liberté auquel l’humanité puisse parvenir. »
II. L’État, rempart contre la violence
Peut-on se satisfaire de cette représentation de la nature humaine ? Pourquoi paraît-il si difficile de se passer de l’autorité de l’État ?
1) À l’état de nature, les hommes vivent dans la crainte et la violence
Hobbes, dans le Léviathan, conceptualise la situation qui précède l’instauration de l’État : on parle d’état de nature. Les hommes y vivent sans lois et dans une égalité parfaite : chacun jouit du même droit à disposer de toute chose.
À noter
L’état de nature est une expérience de pensée qui n’a pas de valeur ni de réalité historique : inutile d’en parler au passé ! Sa fonction est heuristique : il nous permet de réfléchir à ce que doit être le rôle de l’État.
Rien n’empêche donc le vol ou le meurtre, et les hommes se livrent une guerre perpétuelle pour posséder le plus de biens possible.
Cet état semble peu désirable : les hommes emploient en effet leur temps à se protéger et à protéger leurs biens dans la crainte d’une mort violente. S’ils sont doués de passions – ce qui leur fait désirer de toujours accroître leur puissance –, les hommes sont aussi doués de raison – ce qui leur fait comprendre que l’état de nature n’est pas le meilleur possible. Ils sont donc conduits à s’unir par un pacte qui les prémunira de la violence d’autrui.
2) Le rôle de l’État serait donc d’assurer la sécurité des citoyens
Pour éviter de se nuire les uns aux autres, les hommes délèguent leur droit naturel et leur puissance d’agir à une autorité supérieure. Seule cette puissance souveraine, à la tête de l’État, pourra se montrer violente, en vue d’assurer la sécurité de tous. De fait, le Souverain n’aliène son droit naturel à personne : il subsiste en dehors du contrat. L’institution de l’État repose donc sur un acte de soumission.
Pour Hobbes, le passage de l’état de nature à l’état civil, grâce à la mise en place d’un État, permet donc aux hommes de se libérer de leurs penchants belliqueux pour vivre en paix. Dans l’état civil, ce n’est pas la possession du plus grand nombre de biens qui fait le bonheur des hommes, mais la tranquillité d’une vie réglée par des lois et par la crainte de la sanction que ces lois inspirent.