Opinion publique et démocratie

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La notion d’opinion publique qui se construit avec la société ­démocratique n’est pas aisée à définir, présentant plusieurs dimensions et relevant d’une pluralité d’approches parfois opposées.

I. Une notion polysémique, évolutive, débattue…

1) Les contours de l’opinion publique

Dans son sens courant, l’opinion publique est l’ensemble des jugements partagés par une communauté d’individus sur des questions d’intérêt général.

Pour les sociologues, elle est une construction sociale, produit des croyances, des représentations collectives et d’interactions avec des institutions.

Mot clé

La mise à l’agenda politique d’une question désigne le fait qu’une « question » (économique, sociale, etc.) entre dans le débat public et devient l’objet d’une action ou d’une décision des ­institutions politiques.

Qu’elle désigne le sens commun, constitué en partie de préjugés, ou des jugements éclairés, issus de la délibération rationnelle au sein de l’espace public, elle produit elle-même des effets en orientant la décision publique par le vote ou par la mise à l’agenda politique de certaines questions.

2) L’évolution d’une notion

Pour le philosophe allemand Habermas, l’opinion publique naît au XVIIIe siècle au sein de la bourgeoisie à l’initiative de certaines élites éloignées du pouvoir royal et le soumettant à la critique. Elle apparaît alors comme un contre-pouvoir et un intermédiaire entre le peuple et le pouvoir royal.

Avec le développement des sondages d’opinion, la notion d’opinion publique prend une acception nouvelle et devient le résultat de l’agrégation des opinions individuelles, qu’on cherche à mesurer et à influencer.

Les médias jouent un rôle de premier plan dans la construction d’une opinion publique en diffusant des informations et des points de vue au plus grand nombre, permettant d’orienter le jugement et de s’en faire l’écho.

II. … et liée à l’avènement de la ­démocratie

1) Opinion publique et place de l’individu dans la société

La notion d’opinion publique est indissociable de la société individualiste et démocratique qui donne une place centrale à l’individu et à ses facultés de jugement. Celles-ci s’incarnent dans des institutions où se posent, se discutent, se tranchent des opinions individuelles auxquelles on reconnaît une valeur égale.

L’opinion publique, son expression et sa mesure deviennent des éléments centraux des démocraties. Les institutions représentatives dont il faut sélectionner les représentants reposent en partie sur le vote. Celui-ci est un mode d’expression de l’opinion publique, créant une opinion majoritaire au travers des bulletins que chacun dépose dans l’urne.

2) Un rôle ambivalent

Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique (1835) met en évidence certaines contradictions de l’opinion publique. Si une opinion publique éclairée est nécessaire pour limiter le « despotisme de l’État », lui donner une place excessive peut lui conférer un pouvoir tyrannique non respectueux des opinions minoritaires.

Mot clé

Les corps intermédiaires désignent les institutions et organisations qui font le lien entre la base de la société et son sommet, créant une médiation entre les individus et l’État.

Les corps intermédiaires tels que la presse et les associations jouent alors un rôle essentiel pour permettre l’expression d’une opinion publique éclairée et développer des contre-pouvoirs.

Cette ambivalence de la notion d’opinion publique est toujours vive dans les sociétés contemporaines, partagées entre le souci de favoriser son expression et les dangers d’une « démocratie d’opinion ».