Les récits du XVIIIe siècle sont particulièrement marqués par l’opposition entre la réalité et la fiction, qui est au fondement même des genres narratifs.
I Les récits de fiction au XVIIIe siècle
1 Le goût de la fiction
Repère
Mot cléHéritier du roman espagnol, le roman picaresque raconte les aventures d’un vagabond, le picaro, qui va de ville en ville pour tenter de sortir de sa condition.
Certains genres romanesques apparus aux siècles précédents perdurent au XVIIIe siècle. C’est le cas du roman picaresque, par exemple chez Lesage (Histoire de Gil Blas de Santillane, 1715-1735). Quant au roman d’analyse, initié par Madame de La Fayette avec La Princesse de Clèves (1678), il se consacre à l’étude de la psychologie humaine, comme chez Prévost (Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, 1731), Rousseau (Julie ou la Nouvelle Héloïse, 1761) ou Laclos (Les Liaisons dangereuses, 1782).
Mais le siècle des Lumières voit aussi apparaître de nouveaux types de récits, tels que le conte oriental au succès grandissant (Les Mille et Une Nuits sont traduites en français pour la première fois par Galland en 1704). Voltaire le met au service de la philosophie des Lumières en inventant le genre du conte philosophique (Zadig est publié en 1747, Candide en 1759).
Sur le même principe, les romans philosophiques, tels que les Lettres persanes de Montesquieu (1721), abordent des enjeux politiques ou religieux par l’intermédiaire de la fiction.
2 Une critique du romanesque
Mais ce goût pour la fiction s’accompagne paradoxalement d’une méfiance envers le roman, d’où le succès d’antiromans comme Jacques le Fataliste et son maître de Diderot (publication posthume en 1796), qui jouent avec les conventions artificielles du genre et ses invraisemblances.
Pour gagner en vraisemblance et faire taire les critiques, des romanciers tentent d’effacer dans leur récit la frontière qui sépare la fiction et la réalité. Ainsi, le roman-mémoires prend l’apparence d’une autobiographie écrite par un personnage, comme dans La Vie de Marianne (1731-1741) de Marivaux ou dans Manon Lescaut (1731) de l’abbé Prévost.
De même, le roman épistolaire prétend donner à lire des lettres écrites par des personnes réelles, comme dans Julie ou la Nouvelle Héloïse de Rousseau (1761) ou dans Les Liaisons dangereuses de Laclos (1782).
Cette volonté de rapprocher la fiction de la réalité provoque l’apparition de nouvelles catégories de personnages dans le personnel du roman : le bourgeois et le valet deviennent ainsi de véritables protagonistes, témoignant des transformations sociales que connaît le XVIIIe siècle.
3 Du roman sentimental au roman fantastique
La seconde moitié du siècle voit naître le roman sentimental, marqué par l’importance croissante accordée à la sensibilité : c’est le cas de Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre (1788).
La promotion du sentiment au détriment de la raison explique, à la fin du siècle, l’apparition et le succès du roman fantastique. Sur le modèle des romans gothiques anglais (par exemple Le Château d’Otrante de Walpole, 1764), des romanciers tels que Cazotte (avec Le Diable amoureux, en 1772) imaginent des histoires inquiétantes qui marquent la perte d’influence des Lumières et la transition vers l’âge romantique.
II Les récits du réel au XVIIIe siècle
Le public du XVIIIe siècle ne se passionne pas seulement pour des romans : il réserve aussi un franc succès à des récits de voyage comme le Voyage autour du monde du navigateur Bougainville (1771) dont Diderot s’inspire pour rédiger son célèbre Supplément au Voyage de Bougainville (publication posthume en 1796).
Autre genre de récit du réel, l’autobiographie reçoit sa forme moderne dans les Confessions de Rousseau (1782-1789, publication posthume).