Tantôt contrainte, tantôt obligation, le devoir varie selon la situation et la forme de la volonté. On peut se demander si le devoir moral est absolu ou s’il tolère des degrés d’obligation, selon la situation et le sujet concerné. Peut-on distinguer différents types de devoirs ?
I. Kant : le devoir comme impératif catégorique
1) Un devoir formel, universel et inconditionné
Agir par devoir, c’est supposer que tous puissent agir comme moi et réciproquement. Par exemple, si je m’interdis de mentir (devoir de véracité), je peux exiger que tous également disent la vérité. Réciproquement, si j’exige que les autres me disent la vérité, je dois aussi l’exiger de moi-même.
Tout devoir possède un contenu particulier qui doit pouvoir prendre une forme d’obligation universelle. Qu’il s’agisse du mensonge, du vol, du meurtre ou encore de l’indécence, l’interdit doit être universalisable pour être moral.
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Le mensonge, pour Kant, est le mal radical. Mentir revient à traiter autrui en objet et non en personne libre. Mentir détruit la confiance indispensable aux relations morales.
D’où la formulation kantienne de l’impératif catégorique : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. »
Cet impératif est catégorique : il est sans condition, c’est-à-dire inconditionné, et aucune excuse ne doit m’empêcher d’y obéir.
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Le terme catégorique s’oppose à « hypothétique ». Est hypothétique un devoir soumis à condition, par exemple : « Je dirai la vérité si l’on me paie. » Aucun si dans l’impératif catégorique : « Je fais mon devoir parce que c’est mon devoir ! »
2 ) Le katortoma des stoïciens
Les stoïciens, comme Chrysippe ou Épictète, appellent katortoma le devoir proprement moral, qui est absolu : il s’applique à toutes les situations, à travers l’effort de bien faire, peu importe le contenu de l’action. Aussi, d’un point de vue strictement moral, une faute d’orthographe est aussi grave qu’un meurtre.
Cette rectitude morale est le propre du sage. Mais, disent les stoïciens, il n’est pas certain qu’un sage ait un jour existé, tant la pureté exigée paraît surhumaine.
II. Les devoirs relatifs
1) Le kathêkonta des stoïciens
Les stoïciens différencient du katortoma les kathêkonta, ou devoirs d’état, comme le devoir des parents d’éduquer leur enfant, ou le devoir du soldat de défendre son pays. Il s’agit là de devoirs sociaux liés à un rôle et à une responsabilité particuliers. Ils sont donc relatifs.
Ces devoirs relatifs recherchent le préférable ou le convenable et fuient ce qui est nuisible. Par exemple, j’ai le devoir de protéger ma santé et je dois éviter les amis qui me trahissent.
Entre les préférables et les nuisibles, les stoïciens situent les indifférents, qui ne sont pas objets de devoir : il m’est indifférent d’avoir des cheveux en nombre pair ou impair, je n’ai donc aucun devoir en la matière.
2 ) Le devoir selon la sociologie
Ces devoirs relatifs ne dépendent pas d’un bien ou d’un mal absolu. Ils intéressent davantage la sociologie que la morale, il s’agit plus de ce qu’il convient de faire, selon le lieu et le moment, que de ce qu’on doit faire universellement.
Le sociologue Durkheim estime que les devoirs sont l’intériorisation des règles de la société, en particulier au moyen de l’éducation. Ils sont donc relatifs à chaque société. Par exemple, on peut considérer que le devoir de respecter le bien d’autrui correspond à l’exigence d’une société fondée sur la propriété privée.