La raison est la faculté qui permet de distinguer le vrai du faux et le bien du mal. En ce sens, elle semble importante aussi bien d’un point de vue théorique que d’un point de vue pratique. Pour autant, permet-elle de définir l’homme et de le distinguer des autres animaux ?
I. La raison est le propre de l’homme
L’homme se distingue des animaux en ce qu’il possède une raison. C’est ce qu’affirme Aristote dans la Politique : les animaux possèdent une voix (phonè) qui leur permet de manifester leurs sensations. Les hommes possèdent la parole (logos) qui leur permet non seulement de manifester leurs sensations, mais aussi de former des abstractions comme l’utile et le nuisible, le juste et l’injuste .
À noter
Le terme logos désigne à la fois la parole, le discours et la raison, que la langue française distingue. En effet, c’est par le discours que les hommes témoignent de leur capacité à réfléchir et à former des abstractions.
Que l’homme possède la raison montre qu’il n’est pas un simple animal et qu’il ne se réduit pas à ses besoins d’ordre biologique. Il est capable de penser, de parler et de s’accorder avec ses semblables. C’est en ce sens, pour Aristote, que « l’homme est un animal politique. »
II. Le démenti de l’expérience
Si la raison est le propre de l’homme, c’est que celui-ci a vocation à chercher la vérité et à y conformer ses actions. La raison est à la fois un idéal théorique et un idéal pratique. Cependant, l’expérience semble démentir cette vocation.
1) De l’erreur à la folie
Posséder la raison ne garantit pas l’accès à la vérité. Les hommes se trompent souvent : ils pensent avoir raison quand ils ont en fait tort, ils croient savoir mais ne savent pas. N’ayant pas toujours conscience de leurs limites, ils entrent en conflit avec les autres et imposent par la violence leurs idées.
Montaigne est un philosophe sceptique : dans ses Essais, il montre ainsi l’impuissance de l’homme à connaître parfaitement le réel. Les opinions s’opposent sans que l’homme dispose d’un critère qui lui permette de savoir où est la vérité.
2) Le statut de l’animal
Si l’homme a longtemps cru à sa supériorité sur les autres animaux, de nombreux phénomènes témoignent d’une intelligence animale. Qu’il s’agisse du langage, de l’habileté technique ou de la sociabilité, les animaux sont capables de réalisations qui relativisent l’idée selon laquelle la raison serait le propre de l’homme.
III. La raison : un idéal à réaliser
Il faut cependant distinguer raison et intelligence. C’est ce qu’affirme Descartes dans le Discours de la méthode : « Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. » Si tous les hommes possèdent la raison, entendue comme la faculté de distinguer le vrai du faux, ils doivent apprendre à s’en servir en s’armant d’une méthode qui évite soigneusement l’erreur et la précipitation.
Mot-clé
L’intelligence désigne l’ensemble des qualités de l’esprit (la mémoire, l’intuition) qui permettent d’atteindre la vérité plus rapidement et plus efficacement.
Cette distinction entre raison et intelligence permet d’affirmer que la raison est bien le propre de l’homme. On peut donc distinguer l’intelligence animale, qui relève d’un instinct, de la raison humaine, qui permet à l’homme de réfléchir par lui-même. Celle-ci renvoie à un idéal d’autonomie : l’homme cherche à devenir le fondement de ses pensées et de ses actes. Il apprend à devenir rationnel et raisonnable, en osant penser et se déterminer par lui-même.