La pertinence de l’approche en termes de classes sociales

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La pertinence de l’approche en termes de classes sociales peut être questionnée à la lumière des mutations de la structure sociale et des modifications des appartenances ressenties par les individus.

I. La question des inégalités

1)  Des inégalités (ou distances) inter-classes qui se maintiennent

Jusqu’au début des années 1980, la société française a connu une tendance à la réduction des inégalités économiques et sociales, à l’homo­généisation relative des pratiques ­sociales et à une montée en puissance des catégories moyennes ainsi qu’un déclin numérique des ouvriers. Ces réalités ont conduit certains sociologues à pronostiquer la fin des classes sociales et à parler de moyennisation de la ­société.

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La moyennisation de la société est le processus de constitution d’une vaste classe moyenne qui s’accompagne d’une réduction des écarts de niveau de vie entre les positions extrêmes dans la stratification sociale et d’une homogénéisation relative des modes de vie.

À partir du milieu des années 1980, le mouvement de réduction des inégalités cesse, voire se retourne, tandis que l’emploi non qualifié croît dans le secteur des services. Le maintien des inégalités et de la distance entre les classes sociales plaide en faveur de la pertinence d’une approche de la stratification sociale en termes de classes sociales au sens marxiste.

2)  Des inégalités (ou distances) intra-classes qui se creusent

Dans le même temps, les inégalités et les différences de niveaux de vie et de conditions d’existence se creusent à l’intérieur des classes. Ainsi, dans les classes populaires et moyennes, les écarts s’accroissent entre ceux qui sont exposés au chômage et à la précarité et ceux qui y échappent, tandis qu’au sein des classes supérieures, les inégalités de revenus explosent. Selon l’Insee, en 2015, en moyenne, une personne seule appartenant au groupe des 1 % les plus riches perçoit 14 749 euros de revenu par mois avant redistribution contre 108 082 euros pour une personne seule appartenant au 0,01 % des plus riches.

Au sein de chaque classe, des inégalités liées au genre persistent, notamment dans les domaines de l’emploi, des rémunérations et dans la répartition des tâches domestiques.

L’accroissement de ces inégalités intra-classes peut brouiller la stratification ­sociale et remettre en cause la pertinence d’une approche centrée sur les classes sociales.

II. La question des identifications subjectives

1)  Un déclin de la conscience de classe

Les enquêtes convergent pour montrer que de moins en moins d’individus s’identifient à une classe sociale et quand ils le font, déclarent majoritairement se sentir membre des classes moyennes.

Ce déclin de la conscience de classe et du sentiment de partager une condition et des intérêts communs est particulièrement net dans les catégories populaires, qui ne formeraient plus une classe pour soi à la différence des membres des classes dominantes qui savent s’unir pour défendre leurs intérêts.

2 ) Une conséquence des processus d’individualisation

Ce déclin du sentiment d’appartenir à une classe opposée à une autre est lié à l’accrois­sement des inégalités intra-classes (par exemple, selon l’âge ou la génération, le sexe, le type de contrat de travail) qui s’accompagne d’une individualisation des inégalités.

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L’individualisation est un processus historique de long terme qui conduit à la reconnaissance de la singularité de l’individu, à son émancipation des institutions et groupes d’appartenance et à l’accroissement de ses possibilités de choix.

Les inégalités sont de moins en moins inter­prétées comme résultant d’un destin collectif lié à l’organisation de la société ; elles sont davantage vécues comme une expérience individuelle, renvoyées aux éventuelles injustices dont l’individu est victime, et rapportées à ses mérites, à ses échecs et à sa responsabilité.

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Les inégalités de salaires entre CSP et au sein des CSP

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Source : Insee

 Le revenu salarial médian des cadres est environ 2,5 fois supérieur à celui des employés.

 Au sein des employés, les 10 % les mieux rémunérés gagnent au moins 15,7 fois plus que les 10 % les moins bien rémunérés, dépassant ainsi le revenu salarial des cadres les moins bien rémunérés.