L’énonciation est un acte de langage par lequel un locuteur (celui qui parle) adresse un énoncé à un destinataire. Étudier l’énonciation d’un texte, c’est définir la situation d’énonciation et déterminer quel est le degré d’implication du locuteur dans son énoncé.
I La situation d’énonciation
Analyser la situation d’énonciation implique d’identifier le locuteur, le destinataire et le cadre spatio-temporel dans lequel s’inscrit l’énoncé. Il faut répondre aux questions : qui parle ? à qui ? où ? quand ?
GUSTAVE FLAUBERT À SA NIÈCE CAROLINE
Croisset, 4-5 janvier 1879. Nuit de samedi.
Ma pauvre chérie, je commence par t’embrasser – et puis ?… je n’ai absolument rien à te dire. Ma vie n’offre aucun épisode. Tu me parais bien vaillante. Je t’en félicite et je t’envie.
Gustave Flaubert, Correspondance (1879)
La situation d’énonciation de cette lettre est explicitée par plusieurs indices :
– le locuteur est l’auteur de la lettre, c’est-à-dire Gustave Flaubert ; il se désigne dans son propre énoncé par le pronom « je » ;
– le destinataire est Caroline, la nièce de Flaubert, désignée par le pronom « tu » et l’apostrophe « ma pauvre chérie » ;
– le lieu et le moment de l’énonciation sont précisés par l’en-tête de la lettre, « Croisset, 4-5 janvier 1879. Nuit de samedi. »
II Les marques de présence du locuteur
Pour déterminer le degré d’implication du locuteur dans l’énoncé, il faut chercher les différentes marques de la subjectivité :
– les pronoms personnels faisant référence au locuteur, tels je ou nous, ainsi que les déterminants et pronoms possessifs (mon, le mien) ;
– les indicateurs spatiaux ou temporels qui ne peuvent se comprendre que par rapport au locuteur lui-même : adverbes comme ici et maintenant, démonstratifs comme ce ou cela.
– l’emploi du présent d’énonciation ;
– les modalisateurs, qui expriment la certitude ou le doute du locuteur par rapport à ce qu’il énonce ;
– les termes évaluatifs, à connotation péjorative ou méliorative ;
– une ponctuation expressive, en particulier l’exclamation.
III L’énoncé ancré dans la situation d’énonciation
Lorsque l’énoncé comporte un certain nombre de marques de la présence du locuteur et fait référence à la situation d’énonciation, on le désigne comme un discours. Ce type d’énoncé donne une impression de subjectivité.
J’étais un des matins de l’automne dernier à me promener au Jardin des Plantes, en compagnie du docteur Torty, certainement une de mes plus vieilles connaissances.
Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques (1874)
Marques de la présence du locuteur : première personne, indicateur temporel qui ne peut se comprendre qu’en référence à la date où le narrateur rapporte son histoire, modalisateur.
IV L’énoncé coupé de la situation d’énonciation
Lorsque l’énoncé comporte peu de marques de présence du locuteur, voire pas du tout, et qu’il ne fait pas référence à la situation d’énonciation, on le désigne comme un récit. Ce type d’énoncé donne une impression d’objectivité.
Ceux qui se croient du goût en sont plus orgueilleux que ceux qui se croient du génie.
Madame de Staël, De l’Allemagne, II, 14 (1813)
Le présent de vérité générale et les formules globalisantes (« ceux qui se croient… ») montrent l’effacement du locuteur et l’objectivité apparente de l’énoncé.
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Reconnaître un modalisateur
Les modalisateurs sont des termes qui expriment le degré d’adhésion du locuteur à son énoncé, de la certitude (je suis sûr que…) au doute (il est possible que…).
Ils appartiennent à différentes classes grammaticales.