Écrite en 1981, Pour un oui ou pour un non est la pièce la plus célèbre de Nathalie Sarraute puisqu’elle a été jouée plus de 600 fois. Elle s’inscrit dans le parcours « Théâtre et dispute ».
I. L’auteur et le contexte d’écriture
A) Biographie de l’autrice
- 1900 : naissance en Russie dans une famille juive ;
- 1903 : installation à Paris ;
- 1906 : retour en Russie où elle reçoit une double éducation, à la fois russe et française ;
- 1907 : retour en France suite à des tensions politiques. Elle mène une scolarité brillante ;
- 1919-1922 : Sarraute mène des études à travers l’Europe. Elle étudie la littérature en Angleterre, l'allemand à Berlin et le droit à Paris ;
- 1922 : elle rencontre Raymond Sarraute qui deviendra son mari en 1925 ;
- 1925-1940 : Nathalie et Raymond Sarraute travaillent ensemble dans une étude d’avoués ;
- 1940 : Sarraute est radiée du barreau car le régime de Vichy a proclamé des lois antijuifs. Elle se consacre alors uniquement à l’écriture. Elle écrit sous différentes formes : autobiographies, essais, théâtre, romans… ;
- 1957 : époque du Nouveau Roman (voir partie consacrée aux contextes historique et littéraire) ;
- 1981 : Pour un oui ou pour un non (publication en 1982 et représentée pour la première fois en 1986) ;
- 1999 : mort de Sarraute.
B) Les contextes historique et littéraire
Le XXe siècle a été marqué par plusieurs conflits, notamment les deux Guerres mondiales, la guerre d’Algérie et la guerre froide. Ces événements ont marqué durablement les hommes qui remettent en cause l’existence humaine et le monde qui les entoure.
L’impact des guerres sur la littérature est très fort : le mouvement de l’absurde se développe à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, puis, à la fin des années 50 on voit apparaître ce que Sarraute et Robbe-Grillet appellent le « Nouveau Roman ». Sarraute en est une des représentantes et la pièce Pour un oui ou pour un non l’illustre bien : il n’y a aucune action, les personnages n’ont ni identité ni consistance et sont réduits à une simple conscience. En effet, l’objectif du Nouveau Roman est la déconstruction des notions d’intrigue et de personnage.
II. Présentation de l’œuvre
A) Le genre
Pour un oui ou pour un non est une pièce radiophonique ce qui signifie qu’elle est destinée à la radio et non à la scène. Cette pièce appartient au Nouveau Roman car les personnages sont réduits à leur genre et un nombre, ils ne sont qu’une voix et l’intrigue est très réduite.
B) Structure de la pièce
La pièce n’est découpée ni en actes ni en scènes. On peut, néanmoins, déceler plusieurs parties :
- La mise en place de la dispute, qui sert de scène d’exposition, présentant ainsi le motif du conflit.
- L’intervention des voisins qui constitue une parenthèse comique.
- La reprise de la dispute après le départ des voisins. Les sujets abordés deviennent plus larges et sont l’occasion de rétrospectives de certains moments de la vie de H1 et H2.
- L’explosion du conflit se produit lorsque H1 décide de partir, la tension monte.
- Lors du dénouement, le lecteur comprend qu’aucune réconciliation n’est possible : la discussion n’aura donc mené à aucun apaisement.
III. Analyse de la pièce
A) Les personnages
Il n’y a que quatre personnages dans l’ensemble de la pièce : ceux-ci sont typiques du Nouveau Roman puisqu’ils n’ont pas d’identité. Il n’y a aucun élément de description qui permettrait de leur donner une corporalité et ils ne sont désignés que par leur sexe et un numéro : H1, H2, H3 et F4. Par-là, Nathalie Sarraute tente de déconstruire le personnage pour n’en faire qu’une conscience humaine qui pourrait résonner en chaque lecteur. L’intime de la pensée des personnages est ici prédominante sur leur identité ou leur corporalité.
- H1 et H2 sont deux amis qui ont pris leurs distances suite à une remarque de H1 mal interprétée par H2. De cette remarque, naît la dispute qui constitue l’ensemble de la pièce.
- H1 et H2 sont deux amis en froid. H2 rend visite à H1 pour lui demander des comptes sur son attitude distante ce qui mène à une dispute.
- H3 et F sont les voisins de H2, ils ont pour rôle de juger la dispute. Cela leur confère malgré eux un aspect comique.
B) Les thématiques principales
- Le langage en question : la pièce se fonde sur une phrase mal interprétée, le langage est donc au centre de la réflexion de Sarraute. Les personnages dissèquent les paroles des autres, tentent d’en déceler les failles et les commentent ce qui ne peut qu’attiser le conflit.
- Les non-dits : la tension entre H1 et H2 repose également beaucoup sur ce que les personnages n’arrivent pas à expliquer et que l’on nomme « non-dits ». Cela se lit à travers tous les points de suspension qui sont omniprésents. Chez Sarraute, ce qui n’est pas dit, ce qui est sous-entendu dans les silences, est plus important que ce que les personnages disent réellement. Il faut alors déchiffrer la conscience du personnage pour accéder à sa pensée.
- L’incompréhension : après la visite des voisins, H1 et H2 explorent leur passé et se rendent compte qu’ils n’ont pas le même point de vue sur des événements vécus ensemble. Cela met en lumière les incompréhensions qui peuvent exister lorsque l’on ne communique pas suffisamment ou qu’il y a des non-dits : l’incompréhension mène fatalement au conflit.
C) Les liens avec le parcours
Le parcours associé à l’étude de cette pièce est « Théâtre et dispute ». Les disputes sont la source d’un grand nombre de pièces de théâtre, notamment dans les tragédies. Néanmoins, il n’y a aucune histoire tragique en lien avec cette dispute dans Pour un oui ou pour un non puisqu’il s’agit d’un échange autour d’une formule malheureusement interprétée comme condescendante : « C’est bien, ça ? »
Le théâtre est le lien de l’échange par excellence et la parole a pour vocation de résoudre les conflits. Cependant, dans la pièce, plus les deux anciens amis communiquent, plus la dispute se renforce, au point de devenir insolvable.