Les sondages d’opinion sont devenus un instrument essentiel des démocraties contemporaines, sur lesquels les personnalités politiques et certains médias cherchent à s’appuyer pour défendre leurs intérêts. Ils contribuent ainsi à transformer la démocratie représentative en démocratie d’opinion.
I. Les sondages influencent l’opinion publique…
Dès l’introduction des sondages d’opinion, la question de leur usage par les acteurs politiques a été posée. Ces derniers peuvent y voir un moyen d’influencer ou de contrôler l’opinion publique, en lui substituant l’opinion des sondés.
Dans la même logique, s’appuyer sur les sondages d’opinion peut être une façon de mettre en avant la « majorité silencieuse » contre les « minorités agissantes » et mobilisées dont on souhaite remettre en cause la légitimité de l’action.
Cette instrumentalisation des sondages s’appuie sur les médias, indispensables pour leur donner un impact. Elle peut aussi être le fait des groupes mobilisés eux-mêmes, qui cherchent ainsi une approbation de leurs actions.
II. … modifient le comportement des électeurs…
Les sondages électoraux peuvent avoir une incidence sur le comportement électoral, avec des effets de mobilisation ou au contraire de démobilisation.
1) L’effet de mobilisation
L’effet « bandwagon » désigne l’effet de mimétisme des électeurs incités à voter pour le candidat que les sondages annoncent gagnant. L’effet « underdog » désigne au contraire l’effet de mobilisation en faveur du candidat en retard dans les sondages.
2) L’effet de démobilisation
Les sondages peuvent aussi avoir des effets de démobilisation des électeurs : des pronostics établis (qu’ils soient très favorables ou très défavorables), induisant l’idée que « les jeux sont faits », peuvent inciter à ne pas aller voter et contribuer au phénomène d’abstention.
Mot clé
L’abstention désigne le fait pour un électeur inscrit sur les listes électorales de ne pas aller voter lors d’une élection. Elle désigne par extension le phénomène dans son ensemble, mesuré par le taux d’abstention.
III. … et transforment les institutions politiques
La généralisation des sondages d’opinion conduit à réduire la place des partis politiques dans l’organisation de la vie politique, ceux-ci devenant de simples machines électorales au service des candidats.
Mot clé
Une élection primaire consiste à désigner au travers d’un vote le candidat d’un parti ou d’une coalition de partis pour une élection.
Les candidats aux élections les plus médiatisées tendent à être sélectionnés par les sondages avant de l’être par leur parti, éventuellement au travers de primaires. Les médias jouent un rôle majeur dans ce phénomène.
Les personnalités politiques (et leurs services de communication) s’appuient également sur les sondages relayés par les médias pour se faire connaître et construire leur légitimité, ou celle de leurs idées, auprès de l’opinion publique.
À la démocratie représentative succède ainsi une « démocratie d’opinion » ou « démocratie du public ». La délibération démocratique s’exerce de plus en plus au sein des médias (Internet et réseaux sociaux), influencés par les sondages et le travail des communicants politiques.
ZoomUn exemple de sondage d’opinion
Ce diagramme circulaire présente la proportion, en pourcentage des personnes interrogées, de ceux qui sont considérés comme hermétiques ou au contraire ouverts aux théories du complot.
On a ici une illustration de plusieurs des critiques adressées aux sondages : la complexité de certaines questions posées, l’agrégation de questions relevant de registres différents et de réponses graduées ou encore la non-prise en compte des « Ne sait pas » (de 16 à 39 % selon les questions).