Les Écoles de la 2e Chance, une passerelle vers des formations
Que sont les Écoles de la 2e Chance ?
Alexandre Schajer : Les Écoles de la 2e Chance ont été créées à la suite d’une observation européenne sur la précarité des jeunes. La question était : est-ce que la société pouvait répondre à leur besoin ? C’est pour cette raison que les E2C ont été créées sur la proposition d’Édith Cresson, alors commissaire européenne chargée de l’éducation. Cette volonté de réinsertion des jeunes était présente dès le début de cette réflexion. La première E2C a été fondée à Marseille en 1997, c’est aussi l’une des plus anciennes structures de ce genre en Europe.
Quelles formations sont accessibles via les E2C ?
AS : Les E2C ne délivrent pas de diplôme. En revanche, elles permettent aux jeunes d’acquérir des compétences qui leur permettront d’accéder à des formations qualifiantes ou à l’emploi. Nous les aidons à consolider leurs savoirs fondamentaux comme lire, écrire, l’informatique. Mais aussi des notions transversales, comme le travail en équipe ! Au sein des E2C, un jeune pourra s’élever dans tous ces domaines, jusqu’à intégrer une formation qui correspond à son projet professionnel, ou être directement embauché.
L’enseignement est adapté à chacun. Par exemple, si un jeune veut travailler dans le domaine de la cuisine, la pédagogie en alternance avec l’entreprise lui permet d’acquérir des premiers gestes professionnels. Les E2C sont donc une passerelle vers une formation ou un emploi. Nous suivons également les jeunes un an après qu’ils ont complété leur parcours de formation E2C, afin de suivre leur évolution dans l’entreprise ou en formation. Si nécessaire, le jeune reçoit les soutiens adaptés.
En 2019, vous avez accueilli 15 632 jeunes en décrochage scolaire. Comment les approchez-vous ?
AS : J’aimerais revenir sur le terme de décrochage scolaire. On considère que, jusqu’à 16 ans (âge limite de l’école obligatoire), les jeunes sont en décrochage scolaire. Leur situation relève alors du travail de l’Éducation nationale. Après 18 ans, on parle plutôt de remédiation.
Ce sont les Missions Locales qui mettent en lien les jeunes avec les E2C, 60% de notre recrutement se fait par leur biais. Une certaine complexité se fait jour avec certains jeunes qui ne vont plus d’eux-mêmes vers les services d’orientation. Il faut alors déployer des actions spécifiques pour les toucher. Mais nous recrutons aussi via des associations de quartier, Pôle emploi, le bouche-à-oreille entre les jeunes et les réseaux sociaux.
Qu’est-ce qui différencie votre pédagogie d’un enseignement ou d’une formation classique ?
AS : Nous avons une approche de l’enseignement via le développement des compétences. Les E2C viennent de réadapter leur enseignement autour de neuf grands domaines de compétences. Nous ne donnons pas de notes aux jeunes, nous ne les classons pas. Nous travaillons avec eux via des projets. C’est-à-dire qu’ils n’auront pas de cours de maths ou de français classiques, mais qu’ils seront impliqués dans des projets où ils seront amenés à étudier ces matières. De plus, les plans de formations des jeunes sont individualisés.
Enfin, les jeunes travaillent en alternance (qui occupe 35 à 40 % de leur emploi du temps). Les entreprises sont proches d’eux.
L’an dernier, le taux d’insertion des jeunes issus des Écoles de la 2e Chance était de 63%. Comment pensez-vous que ce chiffre va évoluer ?
AS : Nous avons fait des efforts importants sur la qualité des enseignements des E2C. Notre taux d’insertion des jeunes à la sortie a donc augmenté, passant de 58% à 63%. Cependant, je reste prudent concernant la suite : la progression de ces résultats demeure inconnue à cause de la crise que le pays traverse actuellement.
3 questions à Maxime (21 ans), ancien stagiaire d’une École de la 2e Chance
Qu’est-ce qui t’a amené à intégrer une E2C ?
Maxime : Je voulais reprendre l’école parce que j’avais été déscolarisé vers la 4e-3e. Je ne trouvais pas d’établissement pour reprendre les cours. J’ai fini par trouver une École de la 2e Chance à Lyon, que j’ai intégrée. Mon objectif était d’obtenir le niveau suffisant pour faire un bac pro.
Comment s’est déroulée la formation ?
Maxime : Les enseignants des E2C essaient beaucoup de nous responsabiliser, notamment en nous apprenant la ponctualité ! Le respect est important aussi. Les élèves sont amenés à faire beaucoup de stages dans différents domaines pour trouver leur voie. En arrivant, je m’attendais à quelque chose de très scolaire : en fait, les parcours sont individualisés. Les promotions comptent une douzaine d’élèves, prises en charge par un référent qui suit chaque jeune individuellement. Les responsables nous poussent à suivre les enseignements dont on a besoin pour intégrer la formation ou le métier qu’on souhaite.
Comment as-tu trouvé ta voie ? Que fais-tu actuellement ?
Maxime : J’ai trouvé ma voie par hasard. Des amis m’ont parlé du développement web et je me suis formé en autodidacte, en commençant par le html puis en apprenant d’autres langages. Je n’ai finalement pas fait de bac pro ! J’ai intégré directement une formation dans le domaine du développement web après quatre mois en E2C, où j’ai fait deux mois de stage dans ce domaine. Actuellement, je suis en alternance en tant que Concepteur développeur d’application web.