En lançant la décentralisation de l’organisation administrative française en 1982, l’État a déclenché une véritable réforme structurelle de l’organisation administrative française, tant sur le plan national que territorial. Chaque nouvel « acte » a travaillé à une profonde modification de l’intégralité du paysage politique et administratif de l’État et des collectivités territoriales.
1 - Acte I de la décentralisation : 1982-2003
Loi du 2 mars 1982 : loi portant « droits et libertés des communes, départements et régions » (loi de « grands principes ») ; fin de la tutelle de l’État sur les CT.
Lois du 7 janvier 1983 et du 6 janvier 1986 : premières lois de transferts de compétence de l’État vers les communes, départements et régions. La commune est la principale bénéficiaire de ces transferts.
Loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Anicet Le Pors. La fonction publique, jusque-là limitée aux administrations de l’État, est étendue aux collectivités territoriales, aux établissements publics hospitaliers et aux établissements publics de recherche, faisant passer le nombre de fonctionnaires sous statut de 2,1 millions à quelque 5 millions. La fonction publique, dite dorénavant « à trois versants », est organisée par quatre lois constituant les titres successifs de la nouvelle architecture du statut général des fonctionnaires :
– Titre I – Droits et obligations des fonctionnaires (loi Le Pors) ;
– Titre II – Fonction publique de l’État (loi du 11 janvier 1984) ;
– Titre III – Fonction publique territoriale (loi du 26 janvier 1984). Elle substitue le système de la carrière au système de l’emploi pour les agents locaux ;
– Titre IV – Fonction publique hospitalière (loi du 9 janvier 1986). Cette loi n’a pas été présentée par Anicet Le Pors.
Loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite « loi Chevènement ». Elle renforce et simplifie la coopération intercommunale autour de 3 structures essentielles (EPCI « à fiscalité propre ») : communautés de communes, communautés d’agglomération et communautés urbaines.
2 - Acte II de la décentralisation : 2003-2010
Révision constitutionnelle du 28 mars 2003 : vaste révision du titre XII de la Constitution (réforme du droit de l’outre-mer ; apparition de principes touchant aux finances locales ; renforcement de la démocratie locale ; apparition du « droit à l’expérimentation », notion de CT « chef de file »).
Loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : nouveaux transferts de compétences de l’État vers les CT. La loi simplifie également les règles de fonctionnement des EPCI et renforce leurs possibilités de transformation et de fusion.
Loi du 16 décembre 2010 de Réforme des collectivités territoriales. Achèvement du processus d’intercommunalité ; instauration de la commune nouvelle (collectivité territoriale) et de la métropole (EPCI).
3 - Acte III de la décentralisation : 2013 - ?
Loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral
Élections des conseillers départementaux dans le cadre de cantons redécoupés, chaque canton disposant de deux conseillers départementaux : une femme et un homme.
Les scrutins municipaux et intercommunaux sont modifiés.
Conformément au texte, les élections départementales et régionales auraient dû se dérouler en mars 2014 mais cette année électoralement chargé (municipales, européennes, sénatoriales) a amené le législateur à reporter les élections départementales et régionales en 2015.
Loi du 27 janvier 2014 de Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles dite loi MAPTAM
Clarification des compétences des collectivités territoriales et instauration de la notion de « chef de filât ».
Sur le plan régional, création d’une conférence territoriale de l’action.
Nouveau statut pour les métropoles.
Loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
Cette loi substitue aux 22 régions métropolitaines existantes 12 régions (la Corse est considérée comme une collectivité territoriale à statut particulier) et repousse les élections régionales de mars à décembre 2015.
Loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
Cette loi vient améliorer le régime de la commune nouvelle créée par la loi du 16 décembre 2010. Un pacte de stabilité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est créé les trois premières années de la création de la commune nouvelle.
Loi du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation territoriale de la République dite NOTRe
Loi qui vise à clarifier les compétences des différents échelons territoriaux (communes, départements, régions) ainsi que celles des intercommunalités, modifiant de façon substantielle l’organisation des collectivités territoriales. Ce texte procède, notamment :
– au renforcement des régions ;
– à une rationalisation de l’intercommunalité ;
– à un repositionnement du département axé sur la solidarité (action sociale) ;
– à une confirmation du rôle des communes dans leur mission de services de proximité, seul échelon de collectivité à conserver la clause générale de compétence ;
– à la poursuite du mouvement de regroupement de communes pour disposer, au 1er janvier 2017, d’intercommunalités de vaste taille.
Loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
Loi qui consacre les valeurs que le fonctionnaire doit respecter dans l’exercice de ses fonctions : dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité, laïcité, égalité de traitement et respect de la liberté de conscience et de la dignité des usagers. Si ces principes ont toujours été la base même du fonctionnement des administrations publiques, ils n’avaient pas été jusqu’à présent inscrits dans le statut général des fonctionnaires.
Circulaire du 24 juillet 2018 sur l’organisation territoriale des services publics
Signée par le Premier ministre, elle fixe le cadre d’une évolution notable de l’organisation des services déconcentrés de l’État dans les 4 ans à venir.
Évolution du périmètre des missions de l’État, en énumérant celles pour lesquelles « le rôle de l’État doit être réaffirmé », et celles qui ne seront pas maintenues dans le giron de l’État ou qui seront allégées « compte tenu de l’intervention des collectivités territoriales ».
Évolution de l’organisation et de fonctionnement des services départementaux de l’État.
Rationalisation des moyens de fonctionnement en fixant des objectifs de mutualisation : en matière d’immobilier (regroupements) et de gestion des moyens de fonctionnement.
2019. Réforme de la fonction publique : les dés sont jetés !
« La réforme de la fonction publique [a été votée le 23 juillet 2019]. Les premiers textes d’application sont attendus dès la rentrée. Plus de marche arrière possible, sauf à ce que le Conseil constitutionnel réponde favorablement au recours déposé, le 24 juillet, par trois groupes de députés. Les mesures énumérées ci-dessous entreront en vigueur dès la promulgation de la loi. À savoir :
– la suppression du jour de carence pour maladie des femmes enceintes ;
– la généralisation des parcours de formation pour les personnes accédant pour la première fois à des fonctions managériales ;
– le retour progressif aux 1 607 heures dans la fonction publique d’État et la territoriale ;
– la définition d’un service minimum pour certains services publics territoriaux en cas de grève ;
– ou encore le dispositif rénové de prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d’emplois.
« Les autres dispositions, pour l’essentiel, seront applicables à partir du 1er janvier 2020 ou courant 2020 ». Il s’agit notamment de :
– la réforme des compétences des commissions administratives paritaires (CAP) en matière de mobilité ;
– l’élaboration de lignes directrices de gestion des ressources humaines ;
– l’évolution des procédures disciplinaires.
« Seront également concernées :
– le recours élargi au contrat,
– le renforcement du contrôle déontologique
– l’accompagnement des transformations publiques.
– pour l’année 2020, la rupture conventionnelle ou le renforcement de l’égalité professionnelle.
« Plus d’une cinquantaine de textes devraient être publiés dans les prochains mois, sans compter les projets d’ordonnances, qui feront l’objet de concertations spécifiques. »
Avant d’entrer en vigueur, la loi devra être promulguée par la président de la République après un éventuel passage par le Conseil constitutionnel.
La loi de Réforme de la fonction publique concerne les trois fonctions publiques : État, territoriale et hospitalière.
(Réforme de la fonction publique : les dés sont jetés ! Claire Boulland. La Gazette des communes. Publié le 24/07/2019. https://www.lagazettedescommunes.com)