La polysémie est un phénomène majeur qui touche toutes les classes grammaticales et presque tous les mots du vocabulaire de base.
1 - Définition
La polysémie est la propriété d’un mot qui a plusieurs sens ou acceptions (poly = plusieurs) ; elle s’oppose à la monosémie (le fait qu’un mot n’a qu’un seul sens) qui touche surtout les termes scientifiques (étrave, hortensia, kératite). La plupart des mots sont polysémiques.
Au cours du temps, au premier sens s’ajoutent d’autres sens qui apparaissent en fonction des nouveaux besoins. Ces sens s’accumulant tout au long des siècles, de vieux mots, comme main, tête, bras, sont définis dans le dictionnaire par plusieurs dizaines de subdivisions. Certains de ces sens sont dits « figurés » dès lors qu’il y a image et passage du concret à l’abstrait. Tous les sens d’un mot constituent son champ sémantique. Ces sens découlent les uns des autres et restent proches.
Quand le sens d’un mot est partagé par tous les locuteurs, on parle de dénotation (La mer est une vaste étendue d’eau salée.). Peuvent s’ajouter au sens littéral des sens seconds, fondés sur des facteurs propres à une personne ou une communauté : c’est la connotation. La mer, par exemple, est connotée positivement par Charles Trenet (La mer / A bercé mon cœur pour la vie) ou négativement par Victor Hugo évoquant les disparitions de marins : Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune, / Sous l’aveugle océan à jamais enfouis. Un terme peut aussi être connoté hors contexte : populace à la place de peuple, ou en contexte : collaborateur pendant la Seconde Guerre mondiale.
2 - La multiplicité des sens
Tous les sens d’un mot coexistent. Le contexte de la phrase et la situation de communication permettent d’actualiser un sens plutôt qu’un autre.
Différents paramètres font varier le sens :
– l’environnement lexical et le contexte. Par exemple, le sens du verbe peut varier suivant la sous-classe du sujet, animé ou non animé (Léa a pris son manteau. − La mayonnaise a pris/a durci. − La bouture a pris/a poussé.) ou le choix du complément (Léo capte/ obtient l’attention. − Il a capté/canalisé une source. − Il a capté/reçu une émission.). Les synonymes et les antonymes font apparaitre le sens actualisé en contexte ;
– les différentes constructions (intransitive, transitive directe/indirecte) pour les verbes : L’herbe pousse (croît). Il pousse (déplace) un meuble. Il pousse (incite) son fils à agir.
– la place, pour l’adjectif épithète : une curieuse personne / une personne curieuse.
Différents procédés d’ordre sémantique ont pu faire varier le sens, au cours des siècles. Dans une perspective historique, ont pu jouer la restriction du sens (labourer : « travailler » n’importe quel matériau → spécialisation au domaine agricole) ; l’affaiblissement du sens (étonner : « ébranler à la manière du tonnerre » → « surprendre ») ; l’extension du sens : (le panier : corbeille pour porter le pain → corbeille pour transporter des marchandises).
3 - Les sens figurés
Le mot a un sens de base (un sens premier, un sens propre) qui peut être étendu, suivant différents procédés d’ordre rhétorique (métaphore, métonymie, synecdoque) ; se créent alors des sens « figurés » qui densifient la polysémie d’un mot.
A. La polysémie par métaphore
À partir d’une analogie entre deux éléments appartenant à des domaines différents et un point commun, il y a production d’une image et souvent passage du concret à l’abstrait : une montagne de documents (extension du sens propre au sens figuré par métaphore).
B. La polysémie par métonymie et synecdoque
La métonymie met en rapport deux éléments qui appartiennent au même domaine et qui ont une relation de correspondance permettant de nommer l’un des deux par le nom de l’autre. Table permet de comprendre les glissements de sens par métonymie : meuble (= surface avec des pieds) → meuble où l’on prend les repas (se mettre à table) → ceux qui prennent le repas (= la tablée) → nourriture servie (les plaisirs de la table).
Dans la synecdoque, un des deux éléments est englobé dans l’autre (la partie pour le tout ou le tout pour la partie). Mettre son nez dehors : nez (partie) désigne la personne.
C. Les expressions figées (ou lexicalisées, idiomatiques, figurées)
Prises au sens propre, ces expressions n’auraient pas la même signification. Par exemple, Donner sa langue au chat a un sens figuré (renoncer à chercher une solution), difficile à comprendre si la formulation n’est pas connue. Elles constituent des unités insécables : on ne peut rien enlever ou ajouter : déplacer des montagnes et non *déplacer de hautes montagnes.
Je m'entraine
1. Pour faire apparaitre la polysémie du verbe battre, donnez ses synonymes dans les groupes suivants : a. battre une personne b. battre une armée c. battre les cartes d. battre la mesure e. battre des mains f. se battre avec quelqu’un.
2. Expliquez les sens figurés des expressions suivantes : a. C’est un squelette ambulant. b. Il n’a plus rien sur le caillou. c. Il déraille complètement. d. C’est un cochon !