L’État et les services publics

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I. Un but d’intérêt général

L’intérêt général permet de définir le service public comme le service rendu pour satisfaire les besoins du plus grand nombre. La notion d’intérêt général a deux acceptions, qui peuvent être complémentaires ou s’opposer :

– l’addition des intérêts personnels et privés, ce qui induit un État peu interventionniste, qui propose. Il est plutôt régulateur ;

– la prise en compte d’un intérêt qui transcende les intérêts privés et catégoriels, ce qui conduit à un État interventionniste qui impose.

À la différence du secteur marchand, les gestionnaires du service public visent un service rendu à un prix modéré. Les opérateurs privés ne peuvent pas assurer la satisfaction de ce besoin à ces prix. Parfois, la carence de l’initiative privée conduit à l’intervention du service public. Il faut démontrer un intérêt public ; la jurisprudence administrative en a défini les critères et les limites.

II. Le service public

A. Des services publics ?

Le service public est une activité d’intérêt général, assurée par l’État et des opérateurs publics ou privés, avec un régime juridique principalement de droit public. Le service public est une notion évolutive, son périmètre a évolué avec l’accroissement de l’intervention de l’État.

Voir la vidéo : Qu'est ce que le service public ? : foucherconnect.fr/24rcgendadj10

L’existence d’un service public impose l’implication d’une personne publique, qu’il s’agisse de l’État, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public. Cela permet de distinguer, au sein des activités de prestation de service, celles qui sont susceptibles de relever du service public de celles qui n’impliquent aucune personne publique et donc n’en relèvent pas. Cette implication peut prendre plusieurs formes, selon le degré d’intervention de la personne publique et donc du mode de gestion.

B. Les SPA et les SPIC

Le droit distingue les services publics administratifs (SPA) des services publics industriels et commerciaux (SPIC).

Les premiers correspondent d’abord aux services régaliens représentés par la justice, la défense, l’armée, le service de gestion de l’impôt. Le juge administratif a élargi le service public à des services économiques et commerciaux. Cela a correspondu à la mise en place d’un État interventionniste au début du XXe siècle.

Dans un arrêt du Conseil d’État, « Union syndicale des industries aéronautiques » (1956), trois critères ont été dégagés pour distinguer SPA et SPIC, à défaut de précision par la loi. Ce sont pour les deux derniers des critères alternatifs :

– l’objet de l’activité en cause ;

– le mode de financement ;

– les modalités de fonctionnement.

C. Le service public européen

L’Europe communautaire utilise des termes distincts. Elle différencie les services d’intérêt général (SIG) et les services d’intérêt économique général (SIEG). Les SIG sont les services économiques, mais aussi les services non économiques, d’intérêt général.

Le droit de l’Europe communautaire définit l’exercice des missions d’intérêt général, en les liant au cadre concurrentiel de l’Union européenne. Les SIEG sont en effet une dérogation à l’application du droit de la concurrence. Cela a permis de maintenir des missions présentant un intérêt général.

Des règles générales ont limité les aides d’État par exemple, puis ont ouvert certains secteurs à la concurrence, tels que le secteur postal ou de l’énergie. En contrepartie, la jurisprudence communautaire a défini le service universel et les obligations en découlant pour les États membres. On a réussi à concilier la spécificité des activités d’intérêt général avec les exigences de réalisation du marché intérieur.

L’apport des traités et de la Charte des droits fondamentaux est primordial. Le rôle des SIEG dans la cohésion sociale et territoriale de l’Union a été posé. Les valeurs communes concernant ces services comprennent un niveau élevé de qualité et de sécurité. L’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel, les droits des utilisateurs ont été solennellement affirmés.

III. Les principes du service public

A. Les principes fondamentaux

Forgés par la jurisprudence administrative, ils sont au nombre de trois :

– l’égalité en droit ;

– la continuité du service public ;

– la mutabilité ou l’adaptation du service aux besoins et aux technologies, comme le numérique.

Fondateurs du service public à la française, ils ont été théorisés par Louis Rolland (« lois de Rolland »). L’égalité en droit et la continuité sont deux principes à valeur constitutionnelle, dont le respect est assuré par le Conseil constitutionnel.
La gratuité n’est pas un principe du service public, mais des lois rendent certains services publics gratuits, comme l’école primaire et secondaire en France.

B. Les nouveaux principes

D’autres principes guident l’action du service public. Du droit souple, « soft law », sous forme de chartes, énonce la nécessaire adaptation du service public aux enjeux de la modernisation.

La réduction de la dépense publique, objectif fixé par les traités communautaires (60 % du PIB pour la dette publique et 3 % pour le déficit public), oblige à la redéfinition du sens de l’action publique, notamment pour ceux qui sont chargés de la conception et de la mise en œuvre des politiques publiques : les agents publics.

C. Les principes européens

Selon le Livre blanc sur la fonction publique de 2008, d’autres valeurs émergent au sein des fonctions publiques européennes. Le Royaume-Uni a ainsi, à côté de valeurs traditionnelles de probité, d’obligation de réserve, et de loyauté, affirmé les 4P : pride (fierté), passion (enthousiasme), pace (effort) et professionalism (professionnalisme).

En 2007, le service du personnel du ministère de l’Économie français s’est doté d’un référentiel de valeurs : l’exigence, le sens de l’action, la loyauté, l’écoute et l’esprit d’équipe.

La Charte des droits fondamentaux de l’Europe communautaire (le traité de Lisbonne lui donne la même valeur que les traités en 2007) définit dans son article 41 le droit à une bonne administration. Cela donne à « toute personne le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union ».

IV. Les modes de gestion du service public

A. La gestion directe

Les modes de gestion classiques se juxtaposent avec de nouveaux modes alliant capitaux publics et privés. Il s’agit d’inventer des modalités de partenariat public-privé ou public-public, afin de reporter en partie le financement public sur le prestataire privé. On distingue les modes de gestion avec une personne publique de ceux faisant appel à une personne privée.

La gestion directe prend deux formes :

– la régie simple est le mode classique pour le service public administratif. La collectivité prend en charge avec son budget propre le service ; des personnels titulaires ou contractuels gèrent le service public. Le service déconcentré de l’état civil français en est un exemple ;

– la régie avec une autonomie financière, avec la personnalité juridique ou pas. L’équilibre financier est alors obligatoire. Un budget distinct existe.

Il est également possible de créer un établissement public : une personne morale de droit public, avec une autonomie financière et juridique. Cet établissement est spécialisé dans un domaine de compétences et rattaché à l’État ou à une entité locale.

B. La concession

Le partenariat avec le privé prend la forme de la concession. Cela induit le transfert à l’entreprise délégataire du risque financier, ce qui implique une réelle exposition aux aléas du marché de l’entité privée. Le délégataire assume alors le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts d’exploitation du service qu’il a supportés.

Tous les SPIC sont délégables mais pas tous les SPA : police administrative et judiciaire, sécurité, hygiène, pouvoir d’organisation et de réglementation du service public sont exclus.

L’économie mixte a permis de renforcer la part des actionnaires privés ; cela peut correspondre à 85 % du capital.

C. Une externalisation sous conditions

Le nouveau partenariat public-privé prend la forme d’une nouvelle forme de contrats administratifs qui allient la conception et la réalisation du service par le secteur marchand. Cela conjugue l’externalisation de la conception mais aussi de la gestion du service public.

C’est le partenariat public-privé, auquel le droit confère l’appellation de « marché de partenariat ». L’État rémunère le prestataire sur une longue durée. La performance devient un critère, en termes de modalités techniques innovantes mais aussi en termes de délais de réalisation.

Les services publics administratifs (construction d’une prison ou d’un commissariat) sont concernés tout comme les services publics industriels et commerciaux. L’opérateur économique dispose d’une mission globale ayant pour objet la construction, la transformation, la rénovation d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l’exercice d’une mission d’intérêt général.

VI. Le choix de l’efficience ?

Des critiques sont émises sur ces modes de financement du service public. Cela correspond à une forme d’endettement déguisé, et à son report dans le temps. La logique de l’efficience achoppe sur la logique financière.

Le droit français en a fait un mode dérogatoire de gestion du service public et a fixé des seuils financiers élevés d’intervention, pour éviter les dérives (ordonnance n° 2015-899 relative aux marchés publics).