Web et écoresponsabilité : le temps de la sobriété est-il venu ?

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D’abord prôné par rapport au papier (journaux, catalogue, prospectus publicitaires) pour son impact supposé moindre sur l’environnement, le numérique est désormais pointé du doigt pour son empreinte carbone. De quoi parle-t-on ? 

Frédéric Bordage, spécialiste du numérique responsable et fondateur du Club Green IT en France, recourt à cette comparaison significative : un e-mail utilise la même quantité de données que la Nasa a utilisé en 1969 pour envoyer un astronaute sur la lune, c’est-à-dire 70 kilo-octets. Et il parle ici d’un e-mail simple sans pièce jointe volumineuse telle qu’une image ou une vidéo ! 

Une heure de vidéo par jour pendant un an consomme 48 kg équivalent CO2, la fabrication d’un smartphone 80 kg eq. CO2 et celle d’un ordinateur, 330 kg eq. CO2. À titre de comparaison, c’est plus que la fabrication d’un jean (25 kg eq. CO2), mais moins qu’un vol transatlantique aller/retour (3 000 eq. CO2 ). Ainsi, le numérique représente 1/8 de ton bilan carbone annuel, 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si cela reste limité à l’heure actuelle, la croissance des usages d’internet amènent les experts, comme l’Ademe (l’agence de la transition écologique), à penser que l'empreinte carbone du numérique pourrait doubler d'ici 2025.

Alors comment prendre dès maintenant les bons réflexes pour éviter d’en arriver là ?

Il s’agit avant tout d’avoir une consommation raisonnée et raisonnable au travers de deux leviers : tes équipements et tes usages.

Selon l’Ademe, les Français possèdent en moyenne 99 équipements par foyer dont 6 qui ne sont jamais utilisés. Or les équipements sont ce qui pèse le plus lourd dans le bilan carbone actuel du numérique. En effet, chaque étape du cycle de vie d’un équipement électronique génère des gaz à effet de serre, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à son élimination finale. En moyenne, il faut mobiliser de 50 à 350 fois leur poids en matières pour produire des appareils électriques à forte composante électronique, soit, par exemple, 600 kg pour un ordinateur portable, comme l’explique l’Ademe dans son guide La face cachée du numérique.

Acheter moins, garder plus longtemps, réparer, échanger, acheter d’occasion ou des matériels reconditionnés, recycler sont autant de pratiques qui peuvent faire baisser ton impact. En plus des consignes habituelles qui s’appliquent à tout appareil électrique :

  • Utiliser le mode veille entre deux utilisations​
  • Éteindre les appareils quand tu ne les utilises pas
  • Débrancher les appareils chargés
  • Ne pas laisser les chargeurs branchés “à vide”
  • Utiliser le mode économie d’énergie dès que possible

À noter : de nombreux composants électroniques sont toxiques pour l’environnement et la santé (plomb, mercure, arsenic, chlore, etc.) et nécessitent un traitement spécifique pour être recyclés… Bref, ils ne vont pas dans la poubelle verte ! 

Du côté de nos usages numériques aussi, les bonnes pratiques sont finalement assez proches de celles de la vie courante : ranger, faire du tri, éviter la surconsommation. Ce qui pèse en termes d’empreinte, c’est le stockage et le transfert de données qui sollicitent les data centers (ces centres de données qui stockent les données et permettent leur transmissions).

Quelques exemples de bonnes pratiques à mettre en oeuvre

Pour accéder à un site internet, mieux vaut taper le nom du site directement dans la barre du navigateur plutôt que de le taper dans un moteur de recherche comme Google. Il s’agit de taper le nom complet avec son extension, le .fr par exemple, pour être sûr d’atteindre plus rapidement le site en question. L’Ademe estime que taper directement l’adresse du site permet de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre découlant de l’accès à un site. 

Plutôt que de charger des pièces jointes volumineuses dans un e-mail, mieux vaut mettre les fichiers à disposition sur des sites de dépôt temporaire ou le cloud sous réserve de faire le tri régulièrement. Le cloud (comme iCloud, Dropbox ou Google Drive) ne devrait en effet servir à stocker que des fichiers nécessitant une consultation fréquente ou un accès multi-utilisateurs. 
Pour permettre l’accès permanent à tes dossiers et documents, le cloud fait appel à des data centers qui représentent selon l’Ademe 1 % de la consommation électrique mondiale actuelle. Mieux vaut donc limiter les synchronisations automatiques. Faire le tri dans tes e-mails, te désabonner des newsletters qu’en vérité tu ne lis jamais et supprimer ton historique de navigation sont également des bonnes pratiques. Sur le web aussi, il faut ranger ta chambre x)

Pour désengorger ta boîte e-mail, il existe même une solution française : Cleanfox qui te permet de supprimer et bloquer tous les spams, newsletters et courriers indésirables d’un seul coup !

En matière de fichiers vidéo ou audio (musique, podcast, etc.), le téléchargement est recommandé au streaming. Si la vidéo est régulièrement mise en cause car au centre des usages actuels, sa consommation peut donc se faire de manière raisonnée aussi. Pour en revenir aux chiffres présentés au début de cette leçon, l’empreinte carbone moyenne d’un Français issue de sa consommation de vidéos en ligne équivaut à celle découlant de la fabrication d’un jean. Faisons en sorte que cela reste ainsi ou en deçà… 

D’ailleurs, de nombreux acteurs de la filière se mobilisent pour compenser leur empreinte carbone. Des équipes de production aux distributeurs et streamers (YouTube, Netflix, etc.), la compensation carbone ou l’utilisation d’énergies vertes sont de plus en plus prônées, sans parler du recours à des solutions alternatives comme l’exploitation du peer-to-peer (transmission directe de données entre différents ordinateurs reliés à internet) par la plateforme vidéo WeTube par exemple.

Pour conclure, tu peux agir en choisissant des fournisseurs de services et de solutions qui tiennent compte de l’environnement. Lilo, pour citer un autre exemple, propose un moteur de recherche et une messagerie e-mail française et solidaire soutenant des projets écologiques, tout comme Ecosia qui reverse 80 % des bénéfices à un programme de reforestation au Pérou et en Tanzanie. À toi de peser positivement sur les évolutions d’internet !

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