Les Cahiers de Douai, publiés en 1870, s’inscrivent dans l’objet d’étude « La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle », dans le parcours « Émancipations créatrices ». L’intitulé de ce parcours est en lien avec le projet d’émancipation générale qui traverse la poésie moderne : on souhaite se libérer des normes classiques.
I. L’auteur et les contextes
1) Repères historiques
- 1854 : Naissance de Rimbaud
- 1857 : Publication des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire
- 1870 : Publication des Cahiers de Douai
- 1870-1871 : Guerre franco-prussienne et chute du Second Empire
- 1871 : Commune de Paris
- 1873 : Publication du recueil Une saison en enfer
- 1886 : Publication du recueil Illuminations
- 1891 : Mort de Rimbaud
2) Éléments de biographie
Élevé dans une famille modeste de Charleville-Mézières, le jeune Arthur Rimbaud est éduqué par une mère soucieuse de lui donner une instruction stricte et conforme aux normes morales de son temps. L’éducation du jeune Rimbaud est alors religieuse, disciplinée et routinière. Enfant et adolescent rebelle, Rimbaud se distingue de ses camarades dans les matières littéraires. Féru des classiques, il se passionne pour Victor Hugo et Charles Baudelaire.
La vie du jeune Rimbaud est marquée par un intense désir de vivre une vie non conforme aux mœurs de son temps, peut-être en réaction à l’éducation stricte qu’il a reçue. Passionné par la poésie dans ses jeunes années, Rimbaud poursuit, une fois adulte, les idéaux qu’il a autrefois tant glorifiés. Voyageant à travers l’Europe et l’Afrique du Nord en tant que marchand, Rimbaud meurt en 1891.
3) Contextes historique et culturel
Rimbaud écrit à l’heure d’un bouleversement sans précédent dans l’histoire européenne, c’est-à-dire lors de l’industrialisation massive de l’Europe. La politique est instable et la France connaît, à la fin du XIXe siècle, l’essor du capitalisme industriel. Cette société nouvelle, qui bouleverse un ordre social millénaire, crée de la pauvreté, modifie l’environnement, accélère le temps dans une course folle. Ce nouvel ordre social est contesté par Rimbaud dans la majeure partie de ses œuvres.
En littérature, l’heure est également à la contestation. En effet, les poètes ont pour projet de réinventer de nouvelles formes de versifications et de nouvelles figures poétiques. Ce projet est essentiel pour comprendre la poésie de la seconde moitié du XIXe siècle. Les poètes produisent de nouvelles réflexions sur des objets poétiques classiques comme le beau, l’art ou encore la mission du poète… C’est une véritable rupture. Notons que nous retrouverons ce projet dans les Cahiers de Douai.
II. Le titre
L’œuvre a été nommée les Cahiers de Douai en raison de leur lieu de publication. Les cahiers laissés par Rimbaud ont, en effet, été réunis dans la ville de Douai. C’est une œuvre de jeunesse qui ne connaît pas encore une maturation complète, à l’inverse d’Une saison en enfer ou des Illuminations dont les titres sont évocateurs d’une continuité dans le projet de Rimbaud.
III. Structure et résumé de l'œuvre
L’œuvre, fruit d’une unification, n’a donc pas de structure particulière. De fait, les poèmes se suivent et partagent les songes de Rimbaud à un moment donné. Rimbaud avait seulement seize ans lors de la rédaction de ces poèmes, on l’imagine donc aisément écrire un poème puis un autre sans fil conducteur précis.
On trouve dans les Cahiers de Douai vingt-deux poèmes ayant pour thématiques l’amour, la guerre, la liberté ou encore la religion.
IV. Les thèmes et mots-clés
- L’amour : Le recueil décrit les premières expériences amoureuses et sensuelles du jeune Rimbaud. Notre jeune auteur découvre les premiers émois, les premières désillusions. Les descriptions de l’amour, de la séduction, du regard amoureux, de l’intimité de la vie à deux sont présentes au début du recueil, notamment dans le poème « Première soirée ».
- La guerre : La critique de la guerre semble être un souci récurrent pour le jeune poète. En effet, dans les Cahiers de Douai, on trouve des condamnations parfois violentes de la guerre et de la barbarie qu’elle engendre. Le poème « Le Dormeur du val » en est l’exemple le plus convaincant : Rimbaud critique l’agitation de la guerre et des conflits humains, ainsi que les injustices qu’ils propagent, en opposant au monde guerrier et dominateur la figure d’un soldat endormi et paisible. Rimbaud s’insurge contre la guerre (celle de 1870 entre la France et la Prusse) qui génère des intérêts toujours plus néfastes pour les humains, mais aussi pour le monde.
- La religion et le pouvoir : Rimbaud poursuit sa critique et la dirige vers l’ordre religieux et la religion catholique en général. En effet, Rimbaud se moque de l’hypocrisie des individus religieux dans le poème « Le Châtiment de Tartufe ». L’ordre social est, à ce sujet, critiqué sous toutes ses formes. Rimbaud critique la royauté, la monarchie, la bourgeoisie ; on peut, à titre d’exemple, se référer au poème « Le Forgeron ».
- La liberté : Les Cahiers de Douai sont un manifeste en faveur de la liberté, et de toute forme d’émancipation. Le poème « La Bohème » illustre bien cette volonté de Rimbaud de vivre en tant qu’individu libre. Il y célèbre la liberté de l’esprit et souligne l’importance de se rendre maître de sa vie. Il applique également cette liberté dans les formes poétiques qu’il emploie.