La notion d’autonomie financière des collectivités territoriales (CT) est l’objet de l’article 72-2 de la Constitution. Pour l’exécution budgétaire des CT, les principes du plan comptable général s’appliquent : sincérité, transparence, régularité et indépendance des exercices. Ils sont déclinés en huit points constitutifs du droit budgétaire des CT.
1 - L'autonomie financière
L’article 72-2 de la Constitution stipule : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures.
La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. »
L’autonomie financière a été consacrée par la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004, qui énonce les catégories de CT concernées, précise leurs ressources propres et le taux de garantie desdites ressources.
Cette loi a aussi fixé un ratio d’autonomie financière correspondant au rapport entre les ressources propres (ressources fiscales ainsi que redevances et produits du domaine) et les autres ressources (dotations, participations de fonctionnement, subventions d’investissement). Ce ratio se détériore si les premières évoluent moins vite que les secondes.
Le ratio d’autonomie financière doit être utilisé par référence à la valeur constatée au titre de l’année 2003. Ce ratio est en évolution positive : pour les communes et EPCI il est passé depuis 2003 de 60,80 % à 68,60 % en 2015, pour les départements de 58,60 % à 70,90 % et pour les régions de 55,60 % à 62,50 %. C’est un paradoxe puisque, parallèlement, les marges de manœuvre des CT n’ont jamais été aussi contraintes.
En septembre 2017 le président de la République a lancé la démarche de contractualisation financière entre l’État et les 322 plus grandes collectivités.
Ces collectivités ont été invitées à signer des contrats avec l’État. En contre- partie de l’engagement de l’État de ne plus baisser brutalement leurs dotations, ces collectivités devront contenir la hausse de leurs dépenses de fonctionnement : pas plus de 1,2 % en moyenne.
Au 30 juin 2018, 230 collectivités avaient signé un contrat avec l’État, soit 71 % des collectivités concernées ; en juillet 2019, les dépenses de fonctionnement des collectivités concernées n’avaient augmenté que de 0,3 %.
2 - Les principes généraux du droit budgétaire des collectivités
A - La sincérité budgétaire
Le principe de sincérité implique l’exhaustivité, la cohérence et l’exactitude des informations financières fournies par la collectivité dans l’élaboration et la mise en œuvre de son budget.
Cette sincérité dépendra des informations disponibles au moment de l’établissement des prévisions. Ces dernières ne peuvent jamais être parfaites d’où, pour apprécier la sincérité budgétaire, la distinction entre l’erreur normale et la mauvaise foi.
B - L'unité budgétaire
Un seul et unique document budgétaire doit comporter toutes les opérations de dépenses et de recettes, la totalité des charges et des produits. Les exceptions – ou atténuations – à ce premier principe concernent les budgets annexes et les décisions modificatives. Ces dernières sont traitées dans le principe de l’annualité.
Les services spécialisés, gérés sous la forme de budgets annexes, sans bénéficier de la personnalité juridique, disposent de l’autonomie budgétaire et financière.
Les budgets annexes sont obligatoires pour :
- les services publics industriels et commerciaux (SPIC) : eau, transports, assainissement, pompes funèbres... ;
- les services sociaux et médico-sociaux et les services d’aide-ménagère à domicile soumis à tarification ;
- les services publics administratifs (SPA) gérés dans le cadre d’une régie à seule autonomie financière sur décision de l’assemblée délibérante ;
- les opérations d’aménagement.
En 2014, 48 000 budgets annexes (soit 25 milliards d’euros de dépenses) ont été recensés, toutes collectivités confondues, dont 75 % rattachés aux communes.
Tout budget annexe est produit à l’appui du budget principal pour faciliter les contrôles de l’assemblée délibérante, du juge des comptes et de la légalité.
C - L'annualité budgétaire
L’année civile, du 1er janvier au 31 décembre, constitue le cadre de prévision et d’exécution du budget. Ce principe connaît des atténuations.
1) La technique des autorisations de programme (AP), des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP)
La loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République étend la procédure des AP/CP aux départements, communes et à leurs établissements publics, à l’exception des hôpitaux et des offices publics d’HLM.
Les objectifs de la mesure visent à renforcer le pilotage et l’anticipation des dépenses en les plaçant dans une perspective pluriannuelle et à améliorer la visibilité financière à moyen terme par une programmation des dépenses. Ces dispositions sont reprises par les articles L. 2311-3, L. 3312-4 et L. 4311-3 du CGCT.
Les autorisations de programme sont définies comme la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées pour le financement des investissements. Elles demeurent valables sans limitation de durée jusqu’à ce qu’il soit procédé à leur annulation. Elles peuvent être révisées.
Les AP correspondent à des dépenses à caractère pluriannuel se rapportant à une immobilisation ou à un ensemble d’immobilisations déterminées, acquises ou réalisées par la collectivité ou à des subventions versées à des tiers.
Les crédits de paiement correspondent à la limite supérieure des dépenses pouvant être mandatées durant l’exercice, pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des AP correspondantes. L’article L. 2311-3-II du CGCT prévoit que les dotations affectées aux dépenses de fonctionnement peuvent comprendre des autorisations d’engagement et des CP.
Les autorisations d’engagement (AE) constituent la limite supérieure des dépenses résultant de conventions, de délibérations ou de décisions, pour lesquelles une collectivité s’engage, au-delà d’un exercice budgétaire, à verser une subvention, une participation ou une rémunération à un tiers.
2) Les décisions modificatives
Des modifications au budget votées par l’assemblée délibérante permettent, au cours de l’exercice budgétaire, d’ajuster les crédits de la section de fonctionnement pour régler les dépenses engagées avant le 31 décembre ou inscrire les crédits nécessaires à la réalisation des opérations d’ordre de chacune des deux sections du budget ou entre les deux sections, dans le délai de 21 jours suivant la fin de l’exercice budgétaire.
Ces délibérations de modifications budgétaires doivent être transmises au représentant de l’État au plus tard 5 jours après le délai limite visé ci-dessus, c’est-à-dire avant le 26 janvier de l’exercice suivant (art. L. 1612- 11 du CGCT).
3) La période complémentaire ou journée complémentaire
Il n’existe pas de période complémentaire pour les dépenses d’investissement.
Toutefois, les exécutifs, dénommés « ordonnateurs » (voir ci-dessous), disposent au début de chaque année d’un délai d’un mois pour procéder à l’émission des titres de recettes et des mandats de dépenses de la section de fonctionnement correspondant aux droits acquis et aux services faits pendant l’année précédente.
Il s’agit ainsi de rattacher jusqu’au 31 janvier des opérations budgétaires débutées avant le 31 décembre au budget de l’année précédente.
D - L'universalité budgétaire
Le budget doit comporter l’intégralité des recettes et des dépenses, sans compensation entre elles. Produits et charges sont inscrits pour leur mon- tant brut et non pour leur montant net afin de faciliter la mission de surveillance qui incombe aux divers organes de contrôle.
Ces règles sont composées de deux sous-principes :
- la non-contraction qui signifie que toutes les dépenses et toutes les recettes doivent être prévues et liquidées. Les atténuations admises à ce premier sous-principe concernent certains avoirs sur facture ;
- la non-affectation puisque toutes les ressources sont inscrites dans le budget sans qu’elles soient affectées à la couverture d’une dépense précise. Ce deuxième sous-principe connaît aussi des aménagements : certaines taxes ou redevances sont affectées, du fait des textes, à des dépenses particulières : la taxe de séjour, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).
De même, les subventions d’équipement reçues sont affectées à un équipement ou à une catégorie d’équipements particuliers et doivent conserver leur destination.
E - L'antériorité budgétaire
L’ordonnateur commence à exécuter le budget primitif de l’année civile de référence après le vote – ou adoption – de ce document par l’assemblée délibérante.
Même si la bonne gestion locale implique de voter le budget dès le début de l’année civile, des atténuations à ce principe existent :
- la possibilité laissée aux collectivités de voter leur budget jusqu’au 15 avril de chaque année budgétaire ;
- ou avant le 30 avril de l’année de renouvellement du conseil municipal (art. L. 1612-12 CGCT).
Dans ces cas, pour les dépenses de fonctionnement, l’exécutif peut ordonnancer les dépenses dans la limite des crédits inscrits l’année précédente.
F - La spécialité budgétaire
L’autorisation budgétaire accordée à l’exécutif n’est pas globale. Elle est spécialisée par chapitre budgétaire.
La spécialité vise donc à réserver et à utiliser les crédits pour l’objet précis de la dépense prévue. Les instructions budgétaires (M 71 pour les régions, M52 pour les départements, M14 pour les communes et M4 pour les SPIC) prévoient la description des autorisations budgétaires avec un classement par nature, par fonction et par article.
Exceptions : les instructions budgétaires prévoient des chapitres globalisés pour certaines charges à caractère général et pour des dépenses imprévues qu’il est possible d’inscrire au sein de chaque section dans la limite de 7,5 % des dépenses totales de la section considérée.
G - L'équilibre budgétaire ou équilibre réel
Si l’État peut financer un déficit au moyen d’opérations de trésorerie, les CT sont obligées de respecter un équilibre au niveau de chaque section, de façon à éviter qu’elles empruntent pour rembourser le capital de leur dette et qu’elles génèrent des déficits importants.
Plusieurs critères cumulatifs astreignent les CT à l’équilibre réel, conformément à l’article L. 1612-4 du CGCT :
- les deux sections (section d’investissement et section de fonctionne- ment) doivent être équilibrées ;
- les dépenses et les recettes doivent être sincères, sans majoration ni minoration ;
- le remboursement de la part en capital de la dette doit être assuré par des recettes propres d’investissement ;
- toutes les dépenses obligatoires, au sens de l’articleL.2321-3duCGCT, doivent être correctement évaluées et figurer au budget ;
- lorsque l’exécution du budget du dernier exercice connu a fait apparaître un déficit (constaté au moment du compte administratif), l’équilibre réel du budget n’est assuré que s’il prévoit les mesures nécessaires pour couvrir ce déficit.
Au niveau du compte administratif, la collectivité ne peut afficher un déficit supérieur à 10 % des recettes réelles de fonctionnement pour les communes de moins de 20 000 habitants et de plus de 5 % pour les CT plus importantes.
H - La séparation des fonctions de l'ordonnateur et du comptable
L’article 2 du décret du 29 décembre 1962 stipule que les fonctions d’ordonnateur et celles de comptable sont incompatibles :
- l’ordonnateur (l’exécutif des CT) décide des dépenses et des recettes, engage les dépenses, liquide les droits et ordonnance les paiements et les recouvrements ;
- le comptable (l’agent de l’État) manie les fonds publics, décaisse les dépenses et recouvre les recettes, financièrement parlant. En cela, il est pécuniairement responsable sur ses propres deniers des opérations qu’il diligente.
Toute personne qui manipulerait des fonds publics sans y être juridiquement autorisée encourt une amende et, dans le cas d’un élu, une peine d’inéligibilité de 5 ans. C’est la gestion de fait.
Juridiquement, la seule autorisation possible, pour manier des fonds publics, consiste, sous l’autorité du comptable, à assurer les fonctions de régisseur. Ceci par le biais d’une régie d’avances (les dépenses) et/ou de recettes.
3 - L'analyse des finances publiques locales
L’article 109 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) prévoit que la Cour des comptes établit chaque année un rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Ce rapport est remis au gouvernement et au Parlement.
En juin 2020, le sixième rapport a été publié par application de l’article L. 132-8 du Code des juridictions financières. C’est également le fruit du travail conjoint de la cour et des chambres régionales des comptes. „Les administrations publiques locales (APUL) constituent l’un des trois secteurs des administrations publiques avec celle de l’État et de la Sécurité sociale. Au sein des APUL, les collectivités locales sont largement prépondérantes, en termes de dépenses, devant les organismes divers d’administration locale (ODAL).
Les ODAL regroupent les établissements publics locaux disposant d’une compétence spécialisée et d’une autonomie de décision : centres commu- naux d’action sociale (CCAS), caisses des écoles, services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), organismes consulaires, établissements publics locaux d’enseignement, etc.