Les fonctions de l'État et les régimes politiques

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I. Les fonctions de l’État

L’État a traditionnellement des fonctions régaliennes. Il s’agit de missions liées aux anciennes fonctions du roi ou des seigneurs féodaux, le terme de régalien provenant du latin rex, régis. Il s’agit à la fois de missions de sécurité des populations et des biens mais aussi de la mission de sécurité extérieure et de protection des frontières, que l’on connaît sous le terme de diplomatie. C’est également la définition des règles d’entrée et de séjour des étrangers sur le territoire national.

Il faut ajouter le pouvoir économique, celui de battre monnaie et, dans la période contemporaine, d’avoir une banque centrale et de choisir un programme économique basé sur la demande ou sur l’offre. Cela intègre le pouvoir de décider du taux d’imposition et de recouvrer l’impôt.

La mission de sécurité est aujourd’hui partagée en France entre le niveau national et le niveau municipal. Le maire, agent de l’État, est chargé, avec d’autres opérateurs privés comme les bailleurs sociaux ou publics comme les conseils départementaux, de définir en collaboration avec l’État une stratégie de prévention de la délinquance. L’échelle d’intervention est le périmètre intercommunal.
De même dans le domaine économique, des évolutions ont eu lieu après 1945, qui ont conduit l’État à intervenir dans la sphère économique de façon active. C’est ce que recouvre la notion de Welfare State ou État-Providence.

II. L’État-Providence

A. L’État-Providence

L’État-Providence est la traduction d’une logique de socialisation des risques de santé. Le premier plan d’action est celui de l’économiste William Beveridge. Il remet un rapport au gouvernement de Ernest Bevin (travailliste) mis en œuvre au Royaume-Uni en 1942. La logique du système beveridgien est assurantielle : chacun reçoit en fonction de ses besoins et paie des cotisations hebdomadaires.

Le terme de « Sécurité sociale » apparaît le 14 août 1935 avec le Social Security Act aux États-Unis, sous la présidence de F. D. Roosevelt. En France, en mars 1944, le Conseil national de la Résistance propose dans son programme un « plan complet de sécurité sociale visant à assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail ».

Les ordonnances du 4 et 19 octobre 1945 créent la Sécurité sociale, sur le modèle mis en place en Allemagne de 1883 à 1885 par le chancelier Otto Von Bismarck. La gestion est paritaire et le financement est assuré par des cotisations à la charge des salariés et des employeurs. L’ordonnance maintient certains régimes particuliers de Sécurité sociale préexistants (régimes dits spéciaux). Il y a une collaboration instituée avec les régimes de secours mutuels existant depuis la loi du 1er avril 1898. Ainsi, à l’article 1er figurent les principes directeurs de la Sécurité sociale : « Il est institué une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent. »

Le revenu minimum d’insertion (RMI) est créé en 1988 ; il est remplacé par le revenu de solidarité active (RSA) en 2008. La couverture maladie universelle (CMU) est mise en place en 1999. Désormais dénommée protection universelle maladie (PUMA) depuis 2015, elle fait disparaître la notion d’ayant-droit, pour élargir les droits à une couverture sociale.

L’État-Providence représente aussi une part importante de dépenses du budget de l’État affecté aux dépenses sociales. Le niveau de dépenses publiques de la France s’élève à 53,8 % du PIB et représente, pour le budget général 2019, 51,6 milliards d’euros sur un total de 318,6 milliards. Les prestations sociales représentent en moyenne un tiers des dépenses publiques dans les pays européens. En France, l’augmentation de 4 points de PIB entre 2005 et 2015 est notamment liée aux dépenses santé et vieillesse.

L’approche et la définition de l’État-Providence sont multiples et dépendent du contexte historique. L’ensemble des États de l’UE ont un salaire minimum. L’Allemagne est le dernier État à l’avoir mis en œuvre au niveau fédéral, le montant mensuel s’approchant de celui de la France, soit 1 521 euros bruts mensuels.

B. La remise en cause du compromis fordiste à partir de 1973

Les États en Europe ont fonctionné sur cette base, dite compromis fordiste, jusqu’à 1973. Cette période des Trente Glorieuses s’interrompt. Une crise conjoncturelle qui devient structurelle commence. Celle-ci s’est renforcée depuis la crise des dettes souveraines et des subprimes, à partir de 2009. L’État-Providence est en crise depuis le choc pétrolier de 1973. Un chômage important et en augmentation constante obère la possibilité du plein-emploi.

Des courants libéraux mettent en cause l’intervention de la puissance publique et la gestion publique. En outre, les systèmes de solidarité nationale se heurtent aux difficultés de financer de nouveaux risques sociaux, comme la dépendance. Le déficit de l’assurance maladie en France est un exemple.

Selon Pierre Rosanvallon dans La Crise de l’État-Providence (1981), il s’agit d’une triple crise :
– une crise financière : la fin de la forte croissance des Trente Glorieuses (1945-1973) remet en cause le mode de financement de la Sécurité sociale en augmentant le coût du travail. En parallèle, la prise en charge sociale et économique des plus faibles accroît les dépenses ;
– une crise d’efficacité : l’État fait face à une augmentation croissante du chômage et la mobilité sociale faiblit ;
– une crise de légitimité : l’opacité des dépenses publiques conduit à une remise en cause de l’utilisation des dépenses publiques. Certains considérant, en outre, que les mesures prises freinent la relance économique.

Une typologie de l’État-Providence a été construite par l’économiste danois Gosta Esping-Andersen dans son ouvrage, The Three Worlds of Welfare Capitalism (1990). Face aux difficultés pour faire face aux risques sociaux, il prône un modèle d’État-Providence mixte et dual :
mixte dans son financement : basé, pour l’obtention des pensions de retraite, sur les cotisations et le statut professionnel pour les salariés des grands groupes industriels ; et pour le système de santé, sur les impôts et l’universalisme ;
dual dans son intégration des individus : d’un côté, des salariés et fonctionnaires à statut protégé bénéficiant d’un système se rapprochant du modèle corporatiste-conservateur ; de l’autre, des salariés hors statut, des personnes sans emploi et/ou à faibles revenus à la prise en charge très limitée.

La typologie développée par Gosta Esping Andersen aborde avant tout le degré de dépendance du salarié vis-à-vis du marché économique et la capacité des modèles à l’émanciper, pour un niveau de vie socialement acceptable et décent. Les femmes et la famille sont peu pris en compte comme acteurs majeurs de cette émancipation.

C. Le refus de l’État : les libertariens

À l’opposé d’une redéfinition de l’État-Providence se trouve un courant de pensée dit libertarien qui souhaite moins d’État, voire la disparition de l’État. Les libertariens considèrent que l’État ne doit pas intervenir dans les affaires privées des individus, même pour contribuer à leur bien-être.

C’est une philosophie politique représentée par plusieurs politologues ou sociologues tels Robert Nozick (1938-2002) et Charles Murray né en 1943. Ils souhaitent moins d’État, un État réduit à des fonctions régaliennes ; ils sont aussi anti-étatistes. Leurs programmes réclament la disparition des impôts.

Certains contestent l’existence même de l’État. Ils prônent un État minimal, chargé de défendre l’exercice des libertés naturelles des citoyens. Ces libertés naturelles, droits naturels inviolables, qu’ils acquièrent à la naissance sont le droit de propriété sur leur corps et leurs biens mais aussi la liberté de faire ce qui leur plaît. L’État doit alors exclusivement contribuer à la sécurité et au respect du droit de propriété.

III. Les régimes politiques

Il est important de distinguer le principe de la répartition des compétences, qui renvoie aux formes de gouvernement, et les modalités de la répartition des compétences, qui renvoient à la nature du régime politique.

A. Les régimes politiques chez les Grecs

Pour les philosophes grecs, trois types de régimes politiques existent :
– la monarchie ou la tyrannie : le gouvernement d’un seul ;

l’aristocratie ou l’oligarchie : le gouvernement de plusieurs ou d’une minorité ;

– la démocratie : le gouvernement de tous.

B. La séparation des pouvoirs

La notion pivot est la séparation des pouvoirs développée par Montesquieu dans L’Esprit des Lois (1748). Il faut selon lui éviter que toutes les fonctions de l’État se trouvent entièrement entre les mains d’un seul et même organe, c’est un moyen de prévention contre l’abus de pouvoir.

On peut classer aujourd’hui les régimes démocratiques en deux types, selon qu’ils sont basés sur la collaboration ou la stricte séparation des pouvoirs.

C. Les régimes politiques dans les démocraties modernes

Le régime parlementaire est un régime de collaboration des pouvoirs et de séparation souple des pouvoirs. C’est un système dans lequel le gouvernement est responsable devant le Parlement, celui-ci pouvant destituer le gouvernement, en utilisant la motion de censure. C’est celui qui existe dans la plupart des démocraties européennes dans la période contemporaine.

Le régime présidentiel se caractérise par une séparation rigide des pouvoirs et de séparation forte. C’est un régime dans lequel le président détient la majorité des pouvoirs : il existe une prépondérance de l’exécutif et, au sein de l’exécutif, une prépondérance du président. C’est le régime qui prévaut aux États-Unis.

Le régime mixte est un régime à la fois parlementaire et présidentiel : c’est celui de la Ve République française.

IV. Le régime de la Ve République

A. Les principes

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 pose cinq principes pour la nouvelle constitution :
– le suffrage universel est la seule source du pouvoir ;
– le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être séparés ;
– le gouvernement doit être responsable devant le Parlement ;
– l’indépendance du pouvoir judiciaire doit être garantie, de même que l’exercice des libertés publiques définies par le Préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
– la Constitution doit permettre l’organisation des rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés.

Le projet de loi du gouvernement est ensuite soumis à référendum. Commencés à la mi-juin 1958, les travaux constitutionnels aboutissent fin août à la rédaction d’un texte présenté le 4 septembre. Le référendum a lieu le 28 septembre et le oui l’emporte avec 82,6 % des suffrages exprimés.

Le général de Gaulle avait, dans un discours prononcé à Bayeux le 16 juin 1946, dessiné les grandes lignes de la Ve République. Il affirmait une prépondérance du pouvoir exécutif, en réponse à l’instabilité gouvernementale de la IVe République.

La Constitution de la Ve République comprend un préambule et 89 articles. Le préambule est une source du droit depuis 1971. En énonçant « l’attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 », il affirme la sauvegarde des libertés fondamentales des citoyens.

Vingt-quatre révisions constitutionnelles ont abouti depuis 1958 et permis l’insertion de la Charte de l’environnement dans le Préambule de la Constitution (2005) ou la création de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC en 2008).

B. Le pouvoir exécutif

Le pouvoir exécutif est bicéphale : il est partagé entre le président de la République, élu au suffrage universel direct depuis 1962, et le gouvernement dirigé par le Premier ministre.
Son rôle est défini à l’article 5 de la Constitution : « Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »

Plus d'infos sur le rôle du président de la République : foucherconnect.fr/24rcgendadj08

Le Premier ministre dirige l’action du gouvernement (art. 21). Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation (art. 20). Le gouvernement est responsable politiquement devant le Parlement selon les principes définis aux articles 49 et 50 (motion de censure).

C. Le pouvoir législatif

Le Parlement est bicaméral : deux chambres le constituent. L’Assemblée nationale et le Sénat forment en effet le Parlement. Les députés sont élus au suffrage universel direct pour 5 ans dans 577 circonscriptions. Les sénateurs, élus au suffrage universel indirect pour 6 ans, représentent les collectivités territoriales et sont au nombre de 348. Le Parlement est chargé de voter la loi, il a l’initiative de la loi, contrôle l’action gouvernementale et évalue les politiques publiques. Les domaines de la loi et du règlement sont déterminés par les articles 34 et 37 de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel, composé de neuf membres nommés pour un mandat de 9 ans non renouvelable, assure le contrôle de constitutionnalité de la loi. La mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a élargi le pouvoir de contrôle de constitutionnalité aux lois déjà promulguées. Depuis la révision constitutionnelle du 21 juillet 2008, il peut, sur saisine d’un justiciable, vérifier la conformité de lois promulguées à la Constitution, après filtrage opéré par le Conseil d’État ou la Cour de cassation.

La pratique institutionnelle de la Ve République, les cohabitations de 1986, 1993 et 1997 de même que certaines de ses révisions (élection du président au suffrage direct en 1962 et mise en place du quinquennat en 2000) ont transformé le régime parlementaire rationalisé initial en un régime semi-présidentiel.

V. Un revenu universel ou de base ?

Certains auteurs économistes ou philosophes posent comme principe que l’État doit assurer à tous un revenu universel. Le contexte de la mutation technologique mais aussi la fin du Welfare State, avec l’augmentation de la pauvreté monétaire, en France par exemple, ouvre le débat pour un revenu universel de base.

On constate en effet, en France :

– une augmentation de la pauvreté monétaire : en 2023, 8 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, soit 5,3 millions de personnes, selon l’Observatoire des inégalités (une personne pauvre perçoit moins de 940 euros par mois, ce qui correspond à la moitié du revenu médian des Français). Un chiffre en constante hausse depuis le milieu des années 2000 ;

– une stabilisation du chômage fin 2022 après une période d’augmentation depuis 2008, notamment des jeunes de 15 à 24 ans sans emploi cumulé à une absence de qualifications (de 23,6 % à 25,1 % de Neet pour not in employment, education or training).

Les termes employés sont différents et les courants de pensée qui les animent également : allocation universelle, impôt négatif, revenu de base, revenu universel d’existence, revenu d’émancipation. Mais l’objectif est d’accorder de manière inconditionnelle à chaque membre de la société une dotation monétaire qui serait un socle de protection minimale. On peut les résumer en posant trois éléments :

– c’est inconditionnel, il n’y a pas d’exigences liées au revenu. On sort donc de la logique des minima sociaux (au nombre de 10 en France, liés au handicap, à l’âge et aux revenus, comme la prestation de compensation du handicap) ;

– c’est différent d’un revenu socle, qui serait l’addition des minima sociaux, nommée allocation unique ou revenu minimum garanti ;

– c’est l’individu qui le reçoit et non la famille.

Les propositions varient cependant car les questions sont :

qui ? Dès la naissance avec un montant réduit ? Seulement les personnes qui travaillent ? À partir de 16 ans ou à la majorité légale ? Un citoyen de nationalité française ou un résident fiscal ?

quelles formes ? Une allocation monétaire, imposable dès le premier euro ? Le montant proposé pose la question des effets de substitution par rapport aux minima sociaux.