Les individus se développent en construisant une personnalité unique, autonome, fondée sur l’expérience des relations avec les parents et les autres, sur la compréhension de soi, sur la perception de ses émotions, la construction de son inconscient.
L’attachement : de la naissance à 2 ans
La personnalité et les stratégies qui vont être déployées chez l’adulte trouvent leur source dans l’environnement affectif et matériel que connaît l’enfant dans les toutes premières années de vie.
La nécessité d’un bon environnement
Sa vulnérabilité est telle qu’il a besoin d’un environnement serein, compréhensif, communiquant. Le nouveau-né vit de l’interaction avec les adultes qui l’entourent et en particulier avec sa mère, puis son père (ou les personnes qui en font la fonction, sans être les géniteurs).
L’implication des parents
L’enfant, dès la naissance, est dans un état où ses sens (entendre des sons, être touché, regarder, boire son lait, sentir l’odeur de sa mère...) sont très stimulés par les actions qui se passent dans la vie quotidienne. Il n’a aucun repère et ceux-ci se construisent petit à petit. La survie physique et émotionnelle de l’enfant dépend de l’implication de ses parents.
Il est important à cet âge que les parents ne diffèrent pas la réponse à ses besoins : être nourri, être contenu dans des bras sécurisants, être regardé comme important, être aidé dans la douleur ou la pathologie, etc.
L’attachement de l’enfant
L’enfant développe un attachement pour une personne en particulier (sa mère le plus souvent). Il recherche sa présence, ses bras, son regard, pleure en cas d’absence. Pour que cette période soit bien vécue, il est important que le milieu familial soit serein et ce n’est pas toujours le cas. La naissance d’un nouveau-né peut être accompagnée de difficultés matérielles ou d’événements malheureux (décès, tensions conjugales...) qui influencent l’attention ou la sérénité des parents.
Or, le développement de l’enfant est interactif avec le ou les adultes qui l’entourent. Il a besoin de se sentir aimé pour continuer à vivre ; la mère (en particulier) a besoin d’être valorisée par son enfant pour s’occuper de lui, reconnaître ses besoins et y répondre : elle est attentive à son regard, ses sourires, sa façon de se nourrir ou de téter, ses cris, ses pleurs, son sommeil... La vie psychique de l’enfant dépend de cette « symbiose », et il influence, lui aussi, fortement la vie et les pensées de ses parents.
La place dans la famille
La personnalité de l’enfant est aussi dépendante de ce que les parents, la famille, la fratrie ont fantasmé autour de lui dès le début de la grossesse. Ses simples demandes physiologiques (ses pleurs évacuent une tension) sont assorties d’un jugement, d’une comparaison avec le caractère d’un autre membre de la famille (« il est impatient comme son oncle Bernard »), l’histoire familiale...
L’enfant naît avec un patrimoine génétique et une histoire trans-générationnelle (l’histoire familiale suit plusieurs générations). Pour de nombreux auteurs, le caractère se forge entre l’héritage génétique et l’environnement réel ou fantasmé.
Dans cette période, le rôle du père (ou de son équivalent) est très important : ses sollicitations affectives aident l’enfant à sortir de son attachement pour la mère.
La séparation
L’absence et la séparation brutale avec la personne importance pour l’enfant (décès de la mère, hospitalisation ou placement en crèche par exemple) peuvent aussi entraîner des troubles de la relation aux autres. Il reste avec un sentiment d’abandon exacerbé.
C’est parce que l’enfant se sent en très grande sécurité qu’il peut se séparer de cet attachement pour grandir, explorer son environnement, devenir lui, être indépendant pour ses besoins quotidiens. Parce qu’il a confiance, il peut quitter et revenir dans les bras de sa mère.
L’acquisition de la marche (vers 12 à 15 mois) permet à l’enfant de se séparer de la personne qui le rassure, car la curiosité et le désir de se développer lui font connaître des expériences agréables ou désagréables, de nouveaux objets à saisir et à manipuler, des objets qui sont liés à un son.
Le doudou
Les enfants se créent un autre objet d’attachement sur lequel ils ont du « pouvoir », celui de le prendre ou de le laisser : c’est l’objet transitionnel, familièrement appelé « doudou ». Le doudou devient l’objet rassurant pour l’enfant, le premier objet sur lequel il a du pouvoir et non par lequel il subit une réponse ou non à ces besoins (avant, il subit le « bon-vouloir » de ses parents). Il comprend progressivement qu’il peut dire non à un adulte et avoir de l’influence sur lui.
Le plaisir d’avaler
Pendant la première année de sa vie, l’enfant reconnaît progressivement la satisfaction d’être nourri et de répondre à ce besoin physiologique vital. Il est suggéré que le plaisir de l’enfant est établi autour des lèvres, de la langue, de la cavité buccale, de la succion, du plaisir d’avaler.
Pendant cette période, l’enfant porte de nombreux objets à la bouche et fait ainsi des découvertes. Ce plaisir peut être perturbé par les interdits ou le sevrage. Il évolue dans un second temps par le plaisir de mordre. Ce plaisir s’achève pour d’autres attraits vers 2 ans.
Certains enfants accueillis dans les petites classes posent problème aux adultes car ils mordent d’autres enfants, leur infligeant des blessures et provoquant des réactions de mécontentement chez les parents dont l’enfant a été mordu. Il faut garder en tête qu’un enfant mordeur n’est pas hostile, mais « coincé » dans un plaisir qu’il aurait dû dépasser. L’adulte lui rappelle l’interdiction de mordre, mais s’abstient de lui verbaliser un jugement négatif envers sa personne.
L’opposition : de 2 ans à 3 ans
Le désir d’autonomie et la période d’opposition
La prise de conscience de soi et des limites de son corps est très progressive de la naissance à 2 ans. Le désir d’autonomie de l’enfant est à son paroxysme vers l’âge de 2 ans. Il a besoin de s’affirmer et s’oppose à tout ce que proposent les adultes. C’est une période de conflits normale et indispensable.
Tout aussi normal sera le retour à un lien affectif sécurisant : l’enfant a de nouveau confiance en ce que préconise le parent. Il doit pouvoir se développer dans un cadre qui donne les règles qui lui permettront de s’insérer dans la vie sociale. Il doit continuer à se sentir aimé, même s’il déclenche des réactions désagréables chez ses parents et les autres adultes. Cette étape est appelée période d’opposition, ou période du « je ». En effet, il est remarquable que l’enfant commence à parler de lui à la première personne, en se mettant dans l’action, ce qui met un terme à la confusion qu’il a entre lui et les autres.
La séparation
Le rôle de l’école
Dans une classe, il n’est pas rare que la moitié des enfants vivent la rentrée des classes comme dramatique. Certains pleurent tout le premier trimestre et à chaque retour de vacances tant la séparation avec les parents est pénible.
Les ATSEM qui accueillent des enfants de 2 ans connaissent bien cette période du « non ». Ils peuvent aussi repérer, au moment de la rentrée, les enfants qui ne sont pas capables de se séparer des parents, soit parce que c’est trop tôt, soit parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité à l’école. Le rôle de l’ATSEM est important dans cette période. Il doit être sécurisant, créer de la confiance, faire preuve de compréhension, de disponibilité et d’imagination pour détourner leur attention de leur chagrin.
Certains enseignants proposent aux parents de rester de courts moments dans la classe pendant les premiers jours pour que leur enfant s’habitue à l’environnement de la classe en leur présence. Il n’est pas approprié de chasser les parents en leur disant que tout se passera bien dès qu’ils seront partis. De même, il ne faut pas les laisser mentir à leur enfant en les autorisant à dire qu’ils vont revenir à midi, si celui-ci reste à la cantine.
Un professionnel de la petite enfance influence peu la personnalité de l’enfant qui entre à l’école. À 2 ans, comme à 3 ans, l’enfant a un vécu familial, une histoire personnelle qui a déjà commencé à forger son caractère, sa façon de réagir aux autres, son langage...
Les adultes de l’école ne sont pas tout-puissants et ne doivent pas penser qu’ils peuvent changer l’enfant. Ils accompagnent, montrent des façons d’agir et de parler appropriées, différentes de ce que voit l’enfant à la maison. Ils doivent, comme les parents, ne pas faire de chantage affectif, à une période où l’enfant a besoin de s’opposer sans craindre de perdre le lien affectif qui lui est indispensable. Dire « sois sage pour me faire plaisir » n’est pas une phrase professionnelle.
L’école met à disposition des parents et/ou des enfants des psychologues qui interviennent dans les situations conflictuelles, déliquescentes pour le travail fait à l’école ou dangereuses pour la santé de l’enfant.
L’importance du doudou
Le doudou à l’école est un objet qui est admis, voire indispensable, quand l’enfant se sépare de ses parents le matin, quand il doit se sentir suffisamment sécurisé pour s’endormir à l’heure de la sieste ou quand il a besoin d’être consolé.
L’égocentrisme : vers 3/4 ans
Entièrement tourné vers lui, l’enfant est dit « égocentrique » (ce qui ne veut pas dire égoïste qui est un jugement de valeur peu approprié). La découverte de son importance et l’énergie mise dans de nouvelles acquisitions l’empêchent d’avoir de l’empathie pour l’autre ; il s’agit d’une position normale (sauf si elle perdure au-delà de la maternelle).
La politesse
Les exigences qu’ont les adultes en matière de politesse n’ont pas de signification à cet âge. Les enfants singent (ou oublient) ce que préconise l’ATSEM. Dire « merci » ne s’accompagne pas du sentiment de respect auquel pense l’adulte. Prêter un jouet ne fait pas partie des choix des enfants de 2 ans : lorsqu’ils veulent un jouet que l’autre possède, ils le prennent. Pour apprendre à partager et en comprendre le sens moral, ils doivent avoir de l’empathie pour « l’autre », ce qui va être une découverte progressive jusqu’à 4 ans environ. À 2 ans, les enfants ne jouent donc pas entre eux.
L’importance des jeux
Vers 3 ans, leurs activités ludiques se tournent vers les jeux dits « symboliques ». Il s’agit d’imiter des activités d’adultes pour mieux les comprendre et les verbaliser : cuisiner, soigner sa poupée, réparer les voitures. Ils développent un imaginaire qui leur permet d’anticiper, de mémoriser, de se représenter les parents même quand ils sont absents physiquement. Ils deviennent capables d’intérioriser intellectuellement une action avant de l’effectuer. Ils font semblant, alors que cette capacité a été balbutiante avant 2 ans.
Contrairement à ce que pensent certains parents, les jeux ont une utilité éducative. Ils sont très employés à l’école pour permettre le développement cognitif et affectif des enfants. De plus, ces temps de jeux libres permettent à l’enfant de « souffler » et de ne pas suivre la énième consigne de l’adulte. L’activisme qui a cours dans la société actuelle ne doit pas franchir la porte de l’école : des temps à ne rien faire dans la journée sont à organiser pour que l’enfant développe son imaginaire.
Le plaisir anal
La période d’opposition permet à l’enfant de laisser le plaisir oral pour découvrir le plaisir anal qui est lié à la maturité des sphincters. En corrélation avec le pouvoir qu’il a sur l’objet transitionnel, l’enfant découvre qu’il peut donner quelque chose qu’il lui appartient (ses selles) ou le retenir et ainsi faire réagir son entourage. Il donne ou ne donne pas, obéit à ses parents, ou s’oppose et entretient ses sentiments narcissiques et peu empathiques. Il veut séduire son entourage à tout prix, il se donne en spectacle.
La découverte des sexes : vers 4/5 ans
L’appartenance à un genre
La construction de la personnalité des enfants se poursuit par la découverte de l’appartenance au genre masculin ou féminin. Vers 3/4 ans, en moyenne section, ils se posent la question de savoir s’ils sont filles ou garçons. La curiosité infantile est centrée sur son sexe et celui de l’autre.
À l’école, les adultes peuvent se retrouver dans des situations embarrassantes pour eux. Les enfants se montrent mutuellement leur anatomie sexuelle et font le rapprochement avec l’appartenance à un sexe ou à un autre, ils caressent volontiers leur sexe et l’exhibent. L’adulte rappelle la règle sur ce qui se fait ou non à l’école, en présence des autres, et s’abstient de traiter le sujet sur le ton de plaisanterie malsaine. Ces pratiques sont à mettre du côté de la curiosité et non d’une déviance sexuelle précoce. Néanmoins, l’emploi de mots obscènes d’adulte désignant des scènes érotiques ou des gestes érotiques par un enfant, qui ne sont pas de son âge, peuvent inquiéter les adultes à juste titre et retenir leur attention.
L’empathie
Les enfants se demandent pourquoi l’autre pleure vers l’âge de 4/5 ans. Ils commencent à imaginer les pensées des autres, leur différence de goûts, d’envies... Ils ont envie d’aider les autres, d’être serviables. Cette empathie les mène vers des positions morales à 5/6 ans. Ils vont critiquer une action qui ne leur paraît pas autorisée et la rapporter aux adultes.
La découverte des jeux collectifs
Vers 4/5 ans, les enfants prennent plaisir à jouer ensemble et à découvrir les jeux collectifs, socialisants. Ils peuvent désormais faire une ronde ensemble ou un chant. Ils peuvent créer des personnages fictifs (munis de puissance) et en jouer l’histoire à plusieurs. Ils jouent en respectant des règles du jeu, des consignes communes, en attendant leur tour pour participer.
Vers 4 ans, l’enfant est plus structuré, il a acquis de l’expérience et emploie des stratégies pour obtenir quelque chose de la part des adultes. Ses émotions se sont enrichies : après la peur, la colère, la tristesse ou la joie, il expérimente la culpabilité ou la honte. Il peut utiliser le langage pour mentir par peur de se faire gronder. Mais il peut aussi, à cet âge, affabuler, confirmer ce que dit un adulte en pensant que c’est ce que celui-ci attend de lui. Les adultes qui travaillent avec les enfants doivent être prudents dans leurs écoutes et leurs paroles pour ne pas se retrouver dans des situations conflictuelles avec les parents.
La période phallique ou génitale
De manière logique, les pulsions sexuelles des enfants se font autour de la zone génitale. Cette période est appelée période phallique ou génitale, car les questions des enfants tournent autour du pénis apparent chez les garçons et « disparu » chez les filles. Il n’est pas rare d’entendre un enfant répéter qu’il est un garçon ou qu’il est une fille. Les enfants entre eux se posent la question. La peur de la perte du pénis ou la culpabilité de l’avoir perdu est omniprésente à cet âge et est source d’inquiétude tant que la différence des sexes n’est pas comprise comme une réalité.
La période œdipienne : vers 4/6 ans
La tentative d’individuation de l’enfant se poursuit jusqu’à l’adolescence. Auparavant, il vit une période décisive autour de 4/6 ans environ qui est de prendre sa place dans l’arbre généalogique de la famille et de se détacher ainsi de ses parents.
L’imitation
L’amour du parent du sexe opposé
Quand les enfants comprennent à quel sexe ils appartiennent, ils tentent d’imiter l’adulte de même sexe et de le prendre comme modèle afin de devenir grands et de s’accaparer de sa puissance. L’imitation les pousse à tenter de séduire le parent de sexe opposé. Le garçon tombe follement amoureux de sa mère et la fille de son père. Les enfants viennent à l’école et confient à l’ATSEM « qu’ils vont se marier avec maman/papa ».
Les parents ont la délicate mission de confirmer leur affection à leur enfant tout en l’aidant à distinguer quelle sorte d’amour ils lui procurent. S’ils ne distinguent pas eux-mêmes la place qu’ils font au conjoint et à l’enfant (par le langage et les actions appropriées), ils n’aident pas l’enfant à sortir de cet imbroglio.
L’hostilité au parent de même sexe
L’hostilité au parent de même sexe est visible : c’est un rival et le conflit existe tant que l’enfant ne comprend pas que ses parents forment un couple à un niveau généalogique qui ne lui est pas accessible.
Cette compréhension le libère du poids de ses parents : ils ne sont pas seuls mais en couple, il peut continuer sa vie autonome. L’enfant agit comme si aimer follement le parent de sexe opposé pour en être repoussé lui permettait par la suite de s’en détacher.
La découverte des autres
À l’entrée au cours préparatoire, les enfants ont normalement résolu ces questionnements (le complexe d’Œdipe) et ils peuvent se concentrer sur la découverte des autres, de l’environnement, du monde.
L’attachement de l’enfant se porte alors sur d’autres personnes que les parents : l’entourage familial, amical, scolaire. Ses pulsions sexuelles sont refoulées jusqu’à l’adolescence, période où il acquiert les attributs sexuels pour mener à bien sa libido. Cette période est d’autant plus conflictuelle que les parents n’auront pas permis à l’enfant de se détacher d’eux à la période œdipienne.
Conseil
Lors du concours, les jurys n’attendent pas un discours détaillé des principales phases psychiques par lesquelles passe l’enfant. Mais ils peuvent demander des explications autour de comportements infantiles, survenant à l’école et qui ne trouvent pas de réponses satisfaisantes si l’adulte n’a pas quelques connaissances autour de ce sujet complexe. Il est utile au candidat de disposer de repères simples pour situer les aptitudes et habiletés des enfants en fonction de leur âge.
Développement et comportement
Le développement psycho affectif de l’enfant est un vaste sujet qui mérite que le candidat ait des lectures le concernant tout au long de sa vie professionnelle. Il est admis que la façon dont se déroulent les différentes étapes de ces premières années de vie influence une partie de notre inconscient et de nos comportements, ce qui implique des adultes une bonne compréhension des besoins de l’enfant.
Conseil
De nombreux ouvrages existent sur le développement de l’enfant. Nous conseillons aux candidats de se documenter. À titre personnel, l’auteure recommande la lecture d’Isabelle Filliozat, Au cœur des émotions de l’enfant, qui illustre de manière simple le mode de pensée des enfants et le cheminement de leur comportement.